• Qui va combler le vide que vont laisser les États-Unis dans les prochaines négociations climatiques?
    Nov 7 2024
    À quatre jours de l’ouverture de la COP29 à Bakou, Donald Trump, climatosceptique notoire, vient d'être réélu président des États-Unis, deuxième émetteur mondial et premier émetteur historique de gaz à effet de serre. Il n'a pas caché sa volonté de démanteler la politique climatique américaine. Et il l’a promis, il sortira de nouveau de l’Accord de Paris, comme il l’avait fait en 2017. Des pays pourraient saisir l’opportunité de prendre la place que les États-Unis vont laisser dans les négociations sur le climat. L’Union Européenne (UE) et la Chine vont être particulièrement attendues lors de la COP29 à Bakou pour montrer que l’Accord de Paris est résilient. « Elles vont toutes les deux avoir un rôle majeur pour rassurer l’ensemble de la communauté mondiale, sur le fait que l’Accord de Paris reste une matrice importante des relations internationales, et de l’action collective sur le climat », explique Lola Vallejo, conseillère spéciale Climat à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).Dans ce duo, l’UE va surtout être attendue pour mettre la pression sur la Chine, le pays qui émet le plus de gaz à effet de serre au monde. C'est ce que faisaient jusqu'alors les États-Unis, car Washington et Pékin étaient en compétition pour apparaître comme le meilleur élève, selon Marta Torre Schaub, directrice de recherche au CNRS à l'Institut des sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne : « Le fait que les États-Unis soient à nouveau moins présents, ou absents, ça va enlever la pression sur la Chine. Ça a un effet négatif, mais aussi un effet positif : l’Union européenne se retrouve en position de leadership, si elle l’accepte, pour mettre la pression sur la Chine à son tour ».Ce serait donc au tour de l’UE de pousser la Chine à réduire ses émissions.Une Chine ambivalenteMais il n’est pas sûr que les européens acceptent de jouer ce rôle. L’UE semble en tout cas bien plus affaiblie que lors du précédent mandat de Donald Trump. À sa tête, elle a un nouveau parlement et une nouvelle Commission européenne qui apparaissent moins engagés sur les questions climatiques. D'ailleurs la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, ne fera pas le voyage à Bakou.Par ailleurs, la situation économique est plus difficile. Et la guerre en Ukraine inquiète les européens. Les appels à renforcer la souveraineté européenne en matière de défense se multiplient, une souveraineté gourmande en financements.La Chine, de son côté, est ambivalente. « Elle joue sur deux terrains, explique Marta Torre Schaub. D’abord le terrain de la croissance économique, sans avoir beaucoup d’égards envers l’environnement. Et d’un autre côté, elle veut montrer que les choses changent, et qu’elle va devenir un meilleur élève pour la réduction des émissions et la préservation de l’environnement ». Elle voit aussi l'intérêt économique de dominer le secteur de la transition énergétique. « La Chine pourrait peut-être vouloir prendre le leadership dans l’aide aux pays en développement, ajoute la juriste. Je pense que l’Union européenne aimerait aussi le faire, mais il y a une telle crise économique dans certains pays européens, que ça va être un peu compliqué ».Le Brésil pourrait aussi profiter de l’espace laissé par les États-Unis. Les Brésiliens, qui vont accueillir la COP30 l'année prochaine à Belém, pourraient pousser pour la réussite des négociations à Bakou, pour ne pas alourdir leur COP. « Mais je ne pense pas que le Brésil puisse se positionner de manière plus importante que ce qu’il a fait jusqu’à présent, et prendre le leadership, en tout cas pas cette année, nuance Marta Torre Schaub. Peut-être en 2025... Le pays d’accueil a toujours une visibilité plus grande, mais ça ne veut pas dire qu’il aura plus de poids dans les négociations ».La montée en puissance du secteur privé et des gouverneurs américainsEnfin, les États-Unis ne devraient pas être complètement absents de la COP. Certes, leur délégation officielle à Bakou devrait être une sorte de délégation fantôme. « Elle va ressembler à celle qu’on connaît des États-Unis, mais elle n’aura que très peu de capacités à avoir des échanges bilatéraux d’envergure avec l’Union européenne, la Chine ou l’Inde », explique Lola Vallejo. La voix officielle des États-Unis devrait être relativement inaudible.Mais ils ne devraient pas pour autant complétement disparaître des négociations, selon la conseillère spéciale Climat de l’Iddri : « Ce qu’on risque de voir, c’est une présence à nouveau importante, comme sous la première administration Trump, du secteur privé et des gouverneurs américains, pour montrer que les États-Unis sont encore dans l’Accord de Paris, si ce n’est au niveau fédéral, alors au ...
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  • Comment la biodiversité affecte-t-elle le climat?
