• Jacques Attali : «Donald Trump a déjà signé le déclin américain»
    Mar 7 2025
    Cette semaine, nous recevons Jacques Attali, économiste, auteur et ancien Conseiller d'État. Face à la menace russe et à l’envenimement des relations avec les États-Unis, il commente les défis à relever par l’UE afin de renforcer sa défense. «C’est un moment absolument vital», avertit Jacques Attali au sujet des décisions majeures que doit prendre l’Union européenne (UE) sur le renforcement de sa défense. L’ancien Conseiller d'État, qui a soufflé à l'oreille des présidents de la République française, notamment à celle de François Mitterrand, dit alerter sur ce sujet depuis au moins vingt ans : «Les Européens devraient prendre conscience d'une chose fondamentale : nous sommes seuls. Maintenant, je pense que les Européens l'ont compris», dit-il. «Donald Trump est en train de devenir un dictateur»Face à une apparente alliance entre les États-Unis et la Russie, leur relation avec les Européens ne cessent de s’envenimer. Jacques Attali compare les présidents russes et américains à des dictateurs. «Donald Trump est en train de devenir un dictateur», dit-il, le comparant à Adolf Hitler : «Comme Hitler, il y a eu un putsch raté. Il installe la terreur. Il dit plein de fausses nouvelles. Il veut déporter des gens. Il menace les juges et je pense que la prochaine étape, c'est qu'il passe outre les décisions de justice», alerte-t-il.Alors que l’UE est dans l’attente d’annonces officielles de Donald Trump au sujet des droits de douane qu’il souhaite augmenter, l’économiste et ancien Conseiller d'État appelle à «boycotter l’économie américaine.» «Il faut en arriver à ne pas faire d'affaires avec eux», ajoute-t-il. À cause de ces mesures protectionnistes et de ses multiples brouilles avec plusieurs pays, Donald Trump a «déjà signé le déclin américain», selon Jacques Attali. «Je continue à rêver d'une Russie démocratique faisant partie de l'UE»En ce qui concerne la Russie et l’UE, Jacques Attali conserve l’espoir d’une future amélioration des relations : «Je continue à rêver d'une Russie démocratique faisant partie de l'UE, au-delà de la période Poutine. C'est une grande nation européenne avec une culture qui fait parfaitement partie de la nôtre», pense-t-il. Il alerte cependant sur la menace des ambitions expansionnistes russes. «Il faut être prêt à réagir à toute tentative de reprendre la Moldavie, à la menace d'empêcher le résultat d’élections démocratiques en Roumanie ou à la volonté de mettre la main sur les Pays baltes et ensuite de s'attaquer à la Pologne», énumère l’ancien Conseiller d’État. «Il faut être prêts», ajoute-t-il. «Il faut un grand patron de l'Europe de la défense»S’il qualifie «d’excellent» le plan présenté par la Commission européenne afin de «réarmer l’Europe», il pense qu’il reste «incomplet». «Il faudrait admettre que l'Ukraine fait partie de l'Europe de la défense et que c'est l'occasion d'arrimer définitivement l'Ukraine dans l’UE car c'est une des meilleures armées d'Europe», affirme-t-il. Il insiste également sur la nécessité d’identifier le type d’armement dont l’Union a besoin pour sa défense : «Il faut acheter et faire construire les armes dont on aura besoin dans ces guerres.» «Il faut également qu’il y ait un grand patron de l'Europe de la défense qui coordonne l'ensemble», conseille-t-il aux Vingt-Sept. «Il faut avancer avec ceux qui le veulent»Les États membres peinent à se mettre d’accord sur la nécessité d’un soutien à l’Ukraine mais Jacques Attali relativise : «Il faut avancer avec ceux qui le veulent. Si nous n’avons pas le soutien de la Hongrie, ce n’est pas tragique.» L’UE est confrontée à de nombreux défis mais Jacques Attali appelle à «ne pas désespérer. (...) Il faut considérer que ce qui se passe est une chance. Une chance de nous unir davantage et de prendre en charge notre destin», conclut-il.
