• Comment la Chine perçoit-elle le rapprochement entre la Russie et les États-Unis?
    Feb 28 2025
    Le spectaculaire rapprochement opéré par l'administration Trump avec la Russie de Vladimir Poutine a des conséquences directes et importantes, d'abord pour l'Ukraine et les Européens, mis au pied du mur. Et pour la Chine également, qui regarde ces événements avec attention, tout en restant assez discrète pour l'instant. Mais que dit ce changement incroyable du gouvernement de Trump vis-à-vis de la Chine ? On peut dire que ce tournant majeur du positionnement américain vis-à-vis du conflit en Ukraine et des États européens a également des conséquences à la fois sur la relation entre les États-Unis et la Chine, et sur celle entre la Chine et la Russie.Pour certains analystes, c'est même l'objectif stratégique essentiel de Donald Trump : se débarrasser du conflit en Ukraine, laisser les Européens se débrouiller tout seuls et se rapprocher de Moscou pour tenter de déstabiliser la Chine. Ce dernier pays reste l'adversaire principal, le concurrent systémique, d'un point de vue économique et politique, des États-Unis.L'idée est de contrarier fortement le lien entre Moscou et Pékin, qui s'est fortement resserré depuis le début de l'invasion russe en Ukraine. Pour des raisons économiques et géopolitiques, la Russie de Vladimir Poutine a tenté de se défaire de l'étau des pays occidentaux en affichant sa proximité avec Pékin. Et en développant un partenariat déjà existant.Un jeu d'équilibriste pour la ChineDe son côté, la Chine joue une partition apparemment équilibrée depuis trois ans. Elle ne condamne pas l'agression russe mais rappelle son attachement à l'intégrité territoriale des États, ce qui va plutôt dans le sens de Kiev, qui réclame le départ des troupes russes des territoires ukrainiens occupés, y compris la Crimée. Ce faisant, Pékin pense à ses propres intérêts, puisque c'est au nom de ce principe d'intégrité qu'elle revendique de rattacher l'île de Taïwan à son espace.Dans les faits, néanmoins, les Chinois ont accepté sans sourciller de développer leurs liens politiques, économiques et militaires avec Moscou. Les États-Unis accusent même Pékin d'une aide militaire indirecte à l'effort de guerre russe.À lire aussiComment la Chine compte-t-elle réagir aux droits de douane imposés par les États-Unis ?Cette stratégie peut-elle fonctionner ?Les prochaines semaines le diront. Moscou sera sans doute obligée d'afficher une forme de distance avec Pékin puisqu'elle s'engage dans un dialogue actif avec Washington. Mais cela n'ira sûrement pas plus loin qu'une forme de posture. La Russie considère la Chine comme un roc solide, avec un dirigeant qui reste au pouvoir, contrairement aux États-Unis, où les élections tous les quatre ans peuvent changer la donne.De plus, l'alliance Russie-Chine repose aussi sur des intérêts mutuels bien compris. Les Chinois, de leur côté, vont continuer à se présenter comme un pays neutre et facilitateur dans le conflit, pour concurrencer le nouveau rôle des États-Unis.Au final, l'objectif de Washington de briser le lien entre Moscou et Pékin a peu de chances de se concrétiser. Car la Russie notamment n'a aucun intérêt à mettre tous ses œufs dans le même panier – américain en l'occurrence.À lire aussiLe rapprochement à pas réfléchis du Kremlin avec Donald Trump
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  • Avec Trump, la fin du multilatéralisme?
    Feb 14 2025

    Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump multiplie les initiatives et déclarations notamment contre les institutions multilatérales. Sommes-nous en train d'assister à l'effondrement de l'ordre international issu de la Seconde Guerre mondiale ?

    Cet ordre, fondé sur des institutions internationales et multilatérales, est sérieusement ébranlé par les coups de butoir de certains dirigeants issus de régimes autoritaires comme Vladimir Poutine ou de systèmes démocratiques comme Donald Trump.