    Nov 4 2024
    La COP16 sur la biodiversité s’est achevée samedi 2 novembre à Cali, sans un accord sur le financement d’un fonds pour stopper la destruction de la nature d’ici à 2030. Et la COP29 sur le climat va commencer à Bakou lundi 11 novembre. Ces deux COP sont séparées, pourtant la biodiversité et le climat sont profondément liés. Le réchauffement planétaire a de nombreux impacts sur le vivant. Mais l’inverse est vrai aussi. Comment la biodiversité affecte-t-elle le climat ? Les effets du changement climatique sur la biodiversité sont démontrés par de nombreuses études scientifiques. Les coraux blanchissent et meurent car la température de la mer est devenue trop élevée. Les oiseaux changent leurs routes de migration, ou décalent leur départ, car les saisons sont bouleversées. Mais ce dont on parle un peu moins, c’est qu’en retour, la biodiversité joue aussi un rôle sur le climat.Prenons un premier exemple. À cause du réchauffement climatique, on observe ce qu’on appelle une redistribution du vivant. C’est-à-dire qu’en raison de l’augmentation des températures, de nombreux animaux, mais aussi des végétaux, se déplacent pour trouver des conditions plus favorables. C’est le cas dans les montagnes, où les forêts s’étendent vers les hautes altitudes, où elles prennent la place des glaciers et de la neige qui reculent. Mais la forêt ne se comporte pas de la même façon, face aux rayons du soleil, que la neige ou les glaciers.« Une surface enneigée, qui est blanche, va plus réfléchir les rayons du soleil qu’une surface de forêt qui est verte ou brune en hiver si les arbres ont perdu leurs feuilles », explique Jonathan Lenoir, chercheur en écologie au CNRS, basé à l’université de Picardie Jules Verne. L’effet albédo, un cercle vicieux dans les montagnesLes glaciers ont un albédo plus élevé que la forêt, car leur surface blanche réfléchit plus les rayons du soleil que la couleur sombre des arbres, qui absorbe les rayons.« Quand on a de la neige ou des espaces couverts par la glace, l’effet albédo va plutôt ralentir le réchauffement climatique. Alors que si on modifie cet albédo avec une couverture végétale, on va observer un effet qui favorise l’emballement climatique », poursuit l’écologue.C’est ce qu’on appelle une boucle de rétroaction positive : à cause du changement climatique, les glaciers reculent, ce qui entraîne une extension de la forêt vers les hautes altitudes, la forêt absorbe les rayons du soleil, ce qui amplifie le réchauffement climatique dans les montagnes, ce qui aggrave le recul des glaciers, la forêt s’étend encore, etc.Ce phénomène existe dans les montagnes, mais aussi sous les hautes latitudes de la planète. Dans les régions arctiques, les surfaces enneigées reculent de plus en plus vers le Nord, et elles sont remplacées par des forêts, entraînant le même cercle vicieux.Les rivières du ciel, faiseuses de pluieLe vivant n’a pas seulement un effet sur les températures. Il peut aussi influencer le cycle de l’eau.Dans les grandes forêts tropicales, comme celles de l’Amazonie ou du bassin du Congo, les arbres évaporent de l’humidité par leurs feuilles. Cette humidité monte et s’accumule dans l’atmosphère, puis elle est transportée par de grands courants qu’on appelle les rivières du ciel. Ces rivières volantes pleines de vapeur d’eau peuvent apporter des précipitations très loin, même dans d’autres régions de la planète. Donc, la déforestation des grandes forêts tropicales a des conséquences sur les pluies qui tombent, bien loin de la zone détruite.On sait aussi que les forêts captent le carbone, grâce à l’activité de photosynthèse des arbres. Les mangroves, par exemple, ont des capacités de stockage du carbone très élevées, donc restaurer ces milieux va contribuer à atténuer le réchauffement climatique. Mais en cas d’incendies, les surfaces couvertes par des plantes ou des arbres vont au contraire émettre tout le CO2 qu’elles stockaient.En fait, le vivant peut agir sur le climat dans les deux sens. Il peut, dans certains cas, avoir un effet amplificateur du réchauffement planétaire. Notamment dans le cadre d’une boucle de rétroaction positive, comme celle décrite plus haut. Cependant, des études montrent que le plus souvent, les actions qui visent à limiter la perte de biodiversité vont dans le sens de l’atténuation du changement climatique. Des baleines stockeuses de carboneCela vous surprendra peut-être, mais protéger les baleines permet de limiter le réchauffement de la planète. Parce que leurs déjections fertilisent la surface des océans. Cela favorise le développement du phytoplancton. Ces petites algues microscopiques captent le carbone, qui entre alors dans les chaînes alimentaires marines, et à la fin, il finit par tomber au fond de la mer, dans le cadavre d’un poisson par ...
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  • Peut-on s'adapter aux crues extrêmes comme en Espagne?
    Oct 31 2024

