Elle vient tout juste d’avoir son diplôme mais elle a déjà une sacrée expérience politique. Dasha Navalnaïa est notre Européenne de la semaine. La fille aînée d’Alexeï Navalny, l’opposant russe mort en détention en février dernier, s’est engagée dans le prolongement du combat mené par son père jusqu'à prêter main forte à la campagne de Kamala Harris. En 2023, âgée d’à peine 23 ans, Dasha Navalnaya donne une conférence Ted en Géorgie et se met dans les pas de son père. Alexeï Navalany était à l’époque encore en vie dans sa prison : « Si être la fille de mon père m'a appris quelque chose, c'est de ne jamais céder à la peur et à la tristesse. La Russie est ma maison et je vous le promets : je continuerai à m'exprimer, à dire la vérité et à me battre jusqu'à ce que la Russie devienne un pays libre et démocratique. Libérez Alexeï Navalny ». C’est aussi elle qui reçoit au nom de son père le prix Sakharov au Parlement européen en 2021. Très jeune mais déjà très politique. À tel point qu’elle est aujourd’hui l’une des rares voix de l’opposition russe en exil.D'étudiante en Californie à soutien de Kamala HarrisSon vrai prénom est Daria mais tout le monde la connaît sous son diminutif Dasha. Elle vient de finir ses études dans la prestigieuse université américaine de Stanford en Californie après une enfance évidemment particulière. La première fois que la police est entrée dans l’appartement familial, elle avait 10 ans. « C'est l'engagement politique de son père au péril de sa vie qui est le fait le plus marquant de cette enfance », note Cyrille Bret chercheur à l’institut Montaigne, spécialiste de la Russie. « Cela détermine sa prise de position dans la politique russe bien sûr, mais aussi dans la politique américaine ». Son diplôme de psychologie et de sciences politiques en poche, Dasha Navalnaya a fait un choix surprenant : elle vient de s’engager pour Kamala Harris. Pour s’occuper de sa campagne en Pennsylvanie comme nous l'apprend le journal britannique The Times. Militante de terrain Dasha Navalnaya est « field organiser », une coordinatrice sur le terrain chargée d'organiser la mobilisation des électeurs et l’animation des sections locales du parti démocrate. Depuis le mois d’août, elle s’est engagée en Pennsylvanie, un État clé pour l’élection de novembre. Un premier job annoncé discrètement sur son compte Linkedin. Si elle n’a pas soutenu officiellement Kamala Harris, c’est quand même un choix surprenant, même pour le chercheur Cyrille Bret : « c'est évidemment un engagement politique dans la continuité des valeurs défendues par son père. Mais en même temps, c'est une façon de s'ancrer dans le paysage politique américain, ce qui risque de la discréditer assez durablement sur la scène politique russe ».Quel rôle en Russie ? À l'étranger, c’est déjà l’une des principales figures anti-Poutine, aux côtés de sa mère. Dasha Navalnaya a donné plusieurs interviews marquantes, au magazine allemand Spiegel ou la télé américaine CNN. Elle a aussi mené une série d’entretiens très politiques avec des jeunes sur sa chaîne YouTube. Mais c’est surtout sur son compte Instagram et avec ses 264 mille followers que Dasha partage sa vie quotidienne d’une jeune de son temps, malgré les menaces qui pèsent sur elle. Alors peut-elle vraiment jouer un rôle politique en Russie en vivant aux États-Unis ? « Si elle voulait jouer un rôle politique actif en Russie, c'était plutôt le chemin du martyr de son père qu'il aurait fallu suivre », relève le chercheur Cyrille Bret. « Pour qu’une figure de ce type-là, de l'exil, diplômé de Stanford, ait un rôle politique en Russie, il faudrait tout simplement qu'il y ait un changement de régime à Moscou ». On se pose la même question pour sa mère Ioulia. Et c’est difficile de mesurer auprès des Russes l’impact des prises de paroles de la veuve de Navalny, qui vit cachée quelque part en Europe. Pour Cyrille Bret, les jeunes russes, même s’ils entendaient Dasha Navalnaya, ne la suivraient probablement pas : « La population jeune des grands centres urbains de Russie est évidemment plus enclin à rejoindre la contestation du régime. Mais c'est intégralement une génération Poutine. C'est Vladimir Poutine qui a façonné la culture politique du pays. Et cette culture politique est aujourd'hui faite pour rendre inaudible toute parole qui viendrait de l'étranger ». Dasha Navalnaya, elle, l’assure, elle retournera vivre un jour à Moscou, sa ville préférée.