• L'isolationniste Trump fera-t-il payer Taïwan pour sa défense?
    Nov 7 2024

    Que changera le second mandat de Donald Trump pour les alliés américains en Asie ? Que ce soit Taïwan, le Japon ou la Corée du Sud, tous ces pays ont félicité le vainqueur des élections présidentielles américaines en souhaitant que l'alliance étroite avec Washington continue et se renforce à l'avenir. Mais la crainte est là : pendant sa campagne, l'isolationniste Donald Trump a rappelé que les pays d'Asie profitant du « parapluie » de protection américain devraient plutôt compter sur eux-mêmes. Et il a notamment exhorté Taïwan à payer pour se défendre contre la Chine. L'expert en géopolitique, Emmanuel Véron, enseignant-chercheur associé à l'Inalco, répond à Heike Schmidt.

    RFI : Avec Donald Trump à la Maison Blanche, l'île de Taïwan doit-elle craindre de perdre son plus important allié face à une Chine de plus en plus menaçante ?

    Emmanuel Véron : Taïwan est un sujet absolument fondamental dans la rivalité sino-américaine, notamment au regard des pressions chinoises qui sont quotidiennes. Et dans ce cadre-là, rappelons le maintien dans le temps des garanties de sécurité américaines, notamment le Taiwan Relations Act qui a été signé et dicté en 1979. Depuis 1979, ce cadre-là juridique et de soutien des garanties américaines s'est maintenu avec une certaine agilité dans la durée, avec de la formation, du matériel, parce que la Chine vise à neutraliser ce type de soutien. Maintenant, effectivement, l'administration Trump regardera les liens d'interdépendance, notamment sur des microprocesseurs, des semi-conducteurs et des technologies avancées taïwanaises, sans pour autant abandonner Taïwan. L’administration américaine n'a aucun intérêt à abandonner Taïwan et à favoriser stratégiquement une Chine qui souhaite complètement dépasser la puissance américaine d'ici 5 à 10 ans. Donc, on a ce jeu-là où Taïwan est un peu le centre de gravité de cette relation sino-américaine.

    Et qu'en est-il alors de la menace de Donald Trump de faire payer plus cher les armes américaines livrées à Taïwan ?

    Le sujet effectivement des montants dans les échanges, et notamment dans le soutien militaire, a été abordé. La question est en négociation bien évidemment. Mais derrière, ce qui est intéressant, c'est la toile de fond stratégique où il y a un intérêt particulièrement fort à garantir la sécurité et à soutenir Taïwan dans sa singularité dans les relations internationales.

    La Chine peut-elle espérer toutefois un désengagement américain de l’Indopacifique pour renforcer sa mainmise sur cette région ?

    Quand on regarde le premier mandat de Donald Trump, il y a l'installation d'un vrai sujet, d'une vraie politique vis-à-vis de la Chine, et notamment par le fait du renforcement précisément des alliances stratégico-militaires en Asie-Pacifique avec le Japon, la Corée du Sud, Taïwan que l'on évoquait, mais aussi des Philippines. Ça veut dire renforcement des exercices conjoints, renforcement des liens diplomatiques, y compris dans le domaine du renseignement, bref, parce que c'est une priorité stratégico-militaire pour les États-Unis. Et donc on voit assez mal l'administration Trump revenir sur ces sujets-là. Donc il est au contraire à observer de près le renforcement de ces mêmes liens avec un complément de militarisation, un complément du renseignement avec ces pôles de puissance asiatique que sont le Japon, la Corée du Sud ou des pays intermédiaires comme les Philippines associées auxquelles on retrouvera l'Australie et l'Inde, et on vient ici sur des nouveaux « minilateralism », d'organisations internationales telles que Aukus, qui sont des partenariats stratégico-militaires et commerciaux.

