• En Côte d'Ivoire, le festival «Poéticales» veut rendre la poésie accessible à tous
    Nov 6 2024
    En Côte d’Ivoire, c’est un festival de poésie qui s’est tenu du 4 au 6 novembre à Abidjan. Créé en 2021 par l’écrivaine ivoirienne Tanella Boni, « Poéticales » en est à sa quatrième édition. Pendant trois jours, entre Abidjan et la ville balnéaire de Grand-Bassam, les poètes ivoiriens et les invités internationaux ont célébré la poésie sous toutes ses formes. De notre correspondante à Abidjan,Faire de la poésie un art accessible à tous : c’est l’objectif que s’est donné la poétesse Tanella Boni en créant le festival « Poéticales ». Entièrement gratuit, il se décline en panels de discussions, récitals de poésie et spectacles de slam, et entre plusieurs écoles, universités et instituts culturels. Car la poésie, défend Tanella Boni, est indispensable à la vie humaine.« La poésie, c’est la parole fondamentale, professe-t-elle. Elle dit la vie, elle dit le monde, elle dit le passé, elle dit donc l’avenir. C’est une expérience fondamentale de la vie. Heureusement qu’elle existe ! Elle existe partout dans le monde, elle existe dans toutes les langues. C’est vraiment, je dirais, le langage humain par excellence. C’est ça, pour moi, la poésie. Et c’est pour cela aussi que nous créons cet espace-là, ce festival, pour que les uns et les autres puissent s’exprimer autour de la poésie et en poésie. Dans cette langue faite à la fois de mots, de silences, de rythmes… »En plus des écrivains ivoiriens, « Poéticales » rassemble cette année sept poètes de plusieurs continents autour du thème « Poésie et Migration ». Les débats, toujours littéraires, sont aussi ancrés dans l’actualité, souligne Hanétha Vété-Congolo, professeure d’université et poétesse martiniquaise invitée à l’un des panels. « Nous sommes ce que nous sommes par migrations, par immigrations, par émigrations. Nous avons vécu et nous vivons encore des formes de déplacement massives. Il est important de proposer un espace de parole à des personnes qui peuvent ne pas en avoir, ou qui peuvent démontrer des difficultés à prendre la parole ou à poser leur parole, défend-elle. Et en effet, en poésie, nous voyons bien des personnes qui se sont déplacées volontairement, ou qui ont été déplacées contre leur gré, se donner la peine d’entrer dans cet espace poétique pour en parler, pour le dire à leur manière. »À écouter dans Littérature sans frontièresTanella Boni, ne plus se taire et être en paix en Côte d'IvoireMigrations et poésieLe déplacement géographique est aussi bien souvent une source d’inspiration. Le poète et psychiatre canadien d’origine haïtienne Joël Des Rosiers va même jusqu’à qualifier l’expérience de la migration « d’expérience poétique ». « Aujourd’hui, beaucoup de poètes s’enrichissent auprès de ces pays, de ces terres étrangères qui ne sont pas les leurs, mais qui deviennent les leurs. Il y a une appropriation qui, je pense, fait partie d’un universel humain. Mais cela pose aujourd’hui la question des transgressions frontalières. Comment passer [les frontières] ? »Aussi qualifie-t-il le « poème de la migration » de « poème qui se balance entre la vie et la mort ». « Les traversées du désert, les traversées de la mer, les traversées des forêts, énumère-t-il… Les gens meurent vraiment. Les enfants meurent. Les femmes sont violées, les petites filles sont violées. Nous vivons dans un monde où le poète a désormais une place pas seulement pour dénoncer, mais pour annoncer, je crois, pour annoncer à l’homme et à la femme ses compétences à aimer, à considérer la terre comme étant à tous et à toutes. C’est un problème majeur. Les frontières sont nécessaires, et en même temps, elles sont faites pour être traversées. »Dans son livre Métaspora, Joël Des Rosiers évoque ce qu’il appelle « les patries intimes ». « Les questions aujourd’hui ne sont plus d’ordre identitaire, explique-t-il. La question, ce n’est pas : “Qui suis-je ?”. La question, c'est : “Où suis-je ?”. Et donc c’est la fabrication des lieux qui se superposent, qui se distendent, qui se rejoignent, à travers cette expérience de la migration, du départ, du voyage, du retour quelquefois. Donc le poème se situe dans toutes ces dimensions-là, qui sont des dimensions créatrices très puissantes désormais. » Pour ceux qui auraient manqué le festival « Poéticales », le collectif ivoirien L’École des poètes organisera son propre festival international de poésie à Abidjan, axé celui-là sur le slam, au début du mois de décembre.À lire aussiCôte d’Ivoire: au Salon international du livre d’Abidjan, le secteur de l’édition affiche ses ambitions
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  • Présidentielle américaine: comment les Centrafricains la perçoivent-ils?
    Nov 4 2024