    Des rues transformées en torrents de boue, des habitants pris au piège : dans le sud-est de l'Espagne, les inondations meurtrières survenues mardi soir et dans la nuit de mercredi ont semé le chaos. Le bilan humain, toujours provisoire, est de plus de cent morts. Autres les pluies torrentielles, y avait-il des facteurs aggravants qui ont mené à cette catastrophe ? Est-ce que l'adaptation a des limites ?

    La région autour de Valence est la plus touchée par les inondations dévastatrices. Pourtant, la ville a déjà connu des inondations importantes dans le passé, les pires en 1957, 1987 et 2019 qui ont traumatisé les habitants. D'immenses travaux ont été menés pour protéger Valence contre ce genre de catastrophes. Mais ces efforts ont eu l'effet contraire.

    L'artificialisation des cours d'eau et l'imperméabilisation aggravent les crues

    « Les travaux réalisés ont été uniquement des mesures défensives », explique Rafael Seiz, qui dirige l'unité sur la politique de l'eau au WWF Espagne. « La plupart des tronçons urbains du fleuve ont été bétonnés. Le lit du fleuve a été canalisé. Tout a été fait pour restreindre au maximum son cours naturel. Le problème est que ces mesures de protection ne sont pas adaptées à des phénomènes extrêmes qui sont désormais beaucoup plus intenses. Les emménagements du fleuve sont devenus un problème au lieu d'être une protection parce qu’ils accélèrent fortement le courant de l’eau. Le danger a donc augmenté à cause de ces emménagements. Ils sont contre-productifs, surtout en cas de précipitations extrêmes ».

    À lire aussiInondations catastrophiques à Valence: l'Espagne entame un deuil national de trois jours

    Dans et autour de la ville de Valence ce ne sont pas que des cours d'eau qui ont été façonnés par l'homme, mais aussi et surtout les grandes plaines autour des rivières, sur lesquelles ont été installés des champs agricoles, des infrastructures routières, des vastes zones industrielles, des quartiers périurbains. Ces terres, autrefois inondables en période de crues et où l'eau pouvait lentement infiltrer le sol, sont aujourd'hui imperméabilisées. « Et donc, quand l'eau arrive, elle se cherche d'autres chemins et cause d'énormes dégâts humains et matériels », constate Rafael Seiz.

    Que faut-il donc faire pour s'adapter aux crues extrêmes ?