    L'ordre créé en 1945, avec la création de l'ONU et de nombreuses autres organisations, avait pour but d'éviter ou d'atténuer les conflits entre États, en s'appuyant sur un corpus de principes regroupés sous le terme de droit international.

    Depuis cette époque, cet ordre a plus ou moins bien fonctionné et n'a pas empêché de nombreux conflits. Mais les institutions n'étaient pas globalement contestées.

    C’est cela qui a changé depuis une quinzaine d'années et qui s'accélère aujourd'hui. Avec une ONU quasi impuissante, attaquée par certains pays, soit pour être inefficace, soit pour défendre les intérêts du monde occidental, et avec l'arrivée de Trump au pouvoir, le retour d'une confrontation entre empires – russe, américain, chinois – et la préférence systémique accordée à la négociation bilatérale.

    À lire aussiDonald Trump signe un décret pour retirer les États-Unis de plusieurs instances de l'ONU

    Comment expliquer cette détestation de Donald Trump pour le multilatéralisme ?

    Il y a au moins deux raisons qui expliquent ce positionnement : il pense d'abord que ces organisations sont lourdes, inefficaces et bavardes. Dans son logiciel d'homme d'affaires, tout cela ne peut conduire qu'à des demi-mesures, voire au statu quo.

    La deuxième raison est que Trump pense que les États-Unis payent beaucoup trop pour les autres au sein de ces organisations. Qu'il s'agisse de l'ONU ou de l'Otan, le refrain est toujours le même : nous payons trop, il faut rééquilibrer tout ça. D'où sa décision également de suspendre l'aide à l'étranger via USAID.

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    Un mode viriliste

    Et enfin, Donald Trump est sur un mode viriliste : on va se parler d'homme à homme, à deux, entre personnes importantes. Et cela fonctionnera. Ça n'a pas été vraiment le cas lors de son premier mandat avec Xi Jinping ou Kim Jong-un. Mais il recommence, cette fois, avec Vladimir Poutine.

    Le résultat, c'est que le représentant de la première démocratie du monde s'aligne sur des positions qui mettent à mal les principes du droit international, notamment sur les frontières. Et assume cette loi du plus fort, au mépris de ses alliés et en permettant aux dirigeants autocratiques de penser qu'ils peuvent, eux aussi, s'en prendre à tel ou tel territoire en quasi-impunité.

    Oui, le multilatéralisme est moribond, la loi de la jungle ou du Far West revient à grands pas, et laisse augurer des temps bousculés.