    Une femme réussira-t-elle à capter le vote des Américains pour accéder à la Maison Blanche ? C’est la principale question que les gens se posent en Centrafrique, l’un des pays du continent où cette élection est suivie de près. Dans les rues de la capitale Bangui, les partisans du candidat républicain Donald Trump affrontent ceux de la démocrate Kamala Harris, dans des débats parfois houleux comparant les projets des deux candidats. Dans ce pays où certains croient fermement qu’une femme ne deviendra jamais présidente des États-Unis, d’autres tentent de déconstruire ces superstitions.

    De notre correspondant à Bangui,

    Allongé sur le canapé du salon de sa maison, une carafe de vin de palme à ses côtés, Jonathan Ngouyagre, jeune entrepreneur, ne rate rien de la campagne présidentielle sur les chaînes américaines. « Je suis un fan des valeurs républicaines, confie-t-il, donc je vais m’aligner derrière Donald Trump. Pour moi, c’est une source d’inspiration, pour tout ce qu’il a fait pour les États-Unis. »

    Écharpe à l’effigie du candidat républicain Donald Trump autour du cou, Jonathan est séduit par les projets de son mentor : « Donald Trump, c’est un modèle, sa politique est un modèle d’abord par rapport à l’immigration et également en matière d’ingérence internationale. Parce que pour le président, les États-Unis n’auront plus le droit d’interagir dans tout ce qui est international. » Concernant les sujets de société, Jonathan est aussi favorable au candidat républicain : « Il a parlé également du non à l’avortement, et c’est ce qui est normal en fait. C’est ce qui me plaît. »

    À écouter dans DécryptageHarris ou Trump : les enjeux d’une élection historique

    Kamala Harris au pouvoir, un espoir pour certains, une crainte pour d'autres

    À Bangui, les Centrafricains suivent de bout en bout la course à la Maison Blanche. Portia Deya Abazene, présidente de la Fédération des associations des femmes centrafricaines, nous accueille dans son bureau. Son admiration pour Kamala Harris est grande. « Elle est la première femme élue vice-présidente des États-Unis. Elle soutient, et cela lui tient particulièrement à cœur, les droits des femmes et des minorités. Elle incarne l’optimisme d’un avenir meilleur », se réjouit-elle.

    Selon elle, Kamala Harris est devenue un modèle de réussite pour certaines femmes centrafricaines. « La voir à la Maison Blanche, c’est un moment historique parce qu’elle a toujours placé au cœur de ses ambitions d’ouvrir les portes pour les femmes dans la société. »

    Dans les rues de Bangui, les discussions sont parfois houleuses et certaines personnes pensent que les Américains ne sont pas prêts à être gouvernés par une femme. Ce jour marquera la fin du monde, selon de nombreux observateurs. Mais Lionel Koursany ne croit pas à ces superstitions. « Je ne pense pas que l’élection d’une femme est synonyme de la fin du monde aux États-Unis, défend-il, c’est de la rumeur parce qu’il n’y a pas de fondement tangible. Je pense que les femmes peuvent devenir présidentes et les hommes aussi peuvent devenir président. Il n’y a pas d’obstacles. »

    Kamala Harris ou Donald Trump ? Les Centrafricains sont impatients de connaître le prochain occupant de la Maison Blanche.