    Les scientifiques et ONG environnementales sont unanimes : la seule solution est de désimperméabiliser les sols et de redonner de l'espace aux cours d'eau, de les raccorder à leurs plaines alluviales. « En effet, lorsque les rivières disposent d'espaces suffisants pour déborder de manière contrôlée, cela réduit considérablement leur vitesse », souligne l'hydrologue du WWF Espagne. « La quantité d'eau qui s'accumule dans certaines zones diminue, et le danger d'inondation est beaucoup plus faible. Cette mesure d'adaptation est très difficile et très impopulaire parce qu'elle signifie que des gens devront cesser de vivre dans de nombreuses zones qui sont aujourd'hui exposées aux inondations. Mais la réalité, c'est que non seulement nous pouvons le faire, mais qu'il est absolument urgent de commencer à supposer que ces phénomènes qui nous semblent incroyables aujourd'hui, complètement hors du commun, vont être beaucoup plus fréquents dans un avenir proche ».

    Mais il ne suffit pas de réfléchir à l'adaptation seulement. Parce qu'à trois degrés de réchauffement mondial, c'est la trajectoire actuelle, il y aura des phénomènes météorologiques auxquels il nous sera tout simplement impossible de nous adapter. Le Giec appelle cela de « limites dures ». Pour contenir les risques, il faut agir sur le danger, et donc baisser nos émissions de gaz à effet de serre.

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  • Qu'appelle-t-on effet papillon?
    Oct 30 2024

    Alors que les responsables politiques sont arrivés à Cali, mardi, pour la dernière semaine de négociations de la COP16 biodiversité, dont l’objectif est de stopper la destruction du vivant, revenons sur ce que l'on appelle l’effet papillon.

    Nous sommes sur le plateau de Laikipia au Kenya. Un sublime décor, constitué de plaines, de savanes et de forêts tropicales, qui accueille une vaste faune sauvage…. Lions, buffles, éléphants. Près de nous, des acacias siffleurs, une espèce d'arbres autour de laquelle s'est créé un équilibre harmonieux. Une fourmi locale a fait son nid au pied de l’acacia, devenant en échange le défenseur de cet arbre. Car l’acacia est une espèce prisée des éléphants et ses épines sont une bien maigre protection face aux herbivores. Mais c’était sans compter sur ces fameuses fourmis qui ont pris la défense de leur hôte, en repoussant les pachydermes grâce à leurs phéromones, une substance chimique émise par les animaux, et leurs piqures.

    La fin d'une collaboration harmonieuse

    Cette harmonie a été interrompue par l’arrivée d’une fourmi à grosse tête, introduite par l’activité humaine, qui a chassé les autres fourmis de l’acacia, rendant l’arbre à nouveau vulnérable aux éléphants. Avec l’arrivée de cette nouvelle fourmi, les dégâts sur les acacias ont été multipliés par sept, ce qui a provoqué une diminution du couvert forestier. Or ce couvert est essentiel dans la stratégie de chasse des lions. Grâce au feuillage des arbres, ils peuvent se dissimuler et créer un effet de surprise pour capturer leurs proies favorites, les zèbres. Privés de feuillage, les lions ont dû s’adapter et changer de cible. Ils se sont donc rabattus sur les buffles. Pour résumer, la disparition d’une fourmi a provoqué un changement de régime alimentaire du roi des animaux, le lion.

    À lire aussiLa fourmi et le lion, ou l'histoire d'un bouleversement de l'écosystème de la savane kényane

    L'effet papillon

    L’effet papillon est une notion selon laquelle, le monde est profondément interconnecté, de sorte qu'un petit événement peut influencer un système beaucoup plus vaste. Ainsi, le battement d’ailes d’un papillon pourrait, hypothétiquement, provoquer un typhon. Mais revenons-en à nos fourmis... L’histoire que je viens de vous raconter est une étude très sérieuse, publié dans la revue Science en janvier dernier.

    Quel est le lien entre l’effet papillon et la COP16 sur la biodiversité ?

    Il y a peu de temps, dans cette chronique, nous parlions d’amnésie environnementale et nous évoquions la disparition des lions au Sénégal, qui a touché et ému de nombreux Sénégalais et défenseurs de l’environnement. Mais dans le même temps des milliers d’insectes disparaissent chaque année sans que cela nous émeuvent, alors qu’ils sont essentiels à la survie des écosystèmes. Évoquer l’effet papillon est donc un moyen de rappeler l’importance de préserver ce fragile équilibre et cette interconnexion du monde vivant.

