On sait quand débute l’insécurité terroriste, mais nul ne peut en prévoir la fin. Et il faut, juste, une réelle confiance en soi pour prétendre circonscrire ce fléau à une échéance prévisible.
À Seytenga, le bilan est lourd : 86 civils massacrés par des jihadistes, qui avaient pris leur temps, pour parachever l’horreur qui a plongé le Burkina Faso dans la perplexité. Qu’adviendra-t-il de la junte, si ces terroristes continuaient de massacrer ainsi, étant donné que c’est pour en finir avec ces massacres à répétition que les militaires avaient, en janvier dernier, renversé le président Roch Marc Christian Kaboré ?
À l’évidence, il était présomptueux, de la part de cette junte, de justifier son putsch par ce qu’elle considérait comme l’incapacité du président Kaboré à protéger les populations contre la violence des jihadistes. Le lieutenant-colonel Sandaogo Damiba pensait pouvoir faire mieux. Mais, au rythme auquel vont les tueries, des questions gênantes vont se poser à lui. À quoi sert-il de mettre un coup d’arrêt à la vie démocratique de la nation, pour passer le plus clair de son temps à constater les massacres, comme celui qu’il a chassé du pouvoir ?
Un auditeur de RFI s’est même offusqué, cette semaine, de ce que ces officiers n’en finiraient pas de se partager les postes juteux à Ouagadougou. Si c’était vrai, comme ce serait désespérant !
Il existe, dans cette partie de l’Afrique, une espèce de fourmis, dites légionnaires, que l’on appelle aussi fourmis magnans. Lorsqu’elles envahissent votre maison, votre capacité de riposte est amoindrie. Même lorsque vous croyez vous en être débarrassé, il en surgit encore, des coins et recoins, qui vous piquent, et cela fait très mal. Le terrorisme auquel est confronté le Burkina, comme, du reste, le Mali et le Niger, est comme les fourmis magnans ! Quand elles sont dans la demeure, il faut de la patience, de la rigueur et de la persévérance, pour venir à bout.
Il n’empêche que c’est sous Roch Marc Christian Kaboré que ce terrorisme s’est installé au Burkina, vous en convenez ? Qui donc a « convié » les jihadistes au Burkina ? Kaboré a été élu président le 29 décembre 2015. Le colonel Isaac Zida, « numéro deux » du RSP (la garde présidentielle de Blaise Compaoré) et miraculeusement Premier ministre du Faso depuis la chute de son patron, quitte ses fonctions, le 6 janvier 2016. Neuf jours plus tard, le 15 janvier, trois attentats violents frappent, en plein centre de Ouagadougou, dont Le Cappuccino, et l’hôtel Splendid. Ce dispositif terroriste avait forcément été mis en place bien avant l’élection de Kaboré. D’ailleurs, on apprendra que certains jihadistes avaient table ouverte à Ouaga 2000 depuis des années.
À ceux qui s’étaient étonnés de voir à la tête du gouvernement né de l’insurrection le « numéro deux » de la garde du président déchu, les stratèges de l’insurrection expliqueront que c’était le seul moyen de s’assurer que d’autres militaires ne songent à déstabiliser cette transition. Peut-être qu’à force de surveiller ses propres camarades militaires, Zida a oublié de protéger le pays contre la menace jihadiste, pour léguer aux civils un Burkina des plus vulnérables, et déjà gangrené par les fourmis magnans.
Le président Kaboré n’aurait-il donc aucune responsabilité dans l’aggravation du mal ? Si ! Forcément, puisqu’il a passé six années au pouvoir. Mais, à force d’instrumentaliser son incompétence supposée, ses détracteurs avaient fini par installer la question du terrorisme au cœur d’un profond malentendu. Certains pensaient même qu’il suffirait que le Grand-frère revienne d’Abidjan pour que l’ordre règne au Burkina. Mais, non ! Ce sont des fourmis magnans ! Si vous les laissez entrer, elles mutent, se reproduisent. Souvenez-vous de l’Algérie ! Bien qu’ayant une armée puissante, combien d’années a-t-il fallu à Alger pour venir à bout du terrorisme ?
Pour déplorer l’obstination de certains Africains à refuser d’aborder frontalement les problèmes, notre ami Sidy Diallo aimait s’exclamer ainsi : « Ah ! la vie des Noirs ! » De manière plus explicite, Aimé Césaire, lui, déplorait l’habileté de certains à mal poser les problèmes pour mieux légitimer les odieuses solutions qu’ils leur apportent.