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  • Donald Trump et Javier Milei, mêmes combats?
    Feb 7 2025
    Les présidents des États-Unis et d’Argentine ont pris des décisions similaires ces derniers jours sur le retrait de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, et font preuve d’une hostilité marquée vis-à-vis des programmes aidant à la transition de genres pour les mineurs. Dès lors, peut-on parler d’un alignement de Javier Milei sur Donald Trump ? Il y a une proximité idéologique entre les deux hommes et un quasi-alignement, qu’il s’agisse de politique économique ou de révolution culturelle, pour mettre fin à ce qui est désigné comme le « progressisme woke », dans les deux pays. En économie, les deux hommes assument une approche libérale : laisser faire le marché, réduire les impôts des sociétés et procéder à des coupes drastiques dans les dépenses publiques — on se souvient du slogan de Milei durant sa campagne, les coupes « à la tronçonneuse ».Et ces derniers jours, les décisions de Milei de quitter l’OMS et de stopper les programmes de traitement et de chirurgie de transition de genre pour les mineurs sont très semblables à ce que fait ou ce que veut faire Donald Trump.À lire aussi Donald Trump signe un décret pour retirer les États-Unis de plusieurs instances de l’ONULes premiers résultats de la « révolution économique et culturelle » prônée par Javier Milei Javier Milei dirige l'Argentine depuis un peu plus d’un an et il peut se targuer d’avoir réglé au moins deux des problèmes de l’économie argentine. À commencer par l’inflation, passée de plus de 25 % à environ 3 %. Autre promesse tenue, celle de la stabilisation du taux de change entre le peso argentin et le dollar américain.Mais sur d’autres aspects, la thérapie de choc n’a pas fait ses preuves, avec une augmentation du chômage, qui reste quand même sous la barre des 10 %, et une augmentation de la pauvreté, qui concerne un Argentin sur deux. Sur le plan « culturel », il montre une volonté farouche de transformer la matrice culturelle qui aurait été étouffée par la gauche depuis des décennies. Les partisans de Milei réfutent le terme d’extrême droite parfois accolé au président argentin. Selon eux, il n’est pas d’extrême droite, car l’immigration n’est pas un sujet pour lui — c’est une différence avec Donald Trump —, il ne serait pas raciste et encore moins antisémite et considère Israël comme « un phare occidental au milieu de la barbarie ».À lire aussi « Critiquer la politique du gouvernement israélien est aujourd’hui qualifié d’antisémitisme »Javier Milei se définit comme un anarcho-capitaliste, proche des libertariensCette définition renforce le sentiment de connexion avec certains partisans de Donald Trump. Ce mouvement libertarien, ou réactionnaire au sens propre du terme selon d’autres observateurs, ne se limite pas à ces deux pays. Le président Macron parle même d’une « internationale réactionnaire », caractérisée par la volonté de défaire la suprématie culturelle de la gauche et les excès supposés du progressisme et du wokisme, une quasi-détestation de l’État, et un fort rejet des organisations multilatérales instaurées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale — l’ONU, l’OMS, le Conseil des droits de l’Homme, l’Accord de Paris sur le climat, ou encore la CPI.Rappelons-le, ces organismes ont été créés à l’issue de la Seconde Guerre mondiale pour faciliter le dialogue et la coopération et pour éviter les guerres. Ainsi, on est entré dans une ère de forte contestation de cet ordre multilatéral, y compris par de plus en plus de démocraties, comme les États-Unis de Trump ou l’Argentine de Milei. À lire aussiÀ Davos, Javier Milei souligne sa proximité idéologique avec Donald Trump
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  • Gaza, le cessez-le-feu de tous les défis
    Jan 17 2025

    Quelques jours avant l’investiture de Donald Trump à la Maison Blanche, le « miracle » est en passe d’arriver : la situation à Gaza semble vouloir se débloquer après 15 mois de guerre. Comment expliquer cette percée diplomatique ?

    Fallait-il que les menaces de Donald Trump – il avait promis « l'enfer » si les otages n’étaient pas libérés avant son retour au pouvoir – aient été l’argument qui aura décidé, ou contraint, le Hamas à Gaza et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, mais aussi les négociateurs américains, qatariens et égyptiens à, coûte que coûte, trouver une solution pour la libération des otages israéliens et un cessez-le-feu ? Il est vrai, en tout cas, que de l’avis même des très nombreux contempteurs du milliardaire populiste, on s’accorde à saluer ce qu’on appelle déjà «l'effet Trump ».

    Pour autant, c’est dans les détails, c’est bien connu, que se cache le diable et Trump, l’homme d’affaires, expert en « deals expéditifs », ne s’embarrasse pas des détails. L’accord de cessez-le-feu de cette semaine, qui tient sur cinq pages, est à l’identique, ou presque, de celui proposé il y a de longs mois, en mai 2024, par le président Joe Biden. Et il est truffé de ces fameux détails qui peuvent à tout moment faire capoter le processus.

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    L'accord comporte trois phases censées se succéder

    Annoncé dans la précipitation suite à la pression maximale et inédite exercée par l’émissaire pour le Moyen-Orient de Trump, le promoteur immobilier Steve Witkoff, et son homologue de l’administration démocrate, l’accord recèle de nombreuses incertitudes. La phase une, qui doit commencer dimanche 19 janvier si tout va bien, doit s’étaler sur une très longue période de six semaines à raison de trois otages libérés par semaine en l’échange de 1 000 à 1 600 prisonniers palestiniens et l’entrée de quelque 600 camions — contre 70 aujourd’hui — d’aide humanitaire dans un Gaza transformé en charnier à ciel ouvert. Un Gazaoui sur dix a été tué ou blessé en 15 mois. Pour les deux tiers, ce sont des enfants et femmes.