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  • Présidentielle américaine: le Japon vote Kamala Harris
    Nov 4 2024
    Les Japonais votent Kamala Harris à l’élection présidentielle américaine. Ils gardent un mauvais souvenir du premier mandat de Donald Trump. Pour eux, l’ancien président n’a pas changé. Il agite toujours son « America first », l’Amérique d’abord. Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, les Japonais craignent, avec un éventuel retour de Donald Trump à la Maison Blanche, un désengagement de l’Amérique de l’Asie et de l’Europe. Pour le plus grand bénéfice de la Chine et de la Russie, deux puissances considérées comme une menace directe pour la sécurité du Japon. de notre correspondant à Tokyo,Les Japonais dépendent pour leur sécurité de l’alliance avec les États-Unis, mais ils doutent de la fiabilité de Donald Trump dont l’admiration pour des autocrates comme Xi Jinping, Vladimir Poutine et Kim Jong-un n’est pas un secret. Le Japon répète que ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine pourrait survenir demain en Asie de l’Est autour de Taïwan. Trump laisse planer un doute sur une intervention américaine si Taïwan était envahie par la Chine. De toute façon, dit-il, Taïwan nous a déjà pris toutes nos activités dans les semi-conducteurs.Le Japon craint que Donald Trump ne conclue des « deals », des accords de sécurité avec la Chine au détriment de Taïwan, et avec la Russie pour mettre fin à son agression de l’Ukraine. L'administration Biden, elle, a déclaré qu’il se porterait au secours de Taïwan si la Chine réunifiait l’île par la force. Kamala Harris poursuivra la même politique. Pour le Japon, l’invasion russe de l’Ukraine a un caractère global. C’est une confrontation entre démocraties et autocraties. Mais allez expliquer ça à Donald Trump.À lire aussiLe Japon et l'Union européenne annoncent un nouveau pacte sur la sécurité et la défenseAutre peur des Japonais en cas de victoire de Donald Trump : un durcissement du protectionnisme américainDonald Trump promet de nouveaux droits de douane pour tous les produits importés aux États-Unis, et jusqu'à 100 % pour certains produits chinois. Il s’oppose au rachat du fleuron américain de l’acier United Steel par le Japonais Nippon Steel. Mais, à la décharge de Donald Trump, l’administration Biden n’est pas moins protectionniste. Et Kamala Harris est décidée à bloquer, elle aussi, le rachat de United Steel. Lors de son premier mandat, Donald Trump avait exhorté le Japon à découpler son économie de celle de la Chine. En rapatriant ses usines au Japon ou en les déplaçant au Vietnam, ailleurs en Asie. Le Japon est pris entre sa fidélité à son allié et protecteur américain et une Chine qui absorbe plus du quart des exportations japonaises.À lire aussiPrésidentielle américaine: une élection à forts enjeux commerciaux et diplomatiques pour la ChineLe Japon souhaite une victoire de Kamala Harris dans cette présidentielle américaine tout en se préparant à un éventuel retour de Donald Trump au pouvoirEn avril dernier, l’ancien Premier ministre Taro Aso a rencontré à New York Donald Trump pour reprendre contact. Le Japon sait courtiser Trump. Flatter son ego. Dérouler le tapis rouge devant lui. Donald Trump n’a pas trop maltraité le Japon durant sa présidence. Le Japon avait accéléré ses investissements vers l’Asie du Sud-Est plutôt que vers la Chine. Le Japon a su s’adapter à son imprévisibilité. Tout en défendant ses intérêts.
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  • Quelle présence militaire nord-coréenne en Russie?
    Nov 1 2024
    Alors que la Corée du Sud, l’Ukraine et les États-Unis assurent qu’au moins 10 000 soldats nord-coréens se préparent à aller combattre aux côtés des troupes russes, Moscou comme Pyongyang continuent de le nier. La Corée du Nord a en même temps effectué jeudi 31 octobre le tir d’un nouveau missile balistique intercontinental. Des preuves concrètes pourraient émerger rapidement, car le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken assure que 8 000 nord-coréens seraient déjà dans la région russe de Koursk, à la frontière avec l'Ukraine. Une guerre se joue aussi sur le front médiatique. Le feuilleton des soldats nord-coréens en est illustration parfaite. Et les seules informations viennent des renseignements des ennemis de Moscou et Pyongyang. Au moins 10 000 soldats nord-coréens en Russie, camouflés derrière des équipements russes selon le Pentagone. À en croire les services de Séoul et Kiev, ils pourraient être 19 000 hommes à débarquer sur le sol russe.À écouter aussiLa Corée du Nord déploie ses soldats sur le front russe «en échange d'aide financière»Des forces spéciales fortes de 200 000 soldatsAu sein de la gigantesque armée populaire de Corée, composée d’1.5 million d’hommes et de 7 millions de réservistes, Pyongyang n’aurait pas envoyé de simples conscrits. Avec 10 ans de service militaire pour les hommes et cinq à huit pour les femmes, la guerre est l’affaire de tout le monde en Corée du Nord. Mais d’après les renseignements sud-coréens, le leader du Nord Kim Jong-un aurait déployé ses troupes d’élite : une à deux unités des forces commandos du 11ème corps d’armée. Des soldats jeunes, en début de vingtaine, entrainés et sur-préparés à des interventions rapides et efficaces. Des hommes de confiance du régime qui présentent en théorie un risque de défection moins important qu’un soldat de base.D’après un rapport des renseignements militaires américains, ils bénéficient des meilleurs équipements du pays, que ce soit en termes de parachutes, d’avions, d’explosifs. En tout, près de 200 000 soldats composeraient les forces spéciales nord-coréennes, au sein de la marine, l’armée de l’air et l’armée de terre.Bien loin de l’image d’une armée d’hommes trop petits, mal nourris et sous-équipés souvent véhiculée dans la presse. L’arrivée de milliers ou de dizaine de milliers de soldats nord-coréens en Ukraine et/ou dans la région de Koursk, n’est pas une menace à prendre à la légère. D’autant que l’armée nord-coréenne s’est modernisée. Son arsenal balistique, développé quasiment sans aide extérieure, est impressionnant et sa capacité de production de munitions s’est maintenue à un niveau très élevé. Une nécessité pour un État qui vit au bord d’une reprise de la guerre depuis 1953.À lire aussiSoldats nord-coréens en Ukraine: quelles conséquences pour la péninsule ?Un entraînement nécessaire pour faire face aux drones et équipements de pointePour autant, cela ne signifie pas que ces forces d’élites, surement accompagnées par de l’encadrement et des ingénieurs militaires, sont préparées à se battre directement sur le front ukrainien. L’omniprésence de drones ou d’équipements de pointe n’est pas une donnée avec laquelle l’armée nord-coréenne a l’habitude de composer. D’où la nécessité de se préparer en Russie avant un potentiel « déploiement sur le front début novembre », d’après l’ambassadeur de l’Ukraine à l’ONU.Car il s’agit de la première vraie expérience de guerre pour l’armée nord-coréenne depuis la guerre de Corée (1950-1953). Durant la guerre du Vietnam, plus de 1 000 soldats étaient allés porter assistance aux hommes du leader communiste vietnamien Ho Chi Minh. Une quarantaine de pilotes du régime avaient aussi participé à la guerre du Kippour, aux côtés de l’Égypte. Si certains estiment que cette expérience de combat réel en Ukraine serait grandement bénéfique pour l’armée nord-coréenne, Jenny Town, directrice du site d’observation 38 North « est dubitative » : « Cela signifie que les troupes en train de s’entrainer et qui vont se battre vont rentrer chez eux. Je ne suis pas sûre que ce soit le scénario prévu. »À lire aussiPour l'Otan, l'envoi de troupes nord-coréennes en Ukraine serait «une escalade significative»
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  • L’ex-Premier ministre malaisien Najib Razak risque 185 ans de prison
    Oct 31 2024

