Ça fait débat avec Wathi, comme chaque dimanche sur RFI. Gilles Yabi, vous avez organisé le 19 septembre dernier une table ronde sur la situation sécuritaire au Sahel et dans les pays côtiers voisins, qui a dressé un état des lieux très préoccupant ? Tout à fait. Après deux heures et demie d’exposés des faits et des tendances récentes, on n'en est pas ressortis avec le sentiment d’une région ouest-africaine qui serait engagée dans la voie d’un retour progressif à la sécurité, à la paix, à la cohésion.Olivier Walther, consultant au Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest (CSAO), notre partenaire dans l’organisation de ce cycle de débats, a fait une présentation très illustrée des changements dans la géographie des violences en Afrique de l’Ouest et du Nord de 1999 à 2023. Cela avec le constat d’une diminution spectaculaire de la violence en Afrique du Nord et d’une hausse tout aussi spectaculaire en Afrique de l’Ouest.Les cartographies réalisées par le Club du Sahel montrent très clairement l’extension géographique continue de la violence. Cela avec une double dynamique de concentration dans les zones frontalières et de dispersion croissante dans de nouvelles régions d’une année à l’autre.Constat de l’échec des approches militairesLes autres invités, sur la base des évolutions récentes de la situation au Mali, au Niger, au Burkina Faso, ont fait le constat de l’échec des approches militaires quasi-exclusives adoptées dans les pays du Sahel central. Cette analyse n’est certes pas nouvelle. De nombreux experts qui connaissent les trajectoires historiques ainsi que les dynamiques sécuritaires, politiques, économiques, sociales de la région, alertent depuis des années sur les pièges de la croyance en la possibilité de réduire considérablement le niveau d’insécurité par le seul usage de la force militaire contre tous les groupes armés irréguliers. Cela en excluant toute approche politique.Le secrétaire général de l’organisation Alternative espaces citoyens au Niger Moussa Tchangari et Nana Alassane Touré, présidente de l’organisation Sahéliennes pour la gouvernance légitime, la paix et la sécurité, ont partagé leurs observations sur les zones les plus affectées par l’insécurité au Niger et au Mali respectivement. Ils ont insisté sur les implications en termes de déplacements des populations civiles, d’aggravation de la pauvreté, de sacrifice de l’éducation des enfants.Même les victoires militaires marquantes comme la reconquête de Kidal au Mali par les forces armées nationales ne garantissent ni une réduction significative de la capacité de nuisances des groupes armés hostiles ni une amélioration durable de la sécurité des populations dans une vaste région à la lisière de l’Algérie.Fahiraman Rodrigue Koné, chef de projet Sahel au bureau régional de l’Institut d’études de sécurité (ISS) pour l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et le bassin du lac Tchad, a de son côté souligné les tensions entre les pays sahéliens et leurs voisins côtiers. Celles-ci compliquent l’indispensable coopération sécuritaire régionale. Il a particulièrement appelé à une implication de l’Union africaine pour combler le vide laissé par une Cédéao paralysée.La menace des groupes armés se poursuit chez les pays côtiers voisinsDans les pays côtiers voisins immédiats des pays du Sahel central, la menace des groupes armés reste aussi intacte. Ella Abatan, chercheuse principale à l’Institut d’études de sécurité qui travaille spécifiquement sur les pays côtiers, a insisté sur le rôle clé et ancien de ces pays dans l’économie des conflits de la région. Cela en faisant partie des chaînes d’approvisionnement des groupes armés. Les relations économiques et humaines entre les pays du Sahel et leurs voisins du Nord comme du Sud ont toujours été intenses. Il est illusoire de penser que les pays comme la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo et le Ghana pourront être protégés durablement de l’insécurité si la situation sécuritaire continue à se dégrader au Sahel.La violence s’inscrit dans des contextes locaux, nationaux, transfrontaliers et internationaux où agissent une multitude d’acteurs qui poursuivent différents objectifs et qui s’adaptent en permanence aux réponses sécuritaires des États. C’est pour cela qu’une foi démesurée dans la capacité des drones, des blindés et de la propagande martiale à restaurer la paix est à la fois malsaine, dangereuse et sans issue. C’est vrai qu’un peu partout dans le monde, on est dans un grand moment de fascination pour la guerre totale comme moyen de résolution des conflits. Au moins les autres tirent-ils quelques avantages économiques de l’excellente santé de leurs industries d’armement.►Pour aller plus loinÉtat des lieux sécuritaire dans le Sahel et les pays côtiers, table ronde ...