    L’approche One Health

    One Health, une seule santé en français. Selon cette approche, pour préserver la santé humaine, il faut préserver la santé animale et environnementale. Grâce à cette notion, on comprend que défendre un insecte, une fourmi ou un lion, c’est finalement défendre notre humanité. Alors que les politiques réunis à Cali pour la COP16 peinent à mobiliser 20 milliards de dollars par an d’ici 2025, pour aider les pays en développement à préserver la biodiversité, une question reste en suspens : À combien estiment-ils nos vies ?

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  • A-t-on surestimé la menace qui pèse sur les insectes?
    Oct 29 2024

    Depuis plusieurs années des études scientifiques alertent sur le déclin inquiétant des populations d'insectes. Pourtant, de récents travaux issus de la plus grande base de données sur les populations d’insectes dans le monde relativisent ce déclin. Comment l’expliquer ? Éléments de réponses.

    Tout remonte à 2020 quand la prestigieuse revue scientifique Science publie les résultats d’une méta-analyse, c’est-à-dire une grande étude qui rassemble l’ensemble des données sur une question précise, ici les populations d’insectes. Selon cette analyse, on ne perdrait « que » 9 % des populations d’insectes terrestres par décennie sur le plan mondial. Quant aux insectes d’eau douce, leurs effectifs augmenteraient de 11 % par décennie. Des résultats qui ont surpris de nombreux scientifiques. Deux chercheuses françaises épluchent alors pendant quatre ans les études de cette base de données et compilent les nombreuses erreurs. Laurence Gaume écologue au CNRS est l'une des chercheuses : « Dans les erreurs qu'ils ont faites, au niveau des insectes aquatiques, ils prenaient en compte toute une communauté d'invertébrés qui ne sont pas des insectes, comme par exemple, des coquillages, des moules, des vers, et donc ça expliquait, en grande partie, la tendance à la hausse qui était observée. Ce sont donc des erreurs grossières et ils en déduisent que si les insectes d'eau douce augmentent, c'est parce qu'on a probablement fait des progrès dans l'assainissement des eaux, ce qui n'est pas ce que l'on a observé dans ces bases de données ».

    553 problèmes identifiés

    Sur les 165 jeux de données qu’elles ont étudiés, les deux chercheuses ont identifié 553 problèmes. Une accumulation d’erreurs assez impressionnante que les chercheuses ont classées en quatre catégories. Les problèmes méthodologiques, les incohérences, les déficits d’information et les erreurs. On retrouve par exemple l’étude d’un chercheur anglais, passionné par les libellules, qui avait créé des mares artificielles pour étudier leur colonisation. Avec l'arrivée des libellules, il en a déduit, que leur nombre augmentait, mais de façon totalement artificielle. D’après la littérature scientifique 16% des libellules sont menacées d’extinction dans le monde.

    Autre anomalie, d'après ces données, les terres agricoles ne sont pas en cause dans le déclin des insectes. Mais les chercheuses ont montré que les données satellites utilisées ne permettaient pas de différencier une prairie d’une zone de culture, ce qui est problématique. Pour Laurence Gaume, le déclin rapide des insectes est la triste réalité et il est temps d'agir : « Ce qui est très important de savoir, c'est que les insectes ont des fonctions primordiales dans l'écosystème. Ce sont les pollinisateurs de la plupart des plantes, ils recyclent la matière organique, ils interviennent dans la plupart des chaines alimentaires, donc leur menace fait que c'est toute une biodiversité qui est menacée en réalité. Maintenant, il faut mettre en place des mesures de protection, et vite ».

    Alors que les États, réunis à Cali pour la COP16 sur la biodiversité, cherchent à mobiliser 20 milliards de dollars par an d'ici 2025, pour sauver le vivant, il ne faudrait pas que des erreurs scientifiques, publiées dans de grandes revues, remettent en cause la nécessité d'agir et d'investir.