    En Malaisie, le pillage du fonds souverain 1MDB continue de faire des vagues. Un tribunal de Kuala Lumpur a décidé que l’ancien Premier ministre Najib Razak devra se défendre pour abus de pouvoir et blanchiment d’argent liés à ce scandale de corruption aux ramifications planétaires. Ce verdict met fin aux espoirs de l’ex-homme fort de la Malaisie d’être acquitté dans ce que l’on appelle « l’escroquerie du siècle ».

    Devant les juges, Najib Razak, en costume bleu marine, a gardé son calme à l’annonce du verdict, ce 30 octobre. Mais ses avocats ont affirmé qu’il était extrêmement déçu, et qu’il continuerait à se battre. L’occasion se présentera le 2 décembre prochain : l’ex-Premier ministre devra se défendre contre quatre chefs d’accusation d’abus de pouvoir et 21 chefs d’accusation de blanchiment d’argent. Près de 480 millions d’euros auraient atterris sur le compte personnel de Najib Razak.

    Cette somme n’est pourtant que la partie émergée de l’iceberg. La justice américaine estime qu’en tout, plus de quatre milliards d’euros ont été siphonnés du fonds 1MDB entre 2009 et 2014. Najib Razak avait lui-même créé ce fonds souverain pour, disait-il, développer les infrastructures du pays. Mais une bonne partie de ces sommes colossales aurait en fait financé les goûts de luxe du couple Razak.