    Show more Show less
    20 mins
  • Christophe Hansen : «Il faut trouver de nouveaux pays pour l’exportation de nos produits»
    Feb 28 2025
    Cette semaine, nous recevons Christophe Hansen, commissaire européen luxembourgeois à l’Agriculture et à l’Alimentation ainsi qu’ancien eurodéputé du Parti populaire européen. Simplification des normes, accords du Mercosur et agriculture biologique : il détaille la feuille de route de l’UE pour le secteur agricole. La Commission a présenté sa «vision» pour l’agriculture de l’Union européenne (UE), un plan qui vise à façonner un «système agroalimentaire attractif, compétitif, résilient, tourné vers l'avenir et équitable pour les générations actuelles et futures». Cette nouvelle feuille de route marque une rupture en termes d’objectifs et de contraintes pour les agriculteurs. «Trop de charges administratives»En effet, en 2020, la Commission européenne présentait la stratégie de la «ferme à la fourchette» qui visait à verdir le système alimentaire européen avec des objectifs précis à l'horizon 2030. La Commission plaide aujourd’hui pour davantage de flexibilité, ce qui fait craindre un recul des mesures prises pour protéger l’environnement. «Nous sommes toujours dans l'idée d'un verdissement», se défend Christophe Hansen. Pourtant, le maître mot de cette «vision» est la simplification. Cela passe notamment par un assouplissement de la législation et des normes qui s’appliquent aux agriculteurs. Le commissaire à l’Agriculture et à l’Alimentation explique avoir «entendu» les demandes des agriculteurs qui ont manifesté en masse l’an passé : «Ils dénoncent trop de charges administratives». «Il y a toute une panoplie de lois nationales et européennes auxquelles ils doivent se tenir», détaille-t-il. «Je pense qu'il est essentiel de réagir», alerte Christophe Hansen. S’il reconnaît que «le changement climatique est une réalité», il estime qu’il faut privilégier l’échange avec les agriculteurs plutôt que «les règlements et la pression du haut vers le bas pour atteindre les objectifs». «L’agriculture a baissé ses émissions de 2%»Au niveau mondial, les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole représentent 11% des émissions totales. Alors que certains secteurs sont contraints par la loi européenne sur le climat de réduire leurs émissions d'ici 2030, l’agriculture échappe à cette obligation. «L’agriculture fait des progrès énormes», explique le commissaire. «Entre 2023 et 2024, l’agriculture a baissé ses émissions de 2%. Le secteur des transports a enregistré une baisse de 1%. L'agriculture fait mieux», indique-t-il. Pour parvenir à une baisse des émissions de gaz à effet de serre, il prône le développement de nouvelles technologies : «Si nous assurons une meilleure prévisibilité budgétaire et réglementaire, il y aura à nouveau plus d’investissements dans l'agriculture, dans de nouvelles technologies qui seront moins émettrices et nous serons capables de réduire davantage les émissions». Autre coup porté à la protection de l’environnement : la présidente de la Commission européenne a annoncé la suppression du texte qui visait à réduire de 50% l’utilisation des pesticides d’ici 2030. «Ces dix dernières années, nous avons retiré plus de cent matières actives utilisées dans l’agriculture. Je pense que c'est un grand pas», explique Christophe Hansen. Il indique que cela a conduit des agriculteurs à subir des pertes de récolte. Pour tempérer les critiques liées au retrait de cette législation, il appelle à «développer davantage les biopesticides qui peuvent représenter des alternatives aux pesticides classiques». «Avant de retirer des produits, nous devons avoir une alternative plus durable», poursuit-il. «Il faut rendre l’agriculture biologique plus attractive»Au sujet de l’agriculture biologique, la Cour des comptes européenne a estimé que l'UE pourrait ne pas atteindre son objectif de 25% de terres cultivées en agriculture biologique d’ici à 2030. À ce jour, seulement 11% d’entre elles sont cultivées en bio. «C'est un objectif qui est ambitieux mais réalisable», selon Christophe Hansen. «Il faut rendre l’agriculture biologique plus attractive», poursuit-il. 15 milliards d’euros supplémentaires vont être alloués pour développer le bio d’ici 2027. Selon les exploitants, ce montant est insuffisant. «Nous souhaitons encourager les marchés publics comme les cantines publiques à miser davantage sur les produits bio et régionaux», avance Christophe Hansen comme possible solution pour développer ce secteur. «Nous devons aussi miser sur l'exportation de ces produits car notre label bio est reconnu mondialement, il y a d'énormes potentiels. Nous travaillons à faciliter encore plus les démarches administratives et les subventions agricoles pour ces exploitants», ajoute-t-il. «Il faut trouver des alternatives d’exportation»Au sujet de l’accord de libre-échange entre l’Union ...
    Show more Show less
    20 mins
  • Antonio Costa : «Je ne vais pas organiser un Conseil européen chaque fois que quelqu’un tweete !»