    À écouter aussiPourquoi les insectes disparaissent?

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  • Qu'est-ce que l'amnésie environnementale?
    Oct 28 2024

    Théorisée par le psychologue américain Peter Kahn, l'amnésie environnementale est le fait de s'acclimater, au fil des générations, à la dégradation de notre environnement et finir par trouver normales des choses qui ne le sont pas.

    Il y a quelques années, en région parisienne, l’entrée dans l’hiver apportait les premiers flocons de neige qui recouvraient l’immensité des paysages et leur donnait un aspect féerique. Aujourd’hui, il ne neige quasiment plus, dans cette région. Les plus jeunes ne connaissent donc pas ces paysages enneigés. Mais pour eux, l’absence de neige n’est pas un effet pervers du réchauffement climatique, c'est tout simplement la norme.

    On appelle cela l’amnésie environnementale, un oubli progressif de l’histoire de notre environnement. Laura Juillard, doctorante au Museum national d’histoire naturelle : « Cela fait un peu référence au phénomène de déconnexion à la nature, qui est constaté notamment en Europe. On dit que les gens qui vivent en ville, passent de moins en moins de temps dans la nature. Et moins on passe de temps dans la nature, moins on a envie d'y passer du temps. Et plus on est déconnecté de cette nature, moins on a envie de la protéger. L'amnésie environnementale, c'est cela, c'est couper cette connexion ».

    Les graves conséquences de l'amnésie environnementale

    L'amnésie environnementale nous rend indifférent à la dégradation de nos relations avec le vivant, la biodiversité. Mais surtout, cette amnésie empêche toute possibilité de changement. Si les communautés humaines ne prêtent pas attention à la dégradation de l’environnement, il n’y a aucune raison que d’autres le fassent à leurs places, que ce soit les politiques ou les institutions.

    À lire aussiCouper ou préserver la forêt: un équilibre délicat à trouver

    Il est donc fondamental de se reconnecter avec la nature tout en ayant conscience de l’importance de celle-ci. Et puis, il faut en parler aux plus jeunes, témoigner, transmettre en s’appuyant sur notre mémoire.

    Laura Juillard, doctorante au Museum national d’histoire naturelle qui a travaillé la question de la mémoire environnementale au Sénégal : « La mémoire est très sélective. Certes, au Sénégal, il y avait beaucoup de personnes qui avaient une transmission de la mémoire et qui avaient de bons souvenirs de leurs environnements passés, mais cela concerne des espèces charismatiques. Il est plus facile au Sénégal de parler des lions qu'ils y existaient avant, parce que c'est très marquant, alors qu'on ne m'a jamais parlé des insectes. Il y a quand même un tri des informations qui est très important dans cette mémoire. »

    Même si notre mémoire nous joue des tours, cette transmission de savoir et d’expérience est essentielle. Car c’est en ayant des connaissances sur le passé que l’on pourra prendre les bonnes mesures, adopter les bons comportements pour préserver ce qui est encore préservable. Il serait regrettable que notre amnésie environnementale conduise à l’effondrement du vivant.

    À lire aussiEnvironnement: comment les terres rurales peuvent aider à refroidir les villes?