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  • Madagascar: les associations villageoises d'épargnants comme outil de lutte contre la malnutrition
    Nov 3 2024
    À Madagascar, différentes ONG encouragent depuis une dizaine d’années les habitants des zones rurales à se regrouper en Avec (Associations villageoises d’épargne et de crédit). Des sortes de tontines, qui permettent à leurs membres d’obtenir des emprunts pour financer de nouvelles activités génératrices de revenus et de récupérer à la fin de chaque cycle de collecte un petit capital qui a fructifié pendant les neuf mois de collecte. De notre envoyée spéciale à Ankadinondry Sakay,Dans le Bongolava, région des Hautes Terres centrales, différents villages ont adopté ces nouveaux moyens d’entraides.Comme tous les vendredis à 6h, Nirina Ranomenjanahary, président de l’Avec d’Ankadinondry Sakay, se réunit dans une cour à l’abri des regards avec les seize autres membres. « Bienvenue à vous qui êtes ici pour notre réunion d’aujourd’hui ! Je vais commencer par vous présenter les derniers chiffres de notre cagnotte. » Ensemble, ils décident de l’octroi de crédits.Autour de lui, des poussins ne cessent de piailler et interrompent la réunion. Ils sont la fierté de l’agriculteur. C’est grâce à l’emprunt de 30 000 ariarys (soit 6 euros) auprès de l’Avec que Nirina a pu s’acheter une poule.« Tu achètes une poule qui te donne 13 poussins. Avec 30 000 ariarys, j’ai réussi à avoir 14 poules ! », se réjouit le président de l'Avec. Avec fierté, il montre la « maman », une petite poule noire. « C'est simple et rapide »« Avec notre association villageoise, c’est simple et rapide, poursuit Nirina Ranomenjanahary. Si j’avais choisi une banque de microfinance, j’aurais dû aller à la ville, on m’aurait demandé plein de papiers, avant de peut-être obtenir un crédit. Mais grâce à l’Avec, j’ai eu ce que je voulais en une journée. Donc, c’est doublement bénéfique ! Pour moi, bien sûr, mais aussi pour les autres membres. Parce que l’argent de la caisse, il prend de la valeur, grâce aux intérêts de 10% versés à chaque remboursement de crédit. »Nirina prévoit déjà un nouvel emprunt pour s’acheter un cochon. Un projet qui réjouit Bruno Velonosy, superviseur sécurité alimentaire chez Action contre la faim, qui conseille et soutient les membres des Avec.« Pour nous, l'objectif, c'est l'amélioration des vies des ménages, explique Bruno Velonosy. On travaille avec des personnes vulnérables, donc ils n'ont pas suffisamment d'argent pour faire quelque chose à grande échelle. Donc, on les incite, avec les petits moyens qu’ils ont, à investir dans la mise en place d’activités génératrices de revenus. Parce que si on a plus d’argent, on a accès à une meilleure alimentation. »Et c’est bien là tout l’enjeu : permettre aux habitants de cette région, fortement touchée par la malnutrition chronique, de trouver des solutions en toute autonomie.À lire aussiMadagascar: des programmes pour changer les habitudes alimentaires des populations ruralesDes modèles qui se dupliquent à travers la régionAutre village, autre Avec, où l’on procède désormais à la collecte des cotisations des membres. Ici, les membres sont exclusivement des femmes ; c’est l’une d’elles qui a décidé de créer l’association, sans appui d’ONG. Bako Hanitriniaina a adhéré il y a un an et demi, pour « créer plus de lien social », explique-t-elle. Elle emprunte quasiment chaque semaine 30 000 ariarys pour acheter de la provende pour son cochon. Des prêts qu’elle rembourse à la fin de chaque mois.« Pour le moment, on est en période de soudure, donc les cotisations sont assez faibles, mais dès les récoltes de mars, les cotisations vont réaugmenter et alors on pourra récupérer jusqu’à 300 000 ariarys (60 euros, soit plus que le salaire minimum) à la fin du cycle. »Une belle aubaine pour les membres. Le Bongolava devrait bientôt compter une centaine d’associations villageoises dédiées au crédit et à l’épargne. La moitié ont été créées par des habitants désireux de dupliquer un modèle observé dans les villages voisins.À lire aussiMadagascar: «Akamasoa», le mouvement du père Pedro, célèbre 35 ans de lutte contre la misère
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  • Au Bénin, la danse comme thérapie, un reportage de la lauréate de la Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon
    Nov 2 2024

    Au Bénin, la danse devient thérapie. Et cette pratique traditionnelle est désormais recommandée par la médecine moderne. Dans les Centres de danse multicorps de Cotonou, des personnes ont choisi d'améliorer leur santé mentale, non pas par les mots, mais par la danse. Un reportage d'un des lauréats de la Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon 2024.

