Au tout début de son second mandat, le quarante-septième président des États-Unis semble découvrir que son pays n'est pas seul au monde, et profite autant des autres que les autres de l'Amérique. Sa politique d'intimidation semble vouée à l'échec. Retrait de l’Accord de Paris sur le climat, sortie de l’OMS et d’autres organes du système des Nations unies, visées sur le Groenland, le canal de Panama, et maintenant Gaza, vidée de ses habitants… En seulement deux semaines, Donald Trump, par ses annonces et décisions aussi intempestives que troublantes, a affolé les chancelleries et les places financières. Que laisse présager tout cela de son second mandat ?Sans doute beaucoup d’improvisations. Et, aussi, des reculs spectaculaires. Car, plus personne n’entend se laisser intimider par lui, désormais. Sur l’augmentation des droits de douane, le Canada et le Mexique l’ont déjà fait reculer. Et les mesures de rétorsions vigoureuses de la Chine sont et pèseront de leur poids. À terme, ce président perdra donc sa capacité d’intimidation, et sera démystifié par ceux qui le prenaient pour un Rambo conquérant. Il ne lui resterait plus alors que la tentation de la fuite en avant. Avec ce que cela comporte de risque pour l’équilibre d’un monde sommé de subir les sautes d’humeur d’un président des États-Unis élu par 77 millions de ses concitoyens, président dont le pouvoir dépasse les frontières de leur pays, et dont les décisions troublantes ont des implications, loin de chez eux.À lire aussiDonald Trump lance la guerre commerciale contre le Canada, le Mexique et la ChineComment pouvaient-ils imaginer tout ce dont est capable ce président ?Ils auraient dû savoir. Trump n’est pas un inconnu. Dans la multitude de témoignages qui lui sont consacrés, trois personnalités qui l’ont pratiqué et ne le détestaient pas toutes dressent de lui un portrait qui aurait dû intéresser davantage ceux qui, pour la seconde fois, viennent de l’imposer au monde. « Imposteur, charlatan, personnage autoglorifiant s’attribuant des succès qu’il ne mérite pas », disait de lui, dans les années 80, Ed Koch, maire de la ville de New York, à laquelle il avait extorqué, pour sa Trump Tower, quarante ans d’abattements fiscaux.Roy Cohn, avocat de cinq familles de la maffia new-yorkaise, qu’il avait choisi pour conseil en raison de sa capacité à intimider les autres, disait, bien avant janvier 2021, que Trump ne supportait pas de perdre. Enfin, Barbara Reiss, l’ingénieure qui a construit pour lui la Trump Tower, le décrivait comme un homme qu’il valait mieux ne pas avoir face à soi. « Il attaquait, disait-elle, il était vicieux, et aimait s’en prendre à deux sortes de personnes : les faibles – parce qu’il trouvait toujours leurs failles et les exploitait –, et ceux qui s’en prenaient à lui, et contre qui il se retournait, dès lors qu’il se sentait plus fort ».Sur lui, tout avait et été dit, tout était su. Nul ne découvre aujourd’hui, à la tête de la première puissance mondiale, un homme différent de celui qui confiait à la chroniqueuse mondaine Rona Barrett, dans les années 80, que s’il perdait tout, il ferait de la politique.Pour beaucoup, il demeure l’homme qui veut rendre sa grandeur à l’Amérique. Et ils le croient…Ces deux dernières semaines, il a plutôt été le révélateur des vulnérabilités de l’Amérique, qui a reculé devant les mesures de rétorsions brandies par le Canada et le Mexique. Tous savent, désormais, où frapper et comment parer à l’intimidation. À force d’indexer, dans ses monologues de campagne, certains pays comme des pique-assiette abusant de la générosité des Américains, il a oublié les milliers de milliards de dollars que tirent les USA du commerce avec les autres. Et il est tombé de haut, en apprenant les conséquences de la riposte des autres au mépris : renchérissement des importations en provenance de ces États, menaces sur les emplois dans les industries américaines exportant vers ces pays... Comme s’il découvrait, soudain, que les Américains ne sont pas seuls au monde.Justifier le report des tarifs douaniers visant le Canada et le Mexique par les efforts déployés sur leurs frontières est une supercherie, dont il ne pourra user indéfiniment pour différer son hasardeuse promesse de campagne. Il finira donc par reconnaître que les autres ne sont pas que des parasites. Mieux : qu’aucun peuple, sur terre, ne vend aux autres autant que les Américains. Sous toutes les latitudes, le reste du monde leur achète, à chaque seconde, des milliers de produits. En supplément à leurs mesures de rétorsion, les Chinois, du haut de leur culture millénaire, ont rappelé aux Américains que les guerres commerciales font rarement des vainqueurs. Dans le vacarme suicidaire de la tentation nombriliste, cette vérité d’intelligence méritait d’être...