Le dirigeant biélorusse Alexandre Loukachenko a gracié lundi 37 personnes emprisonnées pour « extrémisme », un terme employé pour qualifier les opposants. Mais des centaines d’autres restent derrière les barreaux, certains avec de graves problèmes de santé. C’est le cas de l’une des figures du mouvement de protestation de 2020, Maria Kolesnikova. La co-lauréate du prix Sakharov, a passé quatre ans en prison, dont un an et demi à l'isolement, sans communication avec le monde extérieur. Aux dires de celles qui sont passées par la prison pour femmes n°4 de Gomel, elle continue à sourire à celles dont elle arrive à croiser le regard. Mais elles sont peu nombreuses. Maria Kolesnikova, condamnée à onze ans de réclusion, est détenue dans un isolement quasi complet, privée de tout contact avec le monde extérieur. Sa famille n’a plus de nouvelles directes depuis un an et demi. Du fait, sans doute de ces conditions de détention éprouvantes, la jeune femme de 42 ans a subi une intervention chirurgicale à l'estomac en 2022, qui lui a fait perdre 15 kg. Aujourd’hui, elle n’en pèserait plus que 45 alors qu’elle mesure 1,75 m, selon les témoignages d’anciennes prisonnières ayant recouvré la liberté, récoltés par sa sœur. « Lorsqu’ils la déplacent, elle est toujours sous la garde de six agents de sécurité. Ils créent une sorte de vide autour d’elle. Et quand ils doivent l’emmener en dehors de la prison, ils instaurent une sorte de loi martiale, avec interdiction pour les prisonnières de regarder par les fenêtres », relate Tatsiana Khomich, jointe par téléphone dans un lieu qu'elle préfère ne pas dévoiler. Selon sa sœur, Maria est détenue dans une cellule disciplinaire d’environ 4m², seule, et souffre de malnutrition. « J’ai très peur, je ne comprends pas pourquoi ils font cela, pourquoi ils exercent une telle pression sur elle et la maintiennent à l’isolement. Pourquoi faire mourir une personne de faim ? », s’inquiète Tatsiana Khomich.« La décision d'être libre exige de prendre ses responsabilités », avait affirmé l’opposante dans un entretien à la BBC à l’été 2020. Cheveux blonds coupés court, large sourire aux lèvres souvent rehaussées de rouge, Maria Kolesnikova s’était imposée comme l’une des figures du trio féminin emmené par la candidate à la présidentielle d’août 2020, Svetlana Tikhanovskaïa. Si cette dernière avait réussi à quitter le pays sur fond de répressions après les manifestations contre la réélection contestée d’Alexandre Loukachenko, Maria Kolesnikova avait été arrêtée quelques jours plus tard. Les autorités avaient alors tenté de l'expulser du pays, en l’emmenant de force à la frontière, mais elle avait résisté, déchiré son passeport et refusé de quitter la Biélorussie.« Je n’ose imaginer ce qu’elle traverse »Avant de revenir en Biélorussie où elle a pris part au mouvement démocratique en 2020, Maria Kolesnikova, qui menait une carrière de flûtiste, a vécu en Allemagne. En 2016, elle y a intégré le trio de musique contemporaine Vis-à-vis à Stuttgart. « Elle me disait toujours, tu sais, dans mon pays si tu fais quelque chose de travers ou si tu dis quelque chose qui heurte le pouvoir, tu vas en prison. Elle avait conscience des conséquences de ses actes », se souvient la chanteuse de l’ensemble, Natalia Lopez, qui organise régulièrement des concerts en hommage à son amie emprisonnée. « Aujourd’hui, je n’ose imaginer ce qu’elle traverse. Je sais que Loukachenko libère des gens, mais je pense que Maria n’en fait pas partie ». Ces deux derniers mois, le régime biélorusse a gracié plus de cent prisonniers politiques, dont certains avec des problèmes de santé. Mais les figures de l’opposition telles que Maria Kolesnikova, Viktor Babariko, le candidat arrêté avant la présidentielle, dont elle avait dirigé la campagne ou Serguei Tikhanovsky, continuent de purger leurs peines dans des conditions difficiles.« Alexandre Loukachenko comprend qu’ils constituent une menace pour lui et en tout cas, il fixerait un prix à payer pour leur libération que les pays occidentaux jugeraient probablement trop élevé », estime Pavel Slunkin, ancien diplomate biélorusse qui vit en exil. « Maria possède un grand capital social, c'est une politicienne aimée et admirée. À l’inverse, Alexandre Loukachenko ne peut se vanter d’aucun coup d’éclat, il n’a pas déchiré son passeport. C’est quelqu’un qui vit protégé derrière de hauts murs, il n’a pas l’image d’un héros. Et je pense qu’il ressent de la jalousie envers ces personnalités et qu’il a un besoin de se venger », avance l’ancien haut fonctionnaire biélorusse. Selon les estimations des ONG, plus de 1 400 personnes sont détenues en Bélorussie pour des motifs politiques. Tatsiana Khomich, garde l’espoir d’une grâce ...
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