    Onze ans après l’assassinat de nos deux reporters à Kidal, dans le nord du Mali, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, RFI a attribué ce samedi 2 novembre, au Bénin, la Bourse portant leurs noms à Victoire Andrène Ombi, journaliste, animatrice à Radio Mucodec (République du Congo), et à Daouda Konaté, technicien à la Radio communale de Katiola (Côte d’Ivoire). Ils bénéficieront d’une formation de quatre semaines à Paris, entièrement prise en charge, au cours du premier trimestre 2025.

    Victoire Andrène Ombi a gagné le prix grâce à son reportage sur la danse comme thérapie au Bénin.

    À lire aussiVictoire Andrène Ombi et Daouda Konaté, lauréats 2024 de la Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon

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  • La musique congolaise toujours aussi populaire en Côte d'Ivoire
    Nov 1 2024

    Au pays du zouglou, la rumba occupe une place de choix. En Côte d'Ivoire, difficile d'échapper aux vedettes de la musique congolaise. À la radio ou sur scène, les chanteurs kinois, comme Koffi Olomidé ou JB Mpiana, font des passages remarqués à Abidjan, en attendant le concert de Noël de la superstar Fally Ipupa. Autre signe d'influence, une quinzaine de groupes écument les scènes. Notre correspondant à Abidjan, Benoît Almeras, s'est rendu au Seven Parade, club de Cocody, où l'une de ces soirées rumba s'est tenue.

    Pour aller plus loin :

    - Fally en concert à Abidjan

    - Amicale des amoureux de la Rumba en Côte d'Ivoire

    - Serge Beynaud «Tchayeh»

    - Apoutchou National feat Innoss'B « Envoyez-nouveau »

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  • Éthiopie: concert d'adieu au Fendika avant la destruction de ce haut lieu de la culture du pays
    Oct 31 2024

    Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, est en pleine transformation. Cheval de bataille du Premier ministre Abiy Ahmed, le projet de ré-urbanisation comprend l'élargissement des rues et la modernisation de l’espace public. Des lieux et des quartiers historiques emblématiques disparaissent, comme l'ancien quartier touristique de Piazza, construit au début du XXe siècle et rayé de la carte. Aujourd’hui, c'est le cas du Fendika, centre cosmopolite, multiculturel, de renommée internationale, qui a disparu sous les bulldozers.

    De notre correspondante à Addis-Abeba,

    Le Fendika est bondé pour le dernier concert, la dernière soirée avant la destruction. Dans la salle bas de plafond à la lumière chaleureuse, les murs sont recouverts d'objets d'arts et d'instruments de musique provenant du monde entier. Comme une caverne pleine de trésors. L'atmosphère est joyeuse, mais au fond, les cœurs sont tristes, comme Méki, un habitué du lieu :

    « J'imagine que tout a une fin, mais là, j'ai vraiment l'impression que c'est la fin d'une époque. Le Fendika a été le centre de la culture d'Addis-Abeba, une grande partie de la culture urbaine que nous voyons à Addis a commencé ici. Je pense que cette ambiance et cette culture spécifiques, cette diversité et cette convivialité prendront du temps à se reconstruire. »

    Le Fendika, situé dans le quartier de Kazanchis, en grande partie détruit, va faire place à de grands boulevards bordés d'immeubles modernes. Pour Gelane, la réurbanisation est trop brutale : « Je comprends la nécessité d'innover. Mais il y a de meilleures façons de le faire. C'est la même chose pour Piazza. Je comprends que certaines parties devaient disparaître, mais en démolissant sans stratégie, sans plan, nous avons perdu toute une partie de notre histoire que nous ne pourrons jamais récupérer. Et lorsque cette génération mourra, il ne restera plus que des contes à raconter. »