    Rien ne peut indiquer à ce stade que les deux phases suivantes — fin des libérations d’otages puis début de la reconstruction — ne relèvent pas du vœu pieux et de l’hypothèse, alors que la reprise de l’offensive au terme de la phase une est dans les exigences de l’aile suprématiste de la coalition Netanyahu, mais aussi et surtout si le fameux « effet Trump » n’agit plus sur le Proche-Orient.

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    Une reconstruction de Gaza — très hypothétique — face à des défis immenses

    La bande de Gaza, territoire mutilé, connaît un taux de destruction tel que le processus pour rebâtir est, selon les experts onusiens, le plus grand défi auquel la communauté internationale ait été confronté depuis la Seconde Guerre mondiale. 72% des bâtiments résidentiels sont rasés et des dizaines de millions de tonnes de débris se sont accumulées. Le coût de cette opération s’élèverait à 50 milliards de dollars d’après les premières estimations. Une reconstruction qui prendrait plusieurs décennies.

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  • 2025, Israël et les fronts multiples
    Jan 10 2025
    Dans le sillon de la réponse aux attentats du 7 octobre 2023 en Israël, l’État hébreu multiplie les offensives au Proche-Orient contre la nébuleuse iranienne de l’« Axe de la résistance ». Les évènements en Syrie ne semblent pas faire changer de cap le Premier ministre israélien, qui poursuit une ligne résolument pro-guerre. Tout d’abord, c’est en raison d’un profond sentiment de surpuissance militaire, largement incarnée par le Premier ministre va-t-en-guerre Benyamin Netanyahu, qu’Israël continue de foncer, tête baissée, sur ses ennemis proches et lointains avec l’aide soutenue de Washington. « LaSyrie n’est plus la même Syrie, le Liban n’est plus le même Liban, a récemment martelé Benyamin Netanyahu, ajoutant : Gaza n’est plus la même Gaza et même l’Iran a, lui aussi, ressenti la puissance de notre bras. » Il faut dire que la réponse israélienne aux attaques du Hamas a produit une impressionnante tectonique des plaques de la géopolitique du Proche-Orient — impensable il y a encore quelques mois — résultat d’offensives militaires qui ont de quoi donner raison à un chef de gouvernement qui affirme combattre sur sept fronts simultanés.Les branches armées et politiques du Hamas et du Jihad islamique à Gaza sont décimées, bien que non vaincues, alors que l’enclave palestinienne a été transformée en charnier à ciel ouvert après 15 mois de bombardements d’une violence inégalée. Au Liban, la milice chiite du Hezbollah, pourtant redoutée, a été défaite en quelques semaines de combats, sa direction politique et opérationnelle anéantie au prix de centaines de morts civils et de sérieux doutes persistent sur les intentions israéliennes — mettre fin, ou non, à l’occupation de fait du Sud-Liban — quand le cessez-le-feu de soixante jours expirera le 27 janvier prochain. À lire aussi Bande de Gaza : 365 km — anéantis par Israël en 365 jours, « une volonté de détruire une mémoire »Le revers historique de l’« Axe de la résistance » pro-iranien offre pour Benyamin Netanyahu une porte de sortie personnelle inespéréeCette fuite en avant à marche forcée et les succès indéniables du Premier ministre israélien sont évidemment politiquement opportuns, lui permettant de se maintenir au pouvoir. Mais ce maintien se fait dans un équilibre instable, alors qu’une partie de l’opinion publique lui reproche une guerre sans but et sans fin et de ne pas avoir tout fait pour libérer les otages encore retenus à Gaza. En outre, sa responsabilité dans la faille sécuritaire qui a permis les massacres du 7-Octobre n’a toujours pu être établie, faute de la formation d’une commission d’enquête. Sur le plan juridique aussi, Benyamin Netanyahu est poursuivi pour corruption, fraude et abus de confiance et son procès a constamment été repoussé à cause d’un conflit auquel il n’a donc aucun intérêt à mettre fin. À lire aussi Israël-Gaza : 7 octobre 2023, le jour où une nouvelle guerre a débutéPeut-on parler de victoire définitive et irréversible ? Nombreux sont les experts qui estiment que le chef du gouvernement israélien serait tenté par reconfigurer le Moyen-Orient dans une sorte de « pax israeliana » — une paix sous domination israélienne — profitant des flottements politiques de l’après-Bachar dans la Syrie voisine, de la perte d’influence de l’Iran et ses affidés, et de l’abandon total de toute tentative de résolution de la problématique palestinienne.Reste que la région, dont l’imprévisibilité et la complexité sont proverbiales, regorge d’éléments déstabilisateurs comme, par exemple, les rebelles houthis du nord-Yémen qui multiplient les attaques contre Israël et perturbent dangereusement le trafic maritime en mer Rouge.Quoi qu’il en soit, l’année 2025 sera aussi celle du retour de Donald Trump à la Maison Blanche et Benyamin Netanyahu, son meilleur allié, sait parfaitement que cela sera sans doute providentiel pour le destin expansionniste d’Israël et donc du sien. À lire aussiLes attaques des rebelles houthis du Yémen, un véritable casse-tête pour la défense israélienne
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  • Birmanie: 2025, année de tous les dangers pour la junte?
    Dec 27 2024