    Feb 21 2025
    Cette semaine, Antonio Costa, président du Conseil européen, nous accorde une interview exclusive. Ancien Premier ministre portugais socialiste, il est en charge, depuis le 1er décembre 2024, d’accorder les Vingt-Sept sur les grands dossiers. Il réaffirme leur soutien aux Ukrainiens : il appelle à des négociations incluant l’Ukraine et l’UE, et à un renforcement de la défense européenne. Le président du Conseil européen réitère le soutien inconditionnel des Vingt-Sept aux Ukrainiens : «Notre priorité est de renforcer la position de l'Ukraine. Nous étions à ses côtés dès le premier jour de la guerre et nous le resterons pendant la guerre et pendant les négociations.» «L'agresseur c'est la Russie, la victime c'est l'Ukraine», ajoute-t-il. «La paix ne peut pas être seulement un cessez-le-feu»Alors que les États-Unis ont entamé des discussions avec la Russie, en l’absence des Ukrainiens et des Européens, afin de mettre fin à la guerre, Antonio Costa refuse de parler de «négociations». «Il y a des conversations bilatérales entre les États-Unis et la Russie, ce qui est positif si cela mène à de vraies négociations», explique-t-il. Selon lui, afin de parvenir à des «négociations crédibles», l’Ukraine doit prendre part à ces discussions : «Nous parlerons de négociations seulement quand les belligérants, leurs représentants ou un médiateur, acceptés par les deux parties, feront partie de la discussion.»Il jette les bases de futures négociations : «Cette paix ne peut pas être seulement un cessez-le-feu car il faut s’assurer que la Russie ne va pas profiter de celui-ci pour revenir plus forte et essayer une fois encore de prendre le contrôle du territoire de l'Ukraine.» Il accuse la Russie de remettre en cause l’ordre mondial établi après la Seconde Guerre mondiale : «Si nous acceptons qu'un État, qui est par ailleurs membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, puisse ne pas respecter la loi internationale, nous donnons le feu vert à ce que tout le monde puisse imposer la loi du plus fort.» Se préparant aux négociations, et s’il explique qu’il ne sera pas nommé négociateur des Vingt-Sept, Antonio Costa confirme qu’il y aura bien «un envoyé spécial de l'UE» : «La conversation est en cours. Je n'ai pas encore parlé avec tous les dirigeants européens, mais je le ferai dans les prochains jours.»«La Russie est une menace globale pour l’Europe»Face à une menace russe grandissante, les Européens tentent de s’organiser et de renforcer leur défense. «La Russie est une menace globale pour l’Europe et pour toute la sécurité internationale», prévient Antonio Costa. «Nous ne pouvons pas séparer la négociation de la paix en Ukraine de la sécurité européenne.» Antonio Costa se félicite des initiatives et de l’engagement d’Emmanuel Macron : «La France a une position clé». Les Européens devront donner des garanties de sécurité à l’Ukraine : «Ce qui était la façon la plus claire, la moins coûteuse de rassurer l'Ukraine vis-à-vis de son avenir, c’était l’adhésion à l’OTAN. Maintenant [que les Américains s’y opposent], il faut trouver des alternatives.» Les Vingt-Sept sont pourtant encore divisés face à ces garanties et à la réorganisation de leur sécurité. «Il est important de savoir quelle est la disponibilité de chaque État dans ce cadre de paix et afin d’assurer la sécurité de l’Europe», tempère Antonio Costa. «Il n'y a pas de divergences mais des disponibilités diversifiées», ajoute-t-il décrivant les discussions ayant eu lieu entre les pays membres. Il affirme que tous les pays sont ouverts à la discussion et qu’ils visent «une paix qui soit totale, juste et durable pour l'Ukraine». «L’UE doit être confiante, et agir de façon responsable, prévisible et crédible»Face à ces diverses menaces, le président du Conseil affirme que l’UE «doit se comporter et agir d'une façon responsable, prévisible et crédible». «Je ne vais pas organiser un Conseil européen extraordinaire chaque fois que quelqu’un tweete !», explique-t-il. Antonio Costa souhaite rassurer sur le rôle de l’UE et ses relations avec le reste du monde : «Je crois que les Européens ont toutes les raisons d’être confiants. Nous voulons garder nos alliés et même renforcer nos alliances.» «Nous voulons faire alliance avec ceux qui soutiennent la légalité internationale, que ce soit les États-Unis, le Canada, plusieurs pays d’Afrique, d’Amérique latine ou d’Asie. C'est une question qui concerne tout le monde, c'est une question de stabilité de l'ordre international», conclut-il.
