Episodios

  • Quel est le secret insoupçonné du caca?
    Apr 16 2025

    Les déjections humaines contiennent phosphore et azote, des éléments nécessaires aux plantes. Nos excréments sont des engrais naturels, utilisables en agriculture.

    C'est une chronique un peu pipi-caca aujourd'hui... Mais ce n'est pas sale, puisqu'il s'agit d'engrais naturel. Nos excréments sont plein de phosphore. Et le phosphore, les plantes l'adorent, pour leur développement et leur croissance, au même titre que l'azote et le potassium. Le phosphore « est l'un des rouages de la réalisation de la photosynthèse, explique l'agronome Christophe Gatineau. Si les plantes n'ont pas accès au phosphore, elles sont ce qu'on appelle victimes de nanisme. Elles vont certes pousser, mais pousser pour se reproduire au plus vite. En tout cas, ce ne sont plus des plantes qui nourrissent ».

    Sans phosphore, pas d’agriculture nourricière. En agriculture conventionnelle, on utilise justement des engrais à base de phosphate. Alors qu'il existe une solution plus naturelle. Vous comme moi, tout le monde produit du phosphore, et c’est ce que défend Christophe Gatineau, l'auteur du livre Ne tirons plus la chasse (éditions Ulmer). On trouve normal d’utiliser l’eau du robinet pour les toilettes et évacuer ses déjections, alors que 9% de la population mondiale n’a pas accès à l’eau potable. En France, une personne, chaque jour, gaspille 30 litres d’eau potable rien qu’aux WC.

    Recyclage

    « On est une véritable usine à engrais agricole, s'enthousiasme Christophe Gatineau. Nous en produisons tout un chacun de quoi couvrir un quart des besoins de notre agriculture. Mais que fait-on ? On le jette, on tire la chasse ». Pourquoi, en effet, envoyer nos excréments dans les égouts alors qu’on pourrait les recycler ? « Ce que nous excrétons est le produit digéré de ce que nous avons mangé, poursuit Christophe Gatineau. En dehors des poissons et de quelques crustacés, on mange des plantes ou alors des animaux qui ont mangé des plantes. Dans un système naturel, les éléments nutritifs doivent revenir là où ils ont été prélevés, c'est-à-dire dans le sol ».C’est la fameuse leçon du chimiste français Lavoisier :« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».

    Il s’agit en fait de revenir à des méthodes ancestrales, utilisées encore par de nombreux paysans dans le monde, qui n’ont pas les moyens d’acheter des engrais chimiques. Les déjections servent à enrichir le sol, l’humus. Sous nos pieds, il y a de la vie, il y a de l’activité. « Il faut du temps pour que les matières fécales se minéralisent, se transforment en éléments nutritifs par l'action naturelle des micro-organismes et toute la faune du sol, en particulier les vers de terre. On n'a rien trouvé de mieux depuis la naissance de l'agriculture », estime Christophe Gatineau, auteur également d'un Eloge du ver de terre.

    Carottes élevées au pipi

    Mais il n’y a pas que le caca, il y a aussi le pipi. Notre urine est pleine d’azote, un autre nutriment dont les plantes ont besoin. Bien sûr, il y a une petite barrière psychologique quand on passe à table. Christophe Gatineau s'amuse des réactions que provoquent ses carottes, qu’il fait pousser, et qu’il sert à ses invités. « Ils aiment le goût, leur trouvent une très belle couleur, une belle texture sous la dent, etc. Et quand je leur dis qu'elles ont été élevées avec les urines de la famille, c'est le choc ! On me dit que ça doit être dégueulasse, que ça doit être rempli de microbes... En revanche, si je leur avais dit qu'elles avaient été élevées aux engrais chimiques et aux pesticides, ce n'aurait pas posé de problème. C'est ça qui est curieux... » Le fumier, produit par les animaux et utilisé pour enrichir les sols, ne pose pas de problème. Nos déjections sont finalement du fumier humain. C'est naturel, c'est gratuit. C'est cacastucieux !

    À lire aussiL'urine humaine utilisée comme engrais: des premiers tests prometteurs

    Más Menos
    3 m
  • Le printemps va-t-il disparaître?
    Apr 15 2025
    L'Europe a connu sa plus chaude année en 2024. L'été dure plus longtemps, les autres saisons sont plus courtes, et le printemps arrive plus tôt, ce qui n'est pas sans conséquence sur la végétation et l'agriculture. La question, on le concède, peut paraître provocatrice, mais c'est déjà une certitude : sous l’effet du changement climatique, les saisons intermédiaires, le printemps et l’automne, sont plus courtes, parce que les étés durent plus longtemps et contribuent ainsi à la hausse globale des températures, qui atteint en Europe, en climat tempéré, un nouveau record annuel, selon le rapport publié ce matin par l'institut Copernicus.Le printemps, plus court, arrive aussi plus tôt. « On a mesuré un décalage de l'ordre de 10 à 15 jours depuis les années 60, et dans la mesure où le climat se réchauffe, on pense que cette précocité du printemps va se poursuivre, pour commencer début mars », précise le climatologue Christophe Cassou, directeur de recherche au CNRS.Le printemps arrive plus tôt parce que l'hiver est plus court. Et les neiges fondent plus tôt. « On a une diminution de la couverture de neige, de manière drastique au mois de mars, ce qui fait que les conditions froides, ou le réservoir de froid qui provenait de l’hiver, déjà bien entamé, se réduit, voire n’existe plus », poursuit Christophe Cassou.Gel tardifD’instinct, et parce que nous humains apprécions les températures douces, les beaux jours, on pourrait penser que ces printemps précoces sont une bonne nouvelle. Pour le chiffre d’affaire des cafés sûrement, dont les terrasses se remplissent de plus en plus tôt dans l’année. Mais un printemps précoce a aussi un effet sur la végétation, et c’est une autre histoire.Les plantes sortent plus tôt de leur torpeur hivernale – oui, un peu comme nous humains finalement. Les bourgeons, qui vont donner naissance aux feuilles et aux fleurs, commencent à s’ouvrir de plus en plus tôt (c’est ce qu’on appelle le débourrement). Et c’est un vrai problème quand survient, un peu plus tard, un épisode de gel tardif.Parler de gel printanier quand on évoque le réchauffement climatique peut paraître contre-intuitif. Mais ces gelