• Chronique de Jean-Baptiste Placca

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Chronique de Jean-Baptiste Placca

By: RFI
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  • Jean-Baptiste Placca, chroniqueur au quotidien La Croix et fondateur de L’Autre Afrique livre sa vision sur l’actualité africaine de la semaine écoulée. Entre analyse, réflexion et mise en contexte, cette chronique est l’occasion de donner du sens et de prendre du recul sur les événements de la semaine, mais également de revenir sur des sujets parfois traités trop rapidement dans le flot d’une actualité intense.

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Episodes
  • En attendant le bonheur des partis uniques…
    Mar 8 2025
    Après la généralisation, dans certains pays d'Afrique de l'Ouest, des détentions arbitraires, des procès expéditifs, des coups d'État et de leur cortège de kakistocratie, il n'est pas exclu que, bientôt, certains réclament le retour au monopartisme. Au Gabon, le général Brice Oligui Nguema se déclare candidat à la présidentielle du mois prochain, au grand dam de ses potentiels adversaires et d’une partie de l’opinion qui pensait qu’au terme de la transition engagée depuis le coup d’État d’août 2023, il rendrait, comme il l’avait promis, le pouvoir aux civils. Que dit cette candidature de l’engagement des militaires en politique en Afrique ?S’il subsistait, dans l’opinion, une quelconque illusion sur l’aptitude des militaires africains à tenir parole, celle-ci s’est envolée avec cette déclaration de candidature. Ces cinq dernières années, il était, sur le continent, le dernier à s’être emparé du pouvoir par un coup d’État. Il semblait plus cohérent, se distinguant même, en étant le premier à revenir, aussi vite, à l’ordre constitutionnel. Sauf qu’en choisissant de se porter candidat à une élection qu’il peut difficilement perdre, il a décidé de garder le pouvoir. Il conforte l’impression, plutôt désagréable, que les militaires putschistes sont davantage motivés par la soif du pouvoir que par une quelconque volonté de rétablir l’état de droit et la démocratie. L’on est loin des gestes majestueux des militaires justiciers, dont quelques-uns sont entrés dans l’Histoire comme semeurs de démocratie et de développement. Certes, à Libreville, beaucoup encensent le général. Mais, il n’empêche. Son seul fait de gloire, pour le moment, est d’avoir renversé l’impopulaire Ali Bongo.Ne pensez-vous pas que ceux qui chantent les louanges du général Oligui Nguema sont convaincus qu’il est le seul à avoir l’envergure pour relever le pays ?Ils ne se sont manifestement pas donnés beaucoup de peine à chercher. Il est intriguant de voir des politiciens connus naguère pour leur virulence à l’égard du pouvoir des Bongo, se muer subitement en laudateurs obséquieux du général Brice Oligui Nguema, issu du même système. Comme s’ils le remerciaient pour la place qu’il leur a conférée dans le système nouveau. Et que, pour chacun d'eux, sa candidature était juste vitale. Après tout, ils ne peuvent espérer conserver leur rang et leurs privilèges au bord de la mangeoire que si le général est confirmé dans ses fonctions actuelles. Mais il n’y a pas qu’au Gabon que l’on admire aussi facilement un militaire, pour juste avoir déposé un chef d’État. La servilité de la plupart des laudateurs est d’autant plus déconcertante qu’elle n’est nullement désintéressée…La virulence des détracteurs l’est-elle davantage ?Non, évidemment pas ! Et le plus désespérant, au Gabon comme dans de trop nombreux pays africains, est que, entre les champions de la complaisance cupide et les détracteurs stériles, il n’y a pratiquement pas d'espace pour des voix qui soient dans la mesure, avec ce qu’il faut de crédibilité, pour indiquer le cap de l’intérêt général, avec quelque chance d’être écoutées. Pendant que les profiteurs d’hier ruminent à l’écart leur rancœur, les profiteurs d’aujourd’hui embouchent leur trompette de griots, en attendant qu'un jour les rôles s’inversent. Ou que s’opèrent des ralliements, ou des défections, au nom de la transhumance si répandue dans certaines contrées.À l’indépendance du Ghana, le Dr Kwame Nkrumah se réjouissait de ce que l’Afrique avait conquis le droit de commettre ses propres erreurs. Certains semblent l’avoir pris au mot, au-delà de la caricature. Mais, en oubliant d’en assumer les conséquences. En oubliant de s’améliorer à partir des expériences malheureuses. Comme s’ils avaient délibérément fait le pari du recul permanent, certains peuples s’évertuent à répéter sans cesse les mêmes erreurs. C’est ainsi que l’on glisse subrepticement vers ce que l’on appelle la kakistocratie. Et, à ce rythme, il ne faut pas s’étonner, demain, dans la continuité de la mode des coups d’État, que l’on vienne convaincre les Africains de l’utilité, sinon du bonheur des partis uniques.À lire aussiGabon: le général Brice Oligui Nguema officialise sa candidature à la présidence