    Show more Show less
    20 mins
  • Thierry Breton: «Discutons de la dissuasion nucléaire française avec nos 26 partenaires»
    Feb 14 2025
    Cette semaine, nous accueillons Thierry Breton, ex-commissaire européen au Marché intérieur et ancien ministre de l’Économie français. Face à la menace de l'administration Trump sur divers sujets, il commente les défis sécuritaires, numériques ou commerciaux que l’Union européenne doit relever. La défense est au cœur des discussions de l’Union européenne (UE) au moment où la Pologne, qui détient la présidence tournante du Conseil, consacre près de 5 % de son PIB à la défense, un record en Europe.Face au poids militaire des États-Unis, notamment à travers l’Otan, Thierry Breton, ex-commissaire européen au Marché intérieur, insiste sur le fait que « l'Europe doit prendre son destin en main, dans toutes les dimensions, y compris en matière de défense ». S’il estime que l’UE dispose des infrastructures nécessaires pour accroître ses capacités de défense, il l’appelle à « augmenter sa base industrielle » afin de produire et utiliser des armes européennes.L'ancien ministre de l’Économie français souhaite également aborder un sujet tabou : « Nous avons 26 pays en Europe qui dépendent des États-Unis pour la dissuasion nucléaire. » La France étant le seul pays de l’Union à disposer de l’arme nucléaire, l’ex-commissaire européen estime que cette dépendance aux Américains est « défavorable » à l’UE. « Tant que ce problème n'aura pas été adressé de façon sérieuse entre les Vingt-Sept, il y aura une dépendance envers les États-Unis, qui sont dans une logique transactionnelle », prévient-il. « Il faut maintenant que la France parle de cette composante (nucléaire) avec l'ensemble des Vingt-Sept. » « Dans la confidentialité que requiert ce type de discussions », précise-t-il.« Il faut que nous, Européens, prenions notre destin en main »Au chapitre de la guerre en Ukraine, Donald Trump s’est entretenu avec Vladimir Poutine, sans inclure les Ukrainiens et l'UE. Thierry Breton rappelle que « cette guerre se déroule sur le continent européen ». « Il faut que nous, Européens, prenions notre destin en main. Il faut nous faire entendre. Aujourd'hui, nous sommes beaucoup à trouver que l'Europe ne parle pas assez », dénonce-t-il. L’ex-commissaire européen estime que l’Ukraine est « un pays souverain qui s'est battu de façon admirable » et que « l’Europe doit dire que les discussions doivent se dérouler avec elle et avec Volodymyr Zelensky ».Autre sujet de discorde transatlantique : la menace de Donald Trump d’augmenter les droits de douane des produits européens, en instaurant des « droits de douane réciproques ». L’ancien commissaire au Marché intérieur explique que de tels droits de douane impacteraient tout d’abord les consommateurs américains, car les produits coûteront plus cher à l’achat. « S’il y a des discussions commerciales, nous serons prêts à les mener », estime-t-il. « Il faut exercer ce rapport de force politique. Il faut répondre en ciblant des domaines, des géographies ou des industries qui ont un impact politique plutôt qu’économique », détaille-t-il. Il appelle à cantonner la négociation au secteur commercial, sans céder aux pressions sur d’autres terrains : il ne faut pas mettre à mal nos lois encadrant les services numériques ou l’IA « qui ne plaisent pas à l'administration Trump ». « Nous ne pouvons pas accepter de détricoter ce qui fait partie de notre intégrité pour éviter des droits de douane. »« Il y a un lien entre immigration et accroissement de la richesse nationale »En matière d’environnement, la Commission européenne est accusée par les écologistes et des ONG de mettre en place une simplification des normes pour les entreprises qui pourrait être synonyme de dérégulation. L'ex-commissaire européen chargé de l’industrie appelle à garder « notre ligne directrice » en lien avec les accords de Paris : « Si jamais il faut améliorer les éléments de cette transition, il faut le faire, mais il faut toujours avoir l'objectif en tête : 2050, continent décarboné. »Autre sujet qui enflamme les débats au sein des Vingt-Sept : la gestion de l’immigration. Alors que de nombreux États membres durcissent leur politique d’accueil, le gouvernement socialiste espagnol a adopté une réforme qui entend régulariser 900 000 étrangers sans-papiers d'ici trois ans. L’Espagne, qui a connu une croissance spectaculaire en 2024, enregistrant ainsi la meilleure performance de la zone euro, affirme que l'immigration n'est pas un danger, mais une source de croissance économique. « Il y a un lien entre immigration et accroissement de la richesse nationale. Tous les économistes vous le diront », confirme Thierry Breton. « Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas contrôler l’immigration. L'intégration est le sujet sur lequel il faut travailler ensemble », tempère-t-il....
