Dimanche 8 septembre, le monde entier célèbre la Journée internationale de l’alphabétisation. On en parle avec vous Bergedor Hadjihou, vous êtes Chargé de recherche et membre du groupe de réflexion Citoyen pour l’Afrique de l’Ouest, Wathi. Oui. Selon l’Unesco, une personne est considérée comme analphabète lorsqu'elle est incapable de lire et d'écrire, en le comprenant, « un exposé bref et simple de faits qui ont trait à sa vie quotidienne ». Le taux d'alphabétisation indique donc le pourcentage d'adultes âgés de plus de 15 ans qui n'entrent pas dans cette définition.En plus du défi des millions d’enfants non scolarisés, plusieurs pays ouest-africains sont confrontés à des taux d’analphabétisme élevés de leurs populations. En 2020, 60 millions sur environ 208 millions de Nigérians, soit près de 30 % de la population ne savaient ni lire ni écrire dans aucune langue, selon la Commission nationale pour l’alphabétisation de masse. Le taux d’alphabétisme est tout aussi faible au Mali, (31 %) et au Niger (38 %). Il est de 47 % au Bénin, mais de 80 % au Ghana, un bon exemple dans la région.À lire aussi«Trop d’enfants reçoivent un enseignement dans une langue qu’ils ne comprennent pas»En effet, dans les systèmes éducatifs africains, la réalité des apprentissages pose problème. En Afrique de l’Ouest, près de 50 % des enfants n’ont pas les compétences attendues à la fin du premier cycle. En Côte d’Ivoire, seulement 17 % des enfants de 10 ans sont capables de lire et de comprendre un texte adapté à leur âge. Ce taux est estimé par l’Unesco à 26 % au Burkina Faso et 31 % au Sénégal. Ce phénomène de retard dans la compréhension des programmes étudiés induit un décrochage plus fréquent et réduit les chances d’améliorer le taux d’alphabétisation, même à moyen terme. Et pour inverser la tendance en Afrique et partout dans le monde, l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture, pour cette édition 2024 de la Journée internationale de l’alphabétisation, demande aux États de promouvoir une éducation multilingue basée entre autres sur l’alphabétisation dans la langue maternelle. Tout à fait. On peut être analphabète en français ou en anglais, mais ne pas l’être véritablement si on sait lire et comprendre un texte dans sa langue maternelle. À côté des langues officielles héritées de la colonisation, les autres langues nationales peuvent permettre d’améliorer l’apprentissage à l’école. Des études montrent que les enfants qui reçoivent un enseignement dans leur langue maternelle et quotidienne ont 30 % de chances en plus que les autres de savoir lire à la fin de l’école primaire. Hamidou Seydou Hanafiou, docteur en linguistique et sciences du langage et enseignant-chercheur à l’université Abdou Moumouni de Niamey, que nous avons reçu lors d’une de nos tables rondes sur l’éducation, a rappelé que : « le continent africain est la seule partie au monde où dans beaucoup de pays, les enfants commencent leur éducation avec une langue qui n’est pas celle qu’ils parlent à la maison. »Que faire alors pour s’assurer de donner la priorité à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dans les pays d’Afrique de l’Ouest ? Mettre en œuvre des politiques nationales dotées d’un budget autonome, et destinées à restaurer l’intérêt notamment pour la lecture, la culture, la connaissance, au sein de toutes les classes sociales. Cela avec la création de réseaux nationaux de petites bibliothèques et médiathèques pourvues d’une connexion internet de qualité. C’était l’une des recommandations formulées par Wathi déjà en 2016. Cela reste de notre point de vue essentiel tout comme les programmes d’alphabétisation des adultes. Les investissements dans le développement des aptitudes des enfants et des adultes sont moins visibles et politiquement rentables que les investissements dans les infrastructures physiques, mais ils sont vitaux.À lire aussiÉtat des lieux de la privatisation de l’éducation en Afrique francophone: Madagascar, Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire►Pour aller plus loin : Mataki n°4 WATHI : Comment améliorer la qualité de l’enseignement primaire et secondaire dans les pays de la région ?Le défi du financement d'une éducation de masse et de qualité en Afrique de l'Ouest