    Presque quatre ans après le coup d'État militaire qui a renversé le gouvernement élu, ce grand pays d'Asie orientale sombre dans la guerre civile, le chaos social et l'une des pires crises humanitaires de son histoire. Pourtant, les insurrections armées progressent. Cyril Payen, peut-on, d'ores-et-déjà, parler d'un tournant ?

    Ce qui est certain, c'est que la longue marche vers la victoire contre la dictature militaire a commencé avec, pour horizon, l'année 2025. Organisée et structurée, l'opposition pro-démocratique civile et armée opère une montée en puissance qui semble de plus en plus implacable, et ce aux quatre coins de cet immense territoire, carrefour entre l'Asie du Sud-Est et l'Inde.

    Le pouvoir central perd du terrain

    Selon le gouvernement parallèle, né clandestinement après le coup d'État de février 2021, près des deux tiers du pays ne sont plus contrôlés par le pouvoir central, alors que régions et garnisons militaires tombent une à une, du lointain état d'Arakan à la frontière, du Bangladesh aux sanctuaires de la guérilla kachin aux confins du Triangle d'Or, sans oublier les traditionnels bastions karens, plein est, sur la frontière thaïlandaise où, symbole parmi les symboles, l'ancien quartier général de Manerplaw, tombé en 1994, a été repris cette semaine.

    Signe des temps : un an après être officiellement passé d'une tactique de guérilla à une offensive conventionnelle tous azimuts, une grande partie des responsables du NUG, le Gouvernement d'union nationale, a annoncé sortir de la clandestinité pour rejoindre la Birmanie dès janvier 2025.

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    Une grande fébrilité dans la junte militaire et chez ses alliés

    Du côté de la Tatmadaw, l'armée birmane, il y a bien entendu les pertes, de plus en plus importantes, qui permettent aux rebelles de se constituer d'impressionnants arsenaux, mais il y a aussi les défections. Sentant le vent tourner ou écœurés par les méthodes d'une armée souvent accusée d'être en guerre contre sa propre population, des milliers de soldats sont passés dans le camp des rebelles, et de vastes purges ont eu lieu au sein d'un état-major que l'on sait infiltré par les insurgés.