    Show more Show less
    20 mins
  • Enrico Letta : «Répliquons à Trump en évitant d'être une colonie de la finance américaine !»
    Feb 7 2025
    Cette semaine, nous recevons Enrico Letta, président de l’Institut Jacques Delors ainsi qu’ancien ministre et président du Conseil des ministres italien. Auteur d’un rapport sur la compétitivité de l’UE, il commente les menaces commerciales des États-Unis, le souverainisme grandissant au sein des Vingt-Sept et l’avenir de l’UE portée par le couple franco-allemand. À la suite de l’élection de Donald Trump aux États-Unis et à ses menaces d’augmenter les taxes douanières sur les exportations européennes, Enrico Letta prône de «changer d'approche avec le président américain : il faut commenter les faits et non pas les annonces. Il cherche à créer du chaos avec des dizaines d’annonces sur des sujets différents». Si l’Union européenne (UE) est dans l’attente d’annonces officielles de l’administration Trump au sujet des droits de douane, Enrico Letta prédit qu’elle devra «répliquer au niveau commercial» mais également dans d’autres domaines : «Si Donald Trump continue à attaquer l'Europe, il faut également répliquer au niveau des marchés financiers en protégeant notre système financier et en évitant d'être une colonie de la finance américaine !»Pourtant, au sein même des Vingt-Sept, des désaccords subsistent face à l’attitude du président américain. Giorgia Meloni, présidente du Conseil en Italie et Viktor Orban, Premier ministre hongrois, ont notamment participé à l’investiture de Donald Trump. «Quelques pays pensent qu'avoir une relation personnelle avec Donald Trump va les aider à éviter ses coups. Je pense que c’est une grande erreur», ironise l’ancien chef de file du parti démocrate de centre gauche en Italie. Si Giorgia Meloni a l’oreille du président américain, Enrico Letta espère que «cela se concrétise de façon utile pour tous et qu’elle ne divisera pas l'Europe». «L’Europe doit parler d'une voix à Donald Trump et cette voix doit être celle de la présidente de la Commission européenne». L’Italie a également signé un contrat de 1,5 milliard d'euros avec l’entreprise d’Elon Musk contre la fourniture d'un accès sécurisé à Internet via le système Starlink pour les opérations du gouvernement italien et de son armée. Un partenariat critiqué par l’ancien président du Conseil des ministres italien qui le considère comme une entrave au développement d’un programme spatial à l’échelle européenne : «Nous devons défendre cette solidarité entre nous et il faut le faire ensemble.» Selon Enrico Letta, «Elon Musk déteste l'Europe en tant que telle, l'idée de cette solidarité entre les pays».Le milliardaire Elon Musk, désormais acteur majeur de l’administration Trump, interfère également dans les élections législatives allemandes du 23 février. Il soutient publiquement le parti d’extrême droite AfD, qui grimpe dans les sondages pour ces élections. «J'espère que l’AfD ne va pas gagner ces élections. Il est évident que cette tentative d’Elon Musk d'aider l’AfD est une tentative de nuire à l'Union européenne. Si l'Allemagne vire à l'extrême droite, ce sera un coup mortel pour l'UE», alerte le président de l’Institut Jacques Delors. Il s'inquiète également d'une possible collaboration entre l’AfD et le parti chrétien-démocrate, en tête des sondages. Une coalition exclue par le chef de file des chrétiens-démocrates, Friedrich Merz, mais qui vient de voter une motion anti-migrants en s'appuyant sur les voix des députés AfD. «J'espère que ce dossier est complètement clos», assène Enrico Letta. «J'espère que le résultat des urnes donnera lieu à une coalition simple, pas une coalition à trois ou quatre partis. Ce serait un désastre. Une coalition simple et surtout pro-européenne», détaille-t-il.Hongrie, Pays-Bas, Belgique, Autriche, Slovaquie… de plus en plus de pays européens sont dirigés par des gouvernements de droite radicale ou populistes. Face à un souverainisme grandissant, Enrico Letta rappelle que la solidarité européenne est essentielle notamment en termes de compétitivité : «Le souverainisme national profite à Wall Street, à l'industrie américaine et chinoise à cause de la fragmentation de notre système de marché financier européen, divisé en 27 pays.»Revenant sur l’idée de solidarité européenne, le président de l’Institut Jacques Delors promeut le développement de politiques de cohésion : «Le marché intérieur, c'est un succès, mais ça renforce ceux qui sont déjà forts. Il faut aider en étant solidaires», encourage-t-il.