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    4 mins
  • Insaisissable développement
    Mar 1 2025
    PNB en entrée, PIB en plat principal, taux de croissance en dessert... Jamais, les agrégats économiques n'ont été servis à table aux populations. Non, ce n’est pas (que) cela, le développement ! Le Cap, cette semaine, accueillait les dirigeants d’un demi-millier de banques de développement du monde. Avec beaucoup d’annonces, quelques résolutions et engagements, notamment, pour des investissements dans les objectifs du développement durable. Pourquoi subsiste-t-il, malgré tout, le sentiment que le développement est un rêve inaccessible en Afrique ?Sans doute parce que la notion même de développement, aux yeux des populations, a perdu son sens. Les rares avancées sont trop souvent contrariées par des reculs brusques, qui obligent à tout recommencer, tel Sisyphe derrière sa pierre. Après soixante ans à courir après le développement, il est, en Afrique, peu de pays où l’on peut dire aux citoyens que, sur un plan précis, le développement a été atteint. Santé, éducation, adduction d’eau, électricité, infrastructures… Pas ou peu de conquêtes irréversibles !Dans les années 70 et 80, l’on abreuvait les populations de slogans définitifs, du genre : « Santé pour tous en l’an 2000 ! », que l'on déclinait sur l’éducation, l’agriculture, l’alimentation, et bien d’autres domaines. Nous sommes en 2025, et les populations attendent toujours le mieux-être et la satisfaction de leurs besoins fondamentaux que leur promettaient les politiques, avec l’accession à la souveraineté internationale.Et pourtant, presque partout, les États avaient créé des banques nationales de développement !La plupart ont fini par faire faillite, plombées par les créances irrécouvrables ou douteuses, sur des débiteurs haut-placés, des dignitaires des régimes en place… La généralisation de ces abus avait conduit les États eux-mêmes au bord de la faillite, les contraignant à l’ajustement structurel et aux plans drastiques d’austérité. Que les gouvernants acceptaient de subir sans rechigner, tant ils avaient mauvaise conscience. Ces institutions de lutte contre le sous-développement savaient, selon la formule d’Aimé Césaire, mal poser les problèmes, pour mieux justifier les mauvaises solutions qu’elles leur apportaient. En plus, elles n’avaient aucune obligation de résultats. Et quand l’ajustement structurel échouait, elles inventaient l’ajustement structurel renforcé. Ou revoyaient à la baisse leurs ambitions : réduire la pauvreté, plutôt de l'éradiquer, c’est bien commode ! À l’image de celui-là, pour qui, à défaut de développer les pays, l’on pouvait juste rendre le sous-développement habitable pour les populations.Qui donc assume ce manque d’ambition ? Les États ou les institutions ?En général, les institutions rejettent la faute sur les gouvernements. Ce que dénonçait l’économiste égyptien Samir Amin, pour qui ces institutions font de fausses analyses et proposent de fausses solutions, en substituant des recettes techniques à l’analyse des causes et des racines de la faillite du développement de l’Afrique. Du Rapport Berg, intitulé : « Pour un développement accéléré dans l'Afrique sub-saharienne », Samir Amin dénonçait la légèreté et l'irréalisme. Il déplorait que la Banque mondiale, dans ce document publié en 1981, attribue l'échec des politiques à la seule responsabilité des gouvernements africains qui, pour la plupart, n'avaient fait que suivre respectueusement les orientations indiquées par les institutions de Bretton Woods.Les reproches que faisaient ces institutions aux Africains au sud du Sahara étaient parfois contradictoires : tantôt, on les accusait de mépriser l'agriculture ; de donner la priorité à l'industrie ; de contribuer au sous-développement de leurs ressources humaines. Puis ce sont les mêmes qui faisaient croire aux populations africaines que les potions amères des programmes d’ajustement structurel suffiraient à opérer des miracles, qui changeraient leur destin. Les mêmes qui, pour « dégraisser » la Fonction publique, recommandaient d’envoyer médecins, enseignants et autres ingénieurs à la retraite à 50 ou 55 ans, âges auxquels, en Occident, les éducateurs et autres soignants étaient considérés comme suffisamment expérimentées pour transmettre le meilleur du savoir et prodiguer les soins les plus efficaces. Les mêmes qui s’étonneront, ensuite, de voir, dans ces pays, l’enseignement piquer du nez, et les hôpitaux se transformer en mouroirs. La triste réalité est que, jamais, les agrégats économiques n'ont été servis à table aux populations : PNB en entrée, PIB en plat principal, taux de croissance en dessert. Non, ce n’est pas cela, le développement !