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  • Les forêts sont en péril, leur capacité à absorber le CO2 aussi
    Oct 23 2024
    À la COP16 sur la biodiversité en Colombie, le rôle des pays forestiers est crucial. Le Brésil, la République démocratique du Congo, l'Indonésie, ou la Colombie elle-même... Ils ne couvrent que 10% de la surface de la planète, mais abritent 70% de la biodiversité terrestre. Leurs forêts sont également considérées comme les poumons de la planète, capables de stocker une partie de nos émissions de gaz à effet de serre, même si certaines peuvent émettre plus de CO2 qu'elles n'en absorbent. En observant un arbre, ses feuilles, ses branches, on ne se doute pas forcément que la moitié de la masse sèche de cet arbre, c'est du carbone. Du carbone sous forme de bois. Les arbres absorbent en effet du gaz carbonique et rejettent de l'oxygène pour vivre et grandir, c'est la photosynthèse. C’est ce carbone de l'air, qui est pompé, qu’ils transforment en bois. Les forêts absorbent ainsi chaque année près d'un tiers de nos émissions de CO2, et nous aident au passage à limiter l'effet de serre et le réchauffement climatique. Lorsqu'un arbre meurt, ce carbone solide, le bois donc, se décompose et le CO2 est réémis dans l'atmosphère.Une forêt peut donc devenir émettrice de CO2 explique Nancy Harris, directrice du programme de recherche sur les forêts au World ressource institute. « Quand on laisse les forêts tranquilles, elles sont en général de bonnes éponges à CO2. Mais quand on les perturbe ou qu'on les coupe, alors elles peuvent émettre plus de CO2 qu'elles n'en absorbent. C'est le cas lors des feux de forêts, quand on débite le bois et qu'on exporte les grumes, ou qu'on défriche pour l'agriculture ». Parfois, la forêt récupère. Les arbres survivants et les jeunes poussent permettent de retrouver cette capacité de puit de carbone. Parfois, « si trop d'arbres meurent alors elles peuvent perdent définitivement cette capacité à être un puits de carbone ».Stopper la déforestationCes 20 dernières années, les forêts d'Asie du Sud-Est sont ainsi devenues une source nette d'émissions de carbone à cause de la déforestation pour planter des palmiers à huile notamment, selon une étude du World ressource institute.L'Amazonie, elle, est encore un puits de carbone, mais elle est sur le point de basculer si la disparition des forêts se poursuit au rythme actuel. En 2020, elle n’absorbait déjà plus que 100 millions de tonnes de CO2. L'ancien poumon de la planète ne le sera peut-être plus bientôt, à cause des incendies, de la sécheresse, mais surtout de la déforestation pour planter du soja destiné à nourrir le bétail. « Nous devons transformer radicalement notre système agricole pour produire plus de nourriture sur des espaces plus restreints, » indique Nancy Harris. Comment ? Pour la chercheuse « la façon la plus simple d’y arriver c’est de réduire notre consommation de viande de bœuf. L’élevage de bœufs est la première cause de déforestation dans les forêts tropicales. Nous pouvons modifier nos régimes alimentaires, en particulier dans les pays développés », où la consommation est la plus forte.Des puits de carbone fragilesParmi les trois plus grandes forêts tropicales humides du monde donc, seul le bassin du Congo possède encore suffisamment d'arbres sur pied pour rester un puits de carbone important. Il séquestre chaque année 600 millions de tonnes de dioxyde de carbone. Mais ses forêts sont elles aussi sous pression de l’appétit des exploitants de bois, de ressources souterraines, et de l’agro-industrie.Plus inquiétants, les chiffres de l'année dernière montrent que les puits de carbone forestiers se sont effondrés. Au lieu des 7,5 milliards de tonnes de CO2 captées chaque année par les forêts, moins de deux milliards ont été séquestrées en 2023 selon une étude récente. Même si cela est du en grande partie à des évènements particuliers qui ne s’inscrivent pas sur la durée – les graves incendies dans les forêts canadiennes et sibériennes, et la sécheresse en Amazonie qui ont mis beaucoup d’arbres à terre – cela montre bien la fragilité de ces forêts sur lesquelles nous comptons tellement pour notre survie.Pour sauver l'incroyable diversité d'êtres vivants qu'elles abritent, pour limiter le changement climatique et ses catastrophes à répétition, il faut aider à les préserver, et c'est ce que vont plaider à la COP16 ces grands pays forestiers. Les programmes de reforestation sont essentiels, à condition qu’ils soient menés correctement.
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  • COP16: va-t-on enfin se résoudre à changer d'agriculture pour sauver la nature?
    Oct 22 2024