    Show more Show less
    20 mins
  • Teresa Ribera: «Beaucoup d'Européens pourraient mourir du changement climatique si on ne réagit pas»
    Jan 31 2025
    Cette semaine, nous recevons Teresa Ribera, première vice-présidente exécutive de la Commission européenne et chargée d’une transition propre, juste et compétitive. L’ancienne ministre socialiste espagnole présente les initiatives à mener par la Commission afin de relancer la compétitivité de l’UE sans pour autant compromettre la protection de l’environnement et des citoyens européens. Le 29 janvier 2025, la Commission européenne a présenté son plan pour relancer la compétitivité de l’Union européenne (UE), en déclin face aux États-Unis et à la Chine. Cette «boussole pour la compétitivité», prévoit notamment un «choc de simplification» pour les entreprises, c’est-à-dire l’allègement des contraintes administratives à leur égard. Teresa Ribera souhaite accroître l’influence de l'industrie européenne sur les marchés internationaux. «Il faut agir pour avoir une compétitivité qui dure mais qui est aussi capable aussi de donner des réponses à court terme. Il faut s’assurer que l’Europe continue d’innover et de créer des emplois de qualité pour les européens», précise la commissaire.Ces mesures de simplification administrative, en discussion depuis plusieurs années, peinent à être appliquées. Si Teresa Ribera reconnaît une difficile mise en place de cette simplification, elle la pense nécessaire : «Il faut achever une simplification qui donne le sens, la direction qu'on veut maintenir et en même temps qui soit capable de faciliter la vie aux entrepreneurs et en particulier aux plus petits d’entre eux.» Les écologistes et ONG s'inquiètent du fait qu'une simplification pourrait être synonyme de dérégulation. Elle pourrait aller à l’encontre du Pacte vert, un ensemble d’initiatives dont l’objectif principal est de faire de l’Europe le premier continent à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. «Nous ne voulons pas sacrifier le Pacte vert», affirme la première vice-présidente de la Commission. «Les motivations qui nous ont poussés à rendre l’économie, la prospérité et le développement beaucoup plus durables restent encore fortes», explique-t-elle. Au sein des Vingt-Sept, des voix s'élèvent pourtant contre le Pacte vert. Comme celle du Premier ministre polonais Donald Tusk dont le pays est très dépendant du charbon, à l’origine de 63 % de sa production d’électricité. Si Teresa Ribera admet des «malentendus dans la discussion politique» entre les États membres, elle confirme l’intention de la Commission de décarboner l’industrie. «L'énergie propre offre des prix beaucoup plus bas et prévisibles que l'énergie qui dépend des énergies fossiles. Elle est meilleure pour la santé des citoyens et nous offre plus d’autonomie.» Au chapitre de la protection de l’environnement, le climatoscepticisme semble gagner du terrain en Europe : «C'est un danger. Certains veulent oublier que le réchauffement existe. Le réchauffement climatique a des conséquences terribles. Il a des conséquences humaines et économiques catastrophiques.» L’ancienne ministre du gouvernement de Pedro Sánchez se défend contre les polémiques sur la gestion des terribles inondations qui ont frappé l'Espagne en octobre 2024. Elle recommande la lucidité et la précaution excessive : «Le développement des systèmes d'alarme, la capacité de connecter les gens entre eux, d'apprendre ce qu'il faut faire dans ces situations. Des rapports montrent que le changement climatique pourrait mener à une situation où une bonne partie des Européens pourraient mourir à la fin de ce siècle si jamais on ne réagit pas», explique-t-elle. Afin de relancer l’économie de l’Union, la Commission européenne va également publier en 2026 de nouvelles lignes directrices pour l'évaluation des fusions-acquisitions des entreprises offrant ainsi la possibilité de créer des géants européens capables de rivaliser avec les États-Unis et la Chine. «Il faut continuer à développer le marché européen unique. Mais si le marché de référence n’est pas uniquement le marché européen mais le marché global, il y a de la place pour faciliter un rôle aux champions européens», estime Teresa Ribera. Inversement sur le plus petit marché intérieur européen, il faut se prémunir contre les monopoles «qui pourraient avoir un impact négatif sur les consommateurs». «Nous devons rester un marché ouvert et en même temps assurer que les industriels européens qui respectent les droits des travailleurs, les standards environnementaux et la santé publique ne soient pas désavantagés.»
