En France, l'Aide sociale à l'enfance du département du Nord est à nouveau pointée du doigt. À côté de Dunkerque, une soixantaine de mineurs étrangers ont été placés sans accompagnement dans un hôtel désaffecté. Sans école, sans formation, sans activités ludiques pour occuper leur journée, ces jeunes exilés sont livrés à eux-mêmes depuis plusieurs mois alors que cet hébergement devait n'être que provisoire. La Ligue des droits de l'homme a saisi la Défenseure des droits pour leur venir en aide. De l'extérieur, cet ancien hôtel Formule 1, près de Dunkerque, n'a pas beaucoup changé. Certes, l'enseigne qui surplombait la façade a été démontée et les clients n'y viennent plus. Mais les chambres de ce bâtiment en crépi jaune pâle qu'on aperçoit au bord de la route sont toujours occupées.Sur le rebord des fenêtres, des baskets et des vêtements d'adolescents sèchent au soleil. 60 à 80 jeunes mineurs non accompagnés y sont hébergés, selon l'antenne locale de la Ligue des droits de l'homme (LDH). Sabine Donnaint, sa présidente, est allée sur place au mois de mai. « Le premier contact que j'ai eu, c'est deux jeunes, un Afghan et un Malien, qui étaient là depuis quatre mois déjà, donc sans avoir réalisé les tests pour pouvoir aller à l'école, et eux, c'est ce qu'ils voulaient : aller à l'école, pouvoir avoir une formation. On leur disait que ce n'était pas possible parce qu'ils ne savaient pas s'ils allaient rester sur le dunkerquois ou être envoyés aux quatre coins de la France. »L'un des jeunes témoigne via un message WhatsApp envoyé à RFI : « Je ne vais pas à l'école, je ne fais rien... Même la nourriture, c'est un problème, les habits, on ne m'en donne pas, on n'est pas bien vêtus, même les chaussures, on ne nous en donne pas… On souffre ici. »En France, lorsqu'un jeune exilé est évalué mineur, c'est l'Aide sociale à l'enfance qui prend le relais. Elle est pilotée par les départements et se charge de trouver un logement et de l'inscrire à l'école ou en formation. Mais dans cet ancien hôtel, aucun de ces dispositifs n'a été mis en œuvre. « À chaque fois, ils nous disent qu'ils ne peuvent rien faire tant qu'on n'a pas encore été transférés, qu'on ne peut pas partir à l'école et qu'on ne peut pas s'occuper de nous, témoigne le même jeune, toujours via WhatsApp. Quand on se réveille le matin, on va prendre notre petit-déjeuner à 8 h, dès qu'on a fini de manger, on rentre dans notre chambre, on va se coucher. Nous sommes deux dans la chambre, on ne fait rien ici, on vit très mal ici. »À lire aussiFrance: l'errance des mineurs isolés étrangers cherchant à faire reconnaitre leur minoritéDes jeunes qui redoutent de recevoir une OQTF pour leur 18ᵉ anniversaireL'association Coallia, qui est conventionnée pour accompagner ces mineurs, n'a que partiellement répondu aux questions de RFI. Selon elle, il est « difficile de mobiliser les établissements scolaires » puisque les jeunes ne sont censés rester sur ces dispositifs que pour cinq jours maximum. Pourtant, ceux que nous avons contactés sont là depuis au moins quatre mois et ont loupé la rentrée scolaire. Coallia assure également que « l'équipe encadrante propose des activités aux jeunes », sans préciser lesquelles. Interrogé à ce sujet cette semaine, un autre adolescent dément : « Il y a des cours de français à la Médiathèque, ils ont commencé ça hier », mais rien d'autre. L'association reconnait que les activités sont « délicates à mettre en place, car la convention actuelle est reconduite par période de trois mois », ce qui poserait des problèmes de gestion des effectifs. Pas de réponse sur le nombre de personnels encadrants présents dans l'établissement, mais les mineurs qui y vivent disent ne pas pouvoir compter le nombre d'éducateurs qui se succèdent au quotidien, embauchés pour des contrats très court, parfois à la journée. À lire aussiComment accélérer la scolarisation des mineurs non accompagnés en France ?« Pour ces mineurs, il y a un enjeu qui est totalement déterminant, affirme Bernard Champagne, co-président de la Ligue des droits de l'homme à Dunkerque, très préoccupé par cette situation. Quand ils vont avoir 18 ans, l'obtention de leur titre de séjour est aussi tributaire du parcours scolaire éducatif dans lequel ils sont. S'ils n'y sont pas, il y a une argumentation ouverte par la préfecture en disant qu'ils ne sont pas dans un processus d'intégration et d'insertion et donc, qu'ils n'auront pas de titre de séjour. » Il ironise : « En revanche, avec délicatesse, on leur offre une OQTF. »Et c'est cette OQTF, cette obligation de quitter le territoire, que redoutent certains de ces jeunes, coincés à l'hôtel, alors que leur 18ᵉ anniversaire approche à grands pas.Dans ce département, les travailleurs sociaux estiment que 1 000 enfants sont en attente...