    L’agriculture comme on l'a pratique aujourd’hui est la première cause de l’effondrement du vivant. Dans les négociations internationales pour tenter de sauver la nature c’est donc un sujet incontournable mais qui est pourtant bien souvent mis de côté. Alors que s'est ouverte hier la COP16 biodiversité à Cali en Colombie, le lourd impact de notre système de production agricole sur les plantes et les animaux de la planète restera-t-il encore une fois ignoré ? Les scientifiques sont clairs : on ne pourra pas sauver le vivant sans changer notre agriculture. Les deux sont intimement liés. Depuis plus de 10 000 ans et les débuts de l'agriculture humaine, la biodiversité est en effet utilisée par l’homme pour produire à manger. Ce sont les insectes pollinisateurs indispensables à trois espèces cultivées sur quatre, ou les vers de terre et les micro-organismes qui font la fertilité des sols, ou encore la grande variété de plantes adaptées à des terroirs bien particuliers.Sauf qu'après la Seconde Guerre mondiale, nous avons fait entrer l'agriculture dans une ère d'industrialisation et d'artificialisation. À l'époque, il fallait augmenter les rendements pour nourrir le monde après six ans de guerre et de destruction.L’envers de la médaille c’est qu’aujourd'hui, « ce mode de production est la première cause de l'effondrement du vivant », explique Clélia Sirami, directrice de recherche et spécialiste du lien entre les pratiques agricoles et la biodiversité à l’Inrae (l'Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement).« On va droit dans le mur »Ça n’est pas l'agriculture en tant que telle qui pose problème, mais cette façon intensive de la pratiquer qui est épuisante pour la planète. Pesticides, mécanisation, engrais, parcelles de plus en plus grandes et mises à nu… tout contribue à dégrader le sol qui se meurt. Les pesticides ont engendré des ravageurs de plus en plus coriaces et résistants tout en anéantissant les autres animaux. Le tout avec un bilan carbone désastreux. Les systèmes alimentaires et la déforestation qui va avec représentent 37% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.« On va droit dans le mur, il faut changer de modèle » alerte Selim Louafi, directeur adjoint pour la recherche et la stratégie au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).Pourtant, si cette transformation du modèle agricole actuel est essentielle aux yeux des scientifiques, le sujet est loin de faire l'unanimité auprès des négociateurs internationaux. Il a donné lieu à des discussions tendues lors de la dernière COP Biodiversité à Montréal en 2022, et risque d’être marginalisé à Cali cette année.Les grands pays agricoles, comme le Brésil, l’Argentine ou l’Inde, qui ont basé leur modèle économique sur l'exportation de cultures intensives sont réticents. D'autres, comme les pays d'Europe, ont des discours plus ambitieux mais font face en interne à de puissants lobbys agricoles et des industries chimiques (celles qui produisent les engrais et pesticides) qui ont des moyens colossaux.Financer la transition« En France et en Europe, on a tout un historique de cogestion des politiques publiques, qui ont été décidées conjointement par les gouvernements et ces syndicats agricoles, explique Clélia Sirami, cela a contribué à la dominance d’une certaine vision depuis longtemps. » Si cette vision est maintenue, « c’est parce que ces acteurs risquent d’être les perdants dans la transition ». Toutefois, ces syndicats ne sont pas forcément représentatifs de tous les agriculteurs. « Le milieu agricole est très hétérogène, nuance la chercheuse, et beaucoup d’agriculteurs sont conscients des problèmes et sont partants pour s’engager dans cette transition, à condition d’être soutenus pour le faire ». Elle plaide pour un financement à la hauteur du changement demandé.Parmi les arguments des industriels revient souvent l’idée selon laquelle il est nécessaire de produire toujours plus pour nourrir une population en constante augmentation. « Mais est-ce que ce qu’on produit actuellement contribue réellement à l’alimentation humaine ? » interroge Clélia Sirami. « 30% de ce qu’on produit est gaspillé et une grosse partie de ce qu’on produit est exporté pour nourrir le bétail, or on sait qu’il nous faut manger moins de viande. » L’agriculture intensive ne répond donc pas tant à un enjeu de sécurité alimentaire qu’au maintien d’un système économique selon elle.À lire aussiFrance: la difficile transition écologique des agriculteursL'agroécologie en solutionL’agro-industrie soutient également qu’un changement de modèle serait synonyme d’un retour en arrière avec une agriculture à la qualité et aux rendements incertains. Mais c’est déconsidérer les ...
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