L’Assemblée nationale française discutera bientôt d’une proposition de loi relative au « narcotrafic ». Mais selon l’association de défense des libertés en ligne, la Quadrature du Net, le champ d’application de ce texte législatif est si large qu’il va bien au-delà de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Il concernerait également la surveillance numérique et à terme la répression des mouvements militants. Si elle était adoptée, cette loi hisserait la France en tête des pays les plus avancés au monde en matière de surveillance numérique, dénonce l’ONG. C’est la raison pour laquelle la Quadrature du Net a lancé une campagne de mobilisation pour lutter contre cette loi intitulée Narcotrafic. Le premier objectif de l’association est d’informer sur le contenu de ce texte, afin qu’il soit compréhensible par le plus grand nombre. Puis d’inciter les citoyens à interpeller leurs députés sur le sujet, avant l’examen de la proposition de loi à l’Assemblée nationale.Cette loi inclut de nouvelles techniques de surveillanceL’ONG indique que cette proposition de loi inclut de nouvelles techniques de surveillance qu’elle considère comme particulièrement intrusives. Comme des dispositifs d’espionnage des caméras et des micros des personnes à leur insu, en passant par le piratage de leurs appareils. Elle prévoit l’obligation pour les messageries chiffrées de donner accès au contenu des communications de l’ensemble des internautes.Mais cette surenchère législative qui s’est mise au service d’une surveillance numérique généralisée ne concernerait pas uniquement les trafiquants de drogue, précise Bastien Le Querrec. Le juriste de l’association de défense des libertés en ligne, la Quadrature du Net, explique : « Nous appelons les citoyens et les citoyennes à se mobiliser et à appeler leurs députés parce que ce texte va être très prochainement débattu à l’Assemblée nationale. La France n’est pas la seule à vouloir augmenter ses capacités de surveillance numérique, en revanche, sur un certain nombre de dispositions, cette loi narcotrafic est inédite. Notamment puisque ce texte s’attaque à la protection des messageries chiffrées comme WhatsApp ou Signal en exigeant de mettre en place des portes dérobées logicielles. C’est-à-dire de favoriser un accès distant à la police, au contenu des communications des internautes malgré les protections techniques qui existent par défaut sur ces systèmes. »Et Bastien Le Querrec de poursuivre : « C’est un texte qui vise, par exemple, à élargir les possibilités d’activer des micros sur les mobiles ou les ordinateurs, d’utiliser des drones pour scanner le domicile de n’importe quelle personne considérée comme suspecte. C’est tout cet ensemble de dispositifs techniques intrusifs que l’on invite à rejeter. Et c’est la raison pour laquelle nous invitons aujourd’hui les citoyens et les citoyennes à se mobiliser contre ce texte. »Les gouvernements en guerre contre le chiffrementLa France n’est pas le seul pays européen à ordonner aux plateformes sociales de renoncer aux messages chiffrés. La firme Apple a dû finalement céder à la pression du Royaume-Uni en supprimant la possibilité offerte aux utilisateurs de sécuriser de bout en bout leurs données stockées sur iCloud depuis un iPhone ou un Mac. Un renoncement à la confidentialité des données privées qui inquiète les organismes et les sociétés spécialisées dans la protection de la vie privée sur Internet. Les responsables de la boîte de courriels sécurisés Proton, et son équivalent allemand Tuta, ou encore la présidente de la messagerie sécurisée Signal, ainsi que des ONG comme Privacy International, fustigent ces volontés gouvernementales de rendre les communications numériques transparentes.WhatsApp, propriété de Meta, a déjà fait savoir que d’abaisser le niveau de sécurité de son système de chiffrement contraindrait la firme à fermer son service en Europe.À écouter dans Les dessous de l'infoxL'étau de la régulation se resserre autour des réseaux sociaux et des messageries cryptées