    Show more Show less
    20 mins
  • Salomé Zourabichvili : « L’UE n’a pas d’instrument contre les manipulations électorales »
    Jan 24 2025

    Depuis que le parti au pouvoir, Rêve géorgien, revendique la victoire aux législatives du 26 octobre, Salomé Zourabichvili et l'opposition pro-occidentale contestent les résultats, réclamant un nouveau scrutin. «Il y a eu une fraude massive très sophistiquée. On a eu des trolls russes, mais surtout la manipulation du vote électronique qui demandait une pré-planification», estime-t-elle. Les résultats publiés donnent 53,9% à Rêve Géorgien contre 37,8% pour une alliance des partis d’opposition.

    Un score entaché d’irrégularités pour l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), les Européens et la 5è présidente. Selon Salomé Zourabichvili, «L’Union européenne n’a pas d’instrument contre les manipulations électorales» ni pour «observer à l'avance afin de voir quel type de manipulation est en train de se mettre en place».

    Un mois après la désignation du nouveau président, Mikheïl Kavelachvili, ancien joueur de football connu pour ses diatribes anti-occidentales, son pays de 3,7 millions d’habitants est en ébullition, suite au tournant pro-russe opéré : «Tout ce qui déclenche la vraie colère de la population géorgienne, c'est la décision de tourner le dos à l'Europe, d'élire un président avec une élection à parti unique parce qu'il n'y a pas d'autre parti présent au Parlement», ajoute Salomé Zourabichvili.

    La Géorgie a obtenu le statut de candidat à l’Union européenne un an avant les élections législatives. «Depuis 30 ans, la population géorgienne se prononce à 80% pour cette voie européenne. Et au lieu de cela, on stoppe tout, ce qui a été très apprécié par notre voisin russe». L’UE représente 15 % des échanges commerciaux du pays, et distribue 85 millions d'euros par an pour soutenir les services gouvernementaux.

    Une cinquantaine de manifestants sont déjà derrière les barreaux, après des manifestations quotidiennes. «Ce régime est complètement refermé sur lui-même. Ils ne sortent pas dans la rue, ils tiennent des réunions derrière des portes closes et ils ne gouvernent plus. Il n'y a pas de décisions qui soient prises à part celle sur la répression», dénonce la présidente rebelle.

    Les États-Unis et le Royaume-Uni ont imposé des sanctions à plusieurs hauts responsables géorgiens. La 5è présidente avait rencontré Donald Trump à Paris puis vu des membres de son administration à Washington, «car les sanctions américaines, extraterritoriales, sont très puissantes», en insistant sur le risque que les grands ports de la mer Noire pourraient tomber dans les mains chinoises. «La Géorgie a commencé, sous le Rêve géorgien et de façon accélérée ces derniers mois, à faire venir les Chinois à signer un accord de partenariat stratégique avec la Chine», avertit l’ancienne diplomate française et géorgienne. Ce à quoi le Premier ministre de Rêve Géorgien répond avoir les mêmes valeurs conservatrices que le président Trump. «Ses amis ne sont pas vraiment les amis des Américains. Ce sont les Chinois, les Iraniens, les Russes. Et donc je ne pense pas qu'il suffise de jouer avec la soi-disant proximité idéologique qui est un pur paravent pour permettre de renouer les fils avec les Américains». «Si on a une armée, c'est grâce aux Américains. Si on a les institutions, c'est grâce aux Européens. Et ce régime, depuis deux ans, depuis la guerre en Ukraine pratiquement, ne cesse de tourner le dos à nos partenaires», conclut-elle.

