L'Espagne lance sa première autoroute ferroviaire ! À raison de quatre départs par semaine, des camions de marchandises prendront le train entre Madrid (la capitale) et Valence, au sud-est du pays, la ville étant reliée à un port. Pour le ministre espagnol des Transports, c'est promis, l'Espagne veut rattraper son retard au sein de l'Europe. D'autres autoroutes ferrées du même type, alliant le train et le routier, s'ouvriront en Espagne. L'Europe a financé la majorité des travaux. Dans sa lutte pour protéger la planète, Bruxelles ambitionne de dépasser sa moyenne actuelle, 18% du transport de marchandises effectué par le train. Pour Solène Garcin-Berson, déléguée générale de l'AFRA, l'Association française du rail, le transport est une question de volonté politique et chaque pays doit s'engager.
RFI : Comment avez-vous reçu la nouvelle de cette première autoroute ferrée en Espagne ?
Solène Garcin-Berson : Bien, évidemment ! Mais il faut savoir que l’Espagne ne fait que rattraper son retard en la matière. Juste une précision concernant le transport multimodal (plusieurs modes) de marchandises : il existe deux possibilités, le wagon chargé de marchandises (de céréales, d’objets lourds, de matières dangereuses…) ou bien les camions remplis, directement embarqués sur les rails.
En Europe, les experts comme vous s’alarment en disant que c’est un comble d'être en 2024 et de ne pas avoir de maillage de transport de marchandises par le train capable de traverser l’Europe de bout en bout...
Effectivement, mais pour vous rassurer, l’Europe est décidée et ce maillage, même incomplet, est une volonté politique de la part de Bruxelles. Elle finance des travaux comme en Espagne, votés dans sa loi Climat. C’est à chaque gouvernement maintenant de s’engager et d’être partenaire.
Vous soulignez que la France a beaucoup à faire elle aussi…
En France, seulement 10% des marchandises sont transportées par le train. La moyenne européenne est à 18%. Il ne s’agit pas de passer du tout routier au tout train, il faut savoir aujourd’hui adapter chaque transport aux routes les moins polluantes. Or, un train, c’est 40 camions de moins sur la route, 9 fois moins de pollution au CO2.
Sur le continent, les champions du train sont les Suisses, ils ont su développer leurs autoroutes ferroviaires en fonction des besoins des usines et de la géographie du pays.
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Aux pays africains qui souhaitent construire des voies ferrées de marchandises, les ingénieurs recommandent maintenant de les relier le plus possible aux ports maritimes, c’est une bonne stratégie ?
Oui, quels que soient le pays et le continent. Pour les distances longues, les marchandises doivent être transportées par le train de façon à n’avoir besoin des routes que pour les premiers et derniers kilomètres entre les usines et les centres de déstockage.
Vous aimez parler de squelette ferroviaire...
Il est grand temps de réparer, de construire et d’entretenir ce maillage que j’appelle squelette, parce qu’il est central, c'est celui sur lequel le cœur du transport repose. Notre ambition européenne de protection de la planète passera par les voies ferrées. À l’avenir, les conteneurs et les camions doivent voyager par cette colonne vertébrale, solide, peu polluante et rapide.
Le réseau européen ferré a été délaissé ces dernières années ?
Oh que oui ! Appauvri dans les années 70/80. La France, par exemple, a privilégié le transport de passagers avec des lignes spécialement construites pour les TGV, les Trains grande vitesse. Il faut que les lignes de fret (de marchandises) soient réhabilitées ou construites. Elles doivent être les priorités de nos politiques.
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