    Plus isolés que jamais, les chefs de la junte birmane ne survivent que grâce à leurs parrains chinois, russes ou nord-coréens, pour ne citer que les plus visibles, l'indifférence coupable de la communauté internationale faisant le reste. Mais là aussi, la nervosité du gouvernement chinois face à l'instabilité chez le voisin birman, ou les déboires de Moscou au Proche-Orient, pourraient faire changer les orientations de cette guerre par procuration asiatique.

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    Le chef de l'armée putschiste dans le collimateur de la CPI

    Les soucis, c'est bien connu, volant souvent en escadrille, le karma politique du chef de la junte militaire s'est encore un peu plus assombri le 27 novembre 2024, à des milliers de kilomètres de son bunker de Naypidaw, à La Haye où siège la Cour pénale internationale.

    Premier mandat d'arrêt requis par le procureur : le vieux dossier du massacre de la minorité musulmane des rohingyas est exhumé. Le général Min Aung Hlaing y est accusé de crimes, de déportation et de persécutions, des actes qualifiés de crimes contre l'humanité. Les premières audiences pourraient avoir lieu en 2025. Une année donc décisive pour le destin pro-démocratique de la Birmanie.

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  • Changement de cap politique imminent en Allemagne?
    Dec 20 2024

    Après la décision lundi 16 décembre du chancelier Olaf Scholz d’affronter un vote de défiance au Bundestag, le Parlement allemand, il chamboule la situation politique de l'Allemagne. Il provoque la chute de son gouvernement, la dissolution du Bundestag et la convocation d’élections générales anticipées le 23 février prochain. Doit-on s’attendre à un changement de cap en Allemagne ?

    À en croire les enquêtes d’opinion actuelles, la situation politique enAllemagne pourrait probablement changer. Selon ces sondages, c’est la CDU, le parti chrétien démocrate dirigé aujourd’hui par Friedrich Merz qui fait la course en tête, crédité de 30 à 32 % des voix. Loin devant le SPD, les sociaux-démocrates du chancelier sortant Olaf Scholz, qui obtiendraient environ 15 % des voix. La formation d’extrême droite AfD est annoncée avec un score autour des 20 %. On assiste donc à la fin de la coalition SPD / Verts / Libéraux menée par Olaf Scholz, et la victoire semble à ce stade en vue pour Friedrich Merz.

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    Un dirigeant qui revient de loin ?

    Le parcours et l’histoire de Friedrich Merz sont assez incroyables. Élu dès 1994 au Bundestag, il a vite vu son ascension stoppée par une certaine Angela Merkel, qui lui ravit en 2002 la présidence du groupe parlementaire de la CDU. Il se fait discret jusqu’en 2009, date à laquelle il quitte la politique pour redevenir avocat d’affaires. Ce n’est qu’en 2018 qu’il revient dans le jeu, quand Madame Merkel annonce son retrait qui prend date en 2021. Friedrich Merz est donc débarrassé du fantôme de sa plus tenace adversaire et prend les rênes de son parti. À 69 ans, il pense que son heure est enfin arrivée.

    Un programme libéral en économie et conservateur sur les questions sociétales

    Friedrich Merz accuse Olaf Scholz d’avoir raté sa chance au cours des trois dernières années et entend appliquer, s’il est élu, un programme libéral très orthodoxe. Respect du « frein à la dette », inscrit dans la Constitution, baisses d’impôts, allègement des droits de succession... Il veut aussi mettre fin au programme de remplacement des chaudières au gaz ou au fioul, entamé par l’actuel gouvernement pour lutter contre le réchauffement climatique, et qui fait l’objet d’un débat passionné outre-Rhin. Un programme à l’opposé de celui de son adversaire Scholz, alors que l’Allemagne traverse une vraie crise économique et risque d’être en récession pour la deuxième année consécutive, avec son secteur à l’exportation en difficulté notamment dans le secteur de l’industrie automobile, on pense notamment à Volkswagen. Conservateur sur les questions de société, il veut par exemple abolir la loi sur la légalisation du cannabis, adoptée par la majorité sortante.