    Show more Show less
    20 mins
  • Hadja Lahbib : «Dans les crises, les droits des femmes régressent»
    Jan 17 2025
    Cette semaine, nous recevons Hadja Lahbib, commissaire européenne en charge de l’Anticipation, de la Gestion de crise et de l’Égalité. Aide humanitaire apportée à l’Ukraine et à Gaza, protection des droits des femmes en Syrie et en Afghanistan, ou lutte contre les discriminations au sein de l’UE, la commissaire détaille les missions de son vaste portefeuille. La commissaire Hadja Lahbib, en charge de l’aide de l’Union européenne (UE) apportée à travers le monde, a récemment visité l’Ukraine où elle a annoncé l'attribution d'une aide humanitaire de 140 millions d'euros. Alors que les Ukrainiens vivent un troisième hiver en pleine guerre, la commissaire confirme que «la situation est très grave». «La Russie est en violation totale du droit international humanitaire», dénonce-t-elle. «Les enfants, les femmes et les personnes handicapées sont les premières victimes. Ils sont parfois déplacés à des kilomètres de chez eux, sans électricité, sans eau, sans abri. Tout est détruit.» Le froid est un élément critique pour la population alors que des infrastructures énergétiques ont été détruites par des attaques russes. L’aide de l’UE consiste notamment en la réaffectation d’écoles, la mise en place de cliniques ambulantes ou la distribution de bois de chauffage. «Une grande partie de notre aide humanitaire consiste à répondre aux besoins de première nécessité», explique Hadja Lahbib.Au Proche-Orient, la trêve tant attendue redonne de l’espoir aux populations mais la situation humanitaire reste tragique. «Gaza est démolie à plus de 80 % et les derniers hôpitaux en état de fonctionner ont été sévèrement touchés», rappelle la commissaire européenne à la gestion de crise. L'accès de l'aide humanitaire à Gaza est extrêmement limité et contrôlé par Israël. Alors que le Parlement israélien a adopté deux projets de loi interdisant les activités de l’Agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens (UNRWA) dans la bande de Gaza, Hadja Lahbib estime que «leurs services prodigués au niveau éducatif, psychosocial, médical ou sanitaire sont énormes». «Rien ne peut remplacer l’UNRWA», ajoute-t-elle. À propos de ce conflit, elle estime que «nous sommes en pleine violation du droit international humanitaire qui demande de ne pas prendre les populations civiles en otages et de ne pas viser les infrastructures». En Syrie, l’UE pourrait assouplir ses sanctions vis-à-vis du pays si les nouvelles autorités, composées de la formation radicale islamiste HTC, proposent une politique notamment respectueuse de la diversité des cultes et de la liberté des femmes. «Nous attendons aujourd'hui une Syrie inclusive. Une Syrie qui permet à tous les Syriens d'exister avec leurs différences», rappelle Hadja Lahbib. À la question de si l’aide humanitaire fournie par l’UE pourrait être remise en question en cas de non-respect de ces conditions, elle explique que cette aide «n'est pas politique mais impartiale, neutre et inconditionnelle». «L'aide humanitaire apportée par l’UE n’a jamais quitté la Syrie», affirme la commissaire européenne. Elle rappelle cependant que «les autorités seront jugées sur leurs actes dans les prochaines semaines». Les Vingt-Sept ont également débloqué 150 millions d'euros d'aide d'urgence pour l’Afghanistan, un pays où 16 millions d'Afghans sur 38 millions nécessitent une assistance. Certains pays, dont la France, s'opposent à une forme d'aide au développement en faveur de Kaboul à cause de la régression critique des droits des femmes. Si elle comprend ces réticences, la commissaire européenne estime que ce que demandent les femmes afghanes est le plus important : «Ce qu'elles nous demandent, c'est de rester parce qu'elles ont besoin de notre aide. Nous resterons tant que nous pouvons travailler et faire parvenir notre soutien humanitaire à toutes les femmes.»Au sein même de l’Union, les pays peuvent bénéficier d’un mécanisme de protection civile en cas de crise humanitaire. «Ce n’est pas parce qu'on est un pays riche que nous savons faire face à une catastrophe aussi vaste qu'un cyclone ou une pandémie. Nous ne pouvons pas faire face à des catastrophes de telle ampleur, seul dans son coin», rappelle la commissaire à la gestion de crise. Elle explique qu’après le passage du cyclone dévastateur à Mayotte, «la contribution de plusieurs États membres a permis d’obtenir plus d'abris pour les personnes qui ont perdu leur logement». Hadja Lahbib est également chargée de l’égalité entre les citoyens européens et notamment entre les hommes et les femmes. «Nous devons être vigilants. Je suis très heureuse d'avoir ce portefeuille qui est construit autour de valeurs de diversité, d'inclusivité et de principes de solidarité et d'humanité», note Hadja Lahbib. Elle affirme que nous faisons face à «une régression» dans...
    Show more Show less
    20 mins