    12 000 bijoux dont un diamant rose ont été saisis

    12 000 bijoux dont un diamant rose acheté à New York pour 23 millions d’euros avaient été saisis au domicile de Najib Razak et de son épouse Rosmah Mansor, ainsi que plusieurs centaines de sacs à main et montres de luxe. Même le film hollywoodien Le loup de Wall Street, avec Leonardo DiCaprio dans le rôle principal, aurait été co-financé avec l’argent volé aux Malaisiens. Des enquêtes sont en cours notamment aux États-Unis, en Suisse et à Singapour.

    S’il est reconnu coupable, l’ex-Premier ministre aujourd’hui âgé de 71 ans risque 20 ans de prison pour chacun des quatre chefs d’accusation d’abus de pouvoir et cinq ans pour les 21 chefs d’accusation de blanchiment d’argent. Accumulé, cela signifierait une peine de prison de 185 ans.

    Actuellement, Najib Razak est déjà emprisonné pour un autre volet de cette même affaire. En 2022, il a été condamné à 12 ans de prison, une peine réduite en février de cette année à six ans.

    L’ex-Premier ministre, qui a perdu le pouvoir à cause du scandale 1MDB en 2018, a présenté ses excuses publiques la semaine dernière. Dans une lettre que son fils a lu devant la presse, Najib Razak a dit « souffrir chaque jour » de savoir que le fiasco de 1MDB s’est produit sous ses yeux, alors qu’il était ministre des Finances et Premier ministre. Mais il nie avoir eu connaissance d’agissements illégaux. L’argent provenait, a-t-il toujours clamé, de généreuses donations de la famille royale saoudienne.

    Le grand absent du procès : l’introuvable Jho Low

    L’homme soupçonné d’être le grand organisateur de ce phénoménal montage frauduleux reste, lui, toujours introuvable. Le financier Jho Low dont les soirées VIP étaient en vogue parmi des célébrités comme Paris Hilton, Lindsay Lohan ou encore Leonardo DiCaprio, aurait orchestré cette escroquerie du siècle pour dissimuler les détournements d’argent. Selon des rumeurs, il aurait trouvé refuge en Chine. La police a pu saisir son luxueux yacht « Equanimity » acheté en 2014 pour 230 millions d’euros. La Malaisie l’a ensuite revendu en 2019 pour la moitié de cette somme, mais au moins cet argent-là est revenu dans les caisses de l’État.

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  • Inde: pourquoi les États du sud appellent à relancer les naissances
    Oct 30 2024

    À la une en Asie aujourd’hui, le débat sur la relance de la natalité au sein de la première population mondiale, en Inde. Deux dirigeants des États du sud ont récemment appelé à faire plus d’enfants, alors que ces mêmes États ont longtemps limité les naissances. Décryptage.

    De notre correspondant en Inde,

    C’est une possible réforme parlementaire qui déclenche ces velléités natalistes, une réforme très polémique qui oppose les États du nord et du sud autour de la question démographique. En Inde chaque État envoie un certain nombre de députés au Parlement. Et comme la population des États varie de 1 million à 240 millions, ce nombre de députés est logiquement fonction de leur démographie. Sauf que la répartition actuelle est basée sur un recensement datant… de 1971 !

    Entretemps, la croissance démographique a été plus importante dans les États du nord et ils devraient donc bénéficier de plus de députés. Et c’est là que le conflit commence, car les États du sud s’opposent à cette réforme. Ils considèrent qu’ils ont joué le jeu du contrôle des naissances demandé par le gouvernement central et qu’il est injuste de les « punir » en diminuant leur représentation politique.

    Mais alors que la réforme est voulue par Narendra Modi, les États du sud menacent de relancer leur démographie pour gagner cette course au nombre de députés. C’est ainsi que le dirigeant de l’Andhra Pradesh a proposé un nombre minimum de deux enfants pour être candidat aux élections locales. Le dirigeant du Tamil Nadu a lui appelé les familles à faire seize enfants pour peser plus au Parlement !

    Une sorte de chantage à la démographie ?

    Il y a une part, sans doute de provocation, de la part d’États du sud qui s’estiment lésés par cette réforme, et ce même si l’Andhra Pradesh est un allié de la coalition du Premier ministre. Conditionner la participation à la vie démocratique au nombre d’enfants est une mesure qui semble absurde et probablement anticonstitutionnelle.