    Plus qu'un tas de gravats

    Deux jours plus tard, Melaku Belay, fondateur du Fendika et danseur célèbre, se tient entouré de quelques employés sur un tas de gravats. C'est tout ce qui reste du lieu historique. « Je n'y croyais pas jusqu'à hier. Le camion est venu pour détruire Fendika. Ils m'ont même demandé si je voulais le détruire moi-même. Je leur ai dit qu'ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient, mais que je n'y toucherais pas. C'est comme mon enfant, alors j'ai juste regardé. »

    Sur les 43 employés, 17 vivaient dans le centre culturel. Comme de nombreux habitants de la zone, ils se retrouvent sans toit. Melaku cherche un endroit pour les loger en attendant. Et préfère penser à l'avenir :

    « Le Fendika me rend fier. Ce que j'ai fait, c'était visionnaire. Pour les gens, les étrangers, pour la liberté de l'art, pour la créativité, je l'ai fait et j'en suis fier. Je suis aussi très heureux que le gouvernement a accepté de me donner le même emplacement. J'espère qu'il me prêtera de l'argent et qu'on travaillera ensemble. Sinon, je cherche des investisseurs et collecte de l'argent. »

    Pour rentrer dans les nouveaux standards, il faut construire un immeuble d'au moins 20 étages. Pour un tel projet, Melaku a d'abord besoin de 1,15 millions d'euros pour obtenir un permis de construire. L'idée : reconstruire le centre multi-culturel du Fendika sur plusieurs niveaux, avec d'autres activités commerciales pour financer la partie artistique et rembourser les investisseurs.

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  • Côte d’Ivoire: quand les ainés N'Zima transmettent leur patrimoine culturel lors de l'Abissa
    Oct 30 2024

    C’est une fête ancestrale qui attire chaque année des milliers de visiteurs à Grand-Bassam, ville côtière située à une trentaine de kilomètres d'Abidjan. L'Abissa, célébration du Nouvel An du peuple N'Zima Kotoko, également présent au Ghana voisin, est bien plus qu’une simple fête. C'est une tradition séculaire où musique, danse et critiques sociales se mêlent pour renforcer les liens au sein de la communauté.

    De notre correspondant de retour de Grand-Bassam,

    Une semaine après le retrait symbolique de l'Edo-N'gbole, le tambour sacré, le roi des N'Zima Kotoko remet cet instrument au peuple. Les festivités peuvent alors commencer. La place publique s'anime au son des percussions, rythmant le passage à la nouvelle année N'Zima. Mais l'Abissa, c'est bien plus qu'une danse ou un festival musical : c'est aussi une période de remise en question collective, où les clivages sont mis de côté pour renforcer la cohésion sociale.

    « Durant cette période, le peuple retire à ses gouvernants leur pouvoir », explique Belin Damoulé, chargé de la tradition et de la valorisation culturelle. « Cela permet de faire la critique de tout le peuple sans distinction. On pourra dire, à cette occasion, si Sa Majesté le roi a commis des actes répréhensibles. L'Abissa comporte plusieurs valeurs : celles du partage, de la cohésion. »

    Un centre de formation

    Un patrimoine culturel que les anciens souhaitent transmettre aux nouvelles générations. Ainsi, en 2009, un centre de formation a vu le jour afin de perpétuer l'Abissa. Richard Ekra en est le responsable. « La formation théorique tient compte de trois aspects : la connaissance du peuple et de la culture, les fondements de l'Abissa, et puis, tout ce qui a trait à l'organisation sociale, au fonctionnement de la société, détaille le responsable. Et nous avons la formation pratique. À l'Abissa, nous avons la frange des chansonniers. Ceux qui sont les poètes critiques, les instrumentistes. Il y a le groupe des danseurs également que nous formons. »