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  • De l'excès de prudence à l'inefficacité
    Feb 22 2025
    Depuis que l'Organisation de l'Unité Africaine, au tournant du millénaire, est devenue l'Union africaine, dirigée par un Président (de la Commission), en lieu et place du secrétaire général, il est le premier à boucler deux mandats. Cette prouesse, si c'en est une, laisse dans une totale indifférence les peuples africains, peu convaincus de la réelle utilité de l'Organisation panafricaine. Dans son discours d’adieu, Moussa Faki Mahamat, le président sortant de la Commission de l’Union africaine s’est félicité de nombreux succès, en déplorant quelques « insuffisances, lacunes, difficultés et défis ». Que retiendront concrètement les Africains de ses deux mandats ? Et à quoi doivent-ils s’attendre, avec Mahmoud Ali Youssouf, qui lui succédera le 15 mars prochain ?Pour être franc, les Africains n’en sont déjà plus à se préoccuper de ce qu’a éventuellement réussi (ou n’a pas osé) Moussa Faki Mahamat. Quant à son successeur, ils sauront, avec ce qu’il leur reste de patience, attendre de le voir à l’œuvre, avant de porter un quelconque jugement. Cette indifférence de fait dénote un scepticisme, sinon une grande défiance des peuples du continent, dubitatifs, quant à l’utilité de cette organisation dans leurs vies. Mais cette défiance vise davantage les chefs d’État que les présidents de Commission plus ou moins malléables qu’ils élisent.Comme si les déconvenues passées de quelques trop fortes personnalités dans ces fonctions avaient fini par inciter la plupart des titulaires à se complaire dans un excès de prudence, confinant parfois à l’inefficacité. Cela n’est, certes, pas un travers particulier à la seule Union africaine. Mais, en raison de l’importance des défis à relever, les conséquences, ici, sont d’une ampleur colossale. À lire aussi« On aurait voulu voir l'Union africaine mettre l'accent sur les graves conflits dans toutes les réunions internationales »Cette fonction requiert du courage, pour oser rappeler à leurs devoirs des chefs d’État plus souvent tentés d’utiliser cette tribune pour conforter leur pouvoir que pour défendre leurs peuples. Elle implique de savoir, à l’occasion, tenir tête aux dirigeants qui prennent des libertés avec les textes qui régissent l’organisation. Lorsqu’un État membre de l’Union européenne viole les règles de l’Union, la Commission de Bruxelles sait le rappeler à l’ordre, et même, au besoin, lui infliger les sanctions prévues par les textes.Certains premiers responsables de l’Organisation, qui ont osé tenir tête aux chefs d’État, ont eu à le payer très cher…Cela est certain. Le Guinéen Boubacar Diallo Telli, le Camerounais Nzo Ekangaki, le Togolais Edem Kodjo… autant d’expériences, dont les dirigeants africains semblent avoir tiré comme une leçon de médiocrité, préférant des présidents de Commission dociles et obéissants à de trop fortes personnalités. C’est pourtant, à l’échelle continentale, l’une des fonctions qui requièrent le plus de créativité, d’envergure et un leadership convaincant. Car, l'équation personnelle compte toujours pour beaucoup dans une telle fonction.En l’occurrence, le président sortant de la Commission dit avoir laissé aux dirigeants un document portant sur certaines questions relatives à la survie de l’organisation… N’est-ce pas courageux ?C’est ce qu’il semble suggérer, lorsqu’il affirme qu’un chef d’État a qualifié son document de « brûlot ». Mais il s’est aussi enorgueilli d’avoir passé dix-sept ans au Conseil exécutif de l’Union, qu’il nomme « Club des ministres des Affaires étrangères », entre l’époque où il y siégeait comme chef de la diplomatie tchadienne et ses deux mandats de président de la Commission. Cette longévité ne lui aura manifestement pas permis d’anticiper et de surmonter les « insuffisances, lacunes, difficultés et autres défis » qu’il décrit, par ailleurs.Pondre un « brûlot », alors que votre poste n’est plus en jeu, donc pas menacé, ce n’est ni du courage ni de la témérité. D’autres ont connu des difficultés pour avoir, justement, osé des actions qui valaient brûlots… Et il ne s’agit pas que de l’emblématique Boubacar Diallo Telli, sujet d’élite, achevé de manière inhumaine dans les geôles du panafricaniste et néanmoins dictateur Ahmed Sékou Touré.L’Afrique qui s’acharne à achever ses propres héros doit-elle s’étonner d’en manquer dans des positions aussi importantes ? Les peuples du continent sont plus que mal à l’aise, pour se plaindre du tort que leur font les autres, lorsqu’ils réalisent que, pour ne pas respecter les textes et les règles qu’elle se donne, l’Organisation panafricaine s’évertue à dissuader, sinon à casser les prétendants les plus courageux à tout leadership continental.
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