    Au-delà des ces sorties un peu choc, l’idée d’une course à la natalité a de quoi interroger dans un pays qui est déjà le plus peuplé du monde et où le chômage des jeunes faute d’emplois est le problème numéro un pour nombre d’électeurs ! Mais c’est justement le reproche qui est fait à cette réforme qui, en creux, donne une prime aux États qui ont laissé filer le nombre de naissances.

    Ce que tout cela raconte, c'est que le débat autour de cette loi prévue pour 2026 va être explosif. Et risque d’aggraver la fracture entre les États du nord et du sud qui est aussi économique : c’est souvent parce qu’ils sont plus pauvres que les États du nord ont eu plus de naissances, une règle que l’on observe plus ou moins sur toute la planète. Le gouvernement de Narendra Modi devra trouver un moyen de rassurer les États du sud d’autant que sur le fond, la nécessité de limiter la démographie fait, pour le coup, consensus dans tout le pays.

    À lire aussiEn Inde, l’atout démographique pourrait se transformer en fardeau

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  • Avec le Maroc, la Chine s'offre un pont vers l’Europe en réinventant ses partenariats stratégiques en Afrique
    Oct 29 2024

    Depuis que le Maroc a rejoint en 2017 l’initiative chinoise des Nouvelles routes de la soie, les relations entre les deux pays n’ont cessé de se renforcer, notamment dans les domaines des infrastructures, du commerce et des énergies renouvelables. L’attrait chinois pour le Maroc est donc indéniable, offrant à Pékin un pont vers l’Europe tout en réinventant ses partenariats stratégiques en Afrique.

    Les Nouvelles routes de la soie ont permis une augmentation massive des investissements chinois au Maroc. Les projets chinois touchent aux infrastructures, aux ports, aux zones industrielles et aux transports. Cette montée en puissance se reflète aussi dans le commerce : la Chine est désormais le troisième partenaire commercial du Maroc, avec des échanges qui augmentent chaque année, notamment dans le textile et l’électronique.

    Pour le Maroc, les opportunités d’exportation vers la Chine sont également intéressantes, avec des produits comme les phosphates et l’agriculture. Les ambitions chinoises ne s’arrêtent pas là : le secteur des énergies renouvelables attire également Pékin. La Chine s’investit dans des projets solaires et éoliens, contribuant à des projets majeurs comme la centrale solaire Noor, une vision que partagent les deux pays dans leur volonté d’un avenir énergétique plus vert.

    Défis à relever

    Les échanges entre le Maroc et la Chine sont en forte hausse, mais le déséquilibre commercial inquiète. Le Maroc importe beaucoup plus qu’il n’exporte vers la Chine, ce qui pourrait créer une dépendance économique sur le long terme.

    De plus, les produits chinois, souvent moins chers que les produits locaux, mettent les fabricants marocains sous pression. Les petites entreprises marocaines peinent à faire face à cette concurrence, ce qui pourrait entraîner des pertes d’emplois et fragiliser l’économie locale.

    Porte vers l’Union européenne

    Le Maroc occupe une position géographique stratégique, tout proche de l’Espagne et de la France. Avec le détroit de Gibraltar qui ouvre directement sur les ports européens, le pays devient un hub logistique idéal pour exporter vers l’Union européenne.

    Cela est particulièrement attractif pour les entreprises chinoises qui peuvent, depuis le Maroc, réduire les délais et les coûts d’exportation vers l’Europe. De plus, le Maroc bénéficie d’accords de libre-échange, y compris avec l’UE, permettant aux produits fabriqués sur son sol d’entrer sur le marché européen avec des taxes réduites.

    Ce cadre favorable incite les entreprises chinoises à y installer des sites de production, notamment dans des secteurs comme l’automobile et l’aéronautique. Par exemple, la marque chinoise BYD explore l’idée de produire des véhicules électriques au Maroc, visant ainsi le marché européen en forte demande de solutions de mobilité verte.

    Vu de France

    La présence chinoise au Maroc crée une nouvelle dynamique de concurrence, notamment pour la France qui a historiquement été un partenaire privilégié du royaume. La France est un acteur majeur dans les infrastructures marocaines, avec des entreprises comme Alstom qui ont réalisé des projets emblématiques, comme la ligne de train à grande vitesse entre Tanger et Casablanca. Mais la Chine s’implante de plus en plus dans ce secteur via les Nouvelles routes de la soie, obligeant la France à partager son influence.