    Olaf Scholz, un candidat combatif

    Le chancelier reste combatif et a été désigné comme le candidat du SPD. Il part certes avec un lourd handicap, mais cela ne lui fait pas peur. En 2021, déjà, on le donnait perdant, et il avait remporté le scrutin. La grande question sera celle de la coalition. Nous n’y sommes pas encore. Le choix que feront les Allemands, un mois après l’investiture de Donald Trump, en pleine guerre en Ukraine, aura bien sûr des conséquences importantes pour l’Europe et notamment la France.

    À écouter dans Décryptage Économie, politique: la fin du modèle allemand?

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  • La Turquie et les Kurdes, un danger pour la Syrie?
    Dec 13 2024

    Après la chute de Bachar el-Assad en Syrie dimanche 8 décembre, la situation est très incertaine dans le pays. Et une question préoccupe : celle du rapport de force entre les forces Kurdes et les rebelles pro-turcs.

    Il faut d’abord rappeler que les Kurdes contrôlent environ un tiers du territoire syrien au nord-est du pays. Dans cette région riche en ressources pétrolières, les FDS (Forces démocratiques syriennes), c'est-à-dire les forces kurdes pour faire simple, ont instauré un gouvernement en totale autonomie par rapport au pouvoir central.

    Dans cette zone, ils ont établi une administration qui garantit la liberté religieuse, qui garantit les droits des femmes et qui gère aussi la détention de milliers de détenus jihadistes, en grande partie issus de l’organisation État islamique. C’est une des raisons essentielles pour laquelle les Kurdes sont alliés des Occidentaux, en particulier des Américains, présents dans cette zone, et du coup protégés par eux.

    Les Kurdes ont des alliés, mais ils ont aussi un ennemi de taille, la Turquie

    Pour Ankara, les Kurdes de Syrie sont des soutiens indéfectibles des Kurdes de Turquie, notamment du PKK, l’organisation considérée comme terroriste par Ankara qui estime qu’elle représente une menace existentielle sur l’unité de la Turquie. C’est pourquoi Ankara soutient, finance et équipe des forces pro-turques en Syrie, l’ANS, l’Armée nationale syrienne. L’ANS détient une partie du nord de la Syrie.

    L’objectif du président Erdogan, qui n’est pas nouveau, est de tout faire pour que l’ANS contrôle les 930 km de frontière commune entre la Turquie et la Syrie, pour couper en deux l’alliance entre Kurdes de Turquie et de Syrie. Un objectif qui pourrait pousser le dirigeant turc à profiter de la nouvelle situation en Turquie pour mettre fin à l’autonomie kurde en Syrie.

    À écouter Syrie : « La région kurde est très largement menacée par la Turquie »

    Les Européens et les Américains inquiets

    Le secrétaire d’État américain Antony Blinken s’est rendu à Ankara pour convaincre Recep Tayyip Erdogan de limiter ses actions en Syrie. Les États-Unis tentent de jouer les médiateurs pour obtenir un cessez-le-feu entre forces kurdes et pro-turques dans le nord du pays. Les affrontements entre les deux parties ont déjà fait plus de 200 morts autour de la localité de Manbij, tombée aux mains des rebelles pro-turcs, qui ont aussi pris le contrôle de la ville de Deir Ezzor.

    Les Occidentaux redoutent qu’Erdogan, en position de force, veuille pousser son avantage pour s’emparer de villes kurdes qui sont des symboles de la lutte contre l’organisation État islamique, comme Kobané, au nord-est de la Syrie.

    La grande crainte, c’est donc qu’Erdogan démantèle totalement l’ensemble de l’administration autonome kurde en Syrie. Et qu’il les remplace par le Conseil national kurde, une instance kurde syrienne proche du parti du Kurdistan d’Irak (PDK) qui entretient de bonnes relations avec Ankara. Des plans qui pourraient compromettre dangereusement une transition pacifique en Syrie.

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