    À ce jour, une soixantaine de jeunes, entre 7 et 17 ans, ont bénéficié de cette formation. Au milieu de la foule, Rose Arlette, sourire aux lèvres, esquisse des pas de danse. Pour cette adolescente, participer à la fête de l'Abissa est une manière de se connecter avec ses racines : « Chaque fois que la période de l'Abissa me trouve en vie, je suis vraiment heureuse et je suis fière d'être N'Zima. C'est très important en tant que jeune de connaître ta culture parce que ta culture, ce sont tes bases. C'est en connaissant ta culture que tu vas pouvoir avancer dans la vie. »

    Cette volonté de préserver l'Abissa dépasse désormais les frontières : en août dernier, les sept familles N'Zima de Côte d'Ivoire et du Ghana ont donné leur accord pour inscrire cette fête au patrimoine immatériel de l'Unesco. Un pas de plus pour honorer cette tradition des N'Zima Kotoko.

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  • RDC: 50 ans après, le combat de Mohamed Ali contre George Foreman inspire la nouvelle génération
    Oct 29 2024

    En République démocratique du Congo, le cri « Ali, boma ye » (ndlr, le mot « boma ye » vient du lingala et signifie « Tue-le ») résonne toujours dans la capitale congolaise. Il a pourtant 50 ans ! Un cri qui a célébré la victoire, le 30 octobre 1974, de l’ancien champion du monde poids lourds, Mohamed Ali, contre le tenant du titre, George Foreman. Une première pour le continent africain d'accueillir un combat de cette envergure. Un combat qui inspire toujours les jeunes boxeurs congolais... Reportage.

    De notre envoyée spéciale à Bangula,

    « Ici, c'est tout ce que j'ai pu garder comme archives personnelles… ». Dans une boîte en carton jauni par le temps, Pierre Celestin Kabala conserve précieusement photos et affiches du « combat du siècle ». « C'est la première affichette pour annoncer le combat », montre-t-il fièrement.

    Cela fait 50 ans que Mohamed Ali a vaincu George Foreman dans le stade de Kinshasa. À l'époque, le journaliste avait 27 ans et était au bord du ring. Il n'a rien oublié du combat. « Huitième round, vers quatre heures du matin, Ali a multiplié ses jabs et ses crochets, se souvient-il. Il l'a mis tellement à terre... Tout le stade scandait '' Ali, boma ye ! Ali, boma ye !''. »

    Après le combat, les clubs se multiplient

    Un chant devenu mythique qui résonne encore à Kinshasa. Judex Tchibandawata est le fondateur du boxing-club La Tête Haute. Il explique que c'est la victoire de Mohamed Ali qui a rendu populaire la boxe dans le pays : « Il n'y avait pas beaucoup de clubs de boxe, il n'y en avait que trois. Moi, j'ai formé le quatrième club. La valeur de Mohamed Ali... Après ça, il y a beaucoup de clubs qui ont commencé à naître. Maintenant, nous comptons plus de 300 clubs. C'est toujours grâce à l'inspiration de Mohamed Ali à Kinshasa. »

    Comme un symbole, ses jeunes boxeurs s'entraînent sur le parvis du stade Tata Raphaël (nommé stade du 20 Mai à l'époque) où s'était tenu le combat du siècle.

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    « On a suivi nos frères »

    Si le passage de Mohamed Ali dans le pays aura été bref, il aura marqué de nombreuses générations de Congolais. Comme Honoré Modabi, entraîneur de boxe : « Nos aînés, qui ont vu Mohamed Ali boxer, ont eu le goût de boxer. Nous aussi, on a suivi nos frères et nos grands frères pour venir encore boxer au stade. Quand on a un combat, on s'inspire des images de Mohamed Ali : on regarde ses combats, comment il courait, comment il faisait son sparring... On se prépare en fonction de Mohamed Ali. »

    Safi Lukomo n'était pas née en 1974, mais le combat, elle le connaît par cœur : « J'aime le style de Mohamed Ali. C'est un défenseur. Je vois qu'il n'est pas cogneur, c'est un styliste ! »

    Dans ce club, chaque boxeur combat avec l'espoir de devenir le prochain Mohamed Ali congolais.

    À lire aussiAli contre Foreman à Kinshasa : 50 ans après, souvenirs africains du « combat du siècle »

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