    Dans l’énergie, Paris est également un partenaire de longue date, avec des entreprises comme EDF et Engie qui participent à des projets solaires et éoliens. Cependant, les entreprises chinoises se positionnent désormais comme des compétiteurs sérieux dans le secteur des énergies renouvelables, apportant des solutions à moindre coût qui séduisent le Maroc. Les investissements chinois, alliés à une expertise technique importante, permettent à Pékin de devenir un partenaire compétitif dans la transition énergétique marocaine.

    Le Maroc, en diversifiant ses partenariats, a permis l’émergence de cette concurrence entre la Chine et la France. Tandis que la France continue de s’appuyer sur des liens historiques solides, la Chine propose une alternative économique et technologique alléchante, créant une relation tripartite complexe où le Maroc est en position de tirer profit des deux côtés.

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  • La Corée du Sud tente de rendre les semi-conducteurs intelligents, presque autant qu'un humain
    Oct 28 2024

    En Asie, le nerf de la guerre en économie, ce sont les semi-conducteurs. Ces puces électroniques miniatures qui sont aujourd'hui dans les tous les produits du quotidien, du lave-vaisselle au téléphone portable. Un secteur où la compétition est intense entre les industriels chinois, taïwanais, japonais ou coréen. Chacun essaie de développer sa propre technologie pour être en avance sur ses concurrents.

    De notre envoyé spécial à Daejeon,

    « L'une des choses dont je suis le plus fier récemment est le calcul neuromorphique. Le calcul neuromorphique signifie imiter le cerveau humain. Ici, on essaie de récréer un cerveau humain dans un ordinateur ». Pas de science-fiction, tout est bien réel, juste sous nos yeux.

    Yoo Hoi-jun est le directeur de ce centre de recherche sur les semi-conducteurs, et nous montre sa dernière création. Une petite plaque dorée sur carte de circuits électronique pourtant capable des mêmes prouesses qu'un humain.

    Dans la ville de Daejeon, à une centaine de kilomètres de Séoul, l'Institut coréen des sciences et techniques avancées nous ouvre exclusivement ses portes pour entrer dans ce qui est d'habitude classé secret industriel. Ici se fabrique l'avenir de l'électronique, comme l'explique son directeur : « Nous avons développé une nouvelle technologie qui intègre la mémoire et les processeurs dans une seule puce. Cela permet à l'ordinateur de calculer beaucoup plus vite et en même temps d'économiser de l'énergie. L'ajout de l'intelligence artificielle décuple les performances de la puce ».

    À lire aussiLa Corée du Sud investit pour devenir un leader des semi-conducteurs liés à l'IA

    La recherche sur les nouveaux types de semi-conducteurs, une priorité nationale

    Depuis 2022, le président sud-coréen Yoon Suk-yeol a décrété comme priorité nationale la recherche sur ces nouveaux types de semi-conducteurs à base d'intelligence artificielle. Le docteur Yoo travaille depuis près d'une décennie pour donner à la Corée du Sud un avantage stratégique : « De nombreuses tentatives ont été faites pour imiter notre technologie ; Intel a essayé, IBM a créé des puces incroyables comme les "True North" et "Loihi", mais a échoué à les faire fonctionner. Nous sommes les premiers au monde à exécuter des programmes sur un calcul neuromorphique. »

    Dans ce laboratoire, une centaine d'étudiants-chercheurs travaillent nuit et jour, en témoignent les sacs de couchage au pied des bureaux. Un rythme intense dont les étudiants comme Lee Hongseok s'accommodent bien, tant les progrès techniques du secteur les font rêver : « Ce qui est bien, c'est qu'actuellement le secteur des semi-conducteurs et celui de l'IA attirent le monde entier. Et faire de la recherche dans ce domaine, cela veut dire, faire de ce que l'on pensait être un rêve, en faire une réalité. Et je pense que c'est ce qui est le plus fantastique à propos de mon travail. »

    Le commerce des petites puces intelligentes, un rêve qui se concrétise

    Un rêve qui devient réalité et qui se concrétise dans le commerce de ces petites puces intelligentes. Un secteur hautement compétitif où chaque avantage peut représenter des milliards de dollars de chiffre d'affaires. M. Yoo, le directeur du centre, s'estime confiant quant aux capacités coréennes en la matière : « Nous savons tous que la Corée est numéro un mondial dans le domaine des semi-conducteurs de ce type. Nous avons déjà pris de l'avance sur la technologie des semi-conducteurs, donc la Corée est bien placée pour diriger le monde dans ce secteur ».

    Au troisième quart de l'année, le champion sud-coréen SK Hynix a réalisé plus de 12 milliards de dollars de profit sur ces puces intelligentes. Des petites plaques dorées qui valent bien leur pesant d'or.

    À lire aussiSemi-conducteurs: Séoul souhaite que Washington assouplisse ses règles vis-à-vis de Pékin

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  • Le bruit des bottes résonne dans le Pacifique
    Oct 17 2024
    En début de semaine, des manœuvres chinois d’une ampleur inédite autour de Taïwan ont alerté les capitales occidentales. A présent, ce sont les Américains avec leurs alliés philippins, qui mènent des exercices militaires non loin. La tension monte dans le Pacifique. Les armées des grandes puissances s’entrainent pour être prêtes si une guerre éclate dans ces eaux stratégiques. Le bruit des bottes résonne dans le Pacifique. Quelques heures après la fin de l’exercice militaire chinois nommé « épées tranchantes unies », mardi 14 octobre, avec un nombre record d’avions et de navires de guerre qui ont encerclé Taïwan pour simuler un blocus de l’île, place maintenant à l’opération « Kamandag ».« Kamandag », en philippin, cela veut dire « la coopération entre guerriers de la mer ». Ces guerriers, ce sont plus de 2 300 soldats américains et philippins, rejoints par des forces du Japon, de la Corée du Sud, de l’Australie et du Royaume-Uni. Pour la première fois, la France, la Thaïlande et l’Indonésie envoient également des observateurs. Pendant 10 jours, les armées s’entraineront à tirs réels.Le commandant de la marine philippine, le major-général Arturo Rojas, a beau dire que ces exercices sont planifiés de longue date et n’ont donc rien à voir avec les tensions dans la région. Mais la date et surtout le lieu de ces opérations interrogent tout de même.À lire aussiLa Chine lance de nouvelles manœuvres militaires autour de TaïwanLes manœuvres se déroulent à 800 kilomètres des côtes taïwanaisesLes exercices se déroulent dans une zone âprement disputée entre la Chine et l’Occident, autour de l’île de Luzon située sur la face nord des Philippines, à 800 kilomètres des côtes sud-taïwanaises. C’est justement dans ces eaux que les grandes puissances montrent leurs muscles. Pour rappel : Pékin revendique Taïwan comme son territoire, mais l’île est protégée par les États-Unis qui lui fournissent d’importantes quantités d’armes. Une stratégie appelée « porc-épic », qui doit permettre à Taïwan de résister en cas d’attaque chinoise.L’autre théâtre des opérations, tout aussi disputé, sera l’île philippine des Palawan. Celle-ci se trouve face à la mer de Chine méridionale, là où des accrochages violents entre les garde-côtes chinois et les bateaux de pêche philippins se multiplient ces derniers mois. Bref : l’opération américano-philippin Kamanda sonne comme un signal d’avertissement envoyé à la Chine. Cela même si Manille a clairement fait savoir que les Philippines ne s’entrainent pas pour participer au combat, mais plutôt pour évacuer les quelque 150 000 travailleurs philippins depuis Taïwan, en cas d’invasion chinoise.À lire aussiMer de Chine méridionale: Pékin et Manille s'accusent mutuellement d'avoir causé une collision entre garde-côtesLes Philippines sont redevenues un allié clé des États-Unis Reste que pour les États-Unis, les Philippines sont redevenues un allié clé et un important pivot dans l’Indo-Pacifique, tout comme Taïwan. Le nouveau président Ferdinand Marcos junior a d’ailleurs opéré un virage à 180° pour se rapprocher de Washington. L’an dernier, il a notamment permis à l’armée américaine d’utiliser quatre nouvelles bases militaires du pays.Trois de ces sites sont situés dans le nord des Philippines et donc à proximité de Taïwan. Le quatrième sera installé sur l’archipel de Balabac, situé au large de Palawan et alors face à la mer de Chine méridionale, disputée entre les superpuissances. Déjà aujourd’hui, quelque 500 soldats américains sont stationnés aux Philippines, et cinq bases conjointes existent déjà. Une chose est sûre : Washington ne compte pas lâcher cette région cruciale.À lire aussiMer de Chine méridionale: Balikatan, manœuvres navales conjointes entre les Etats-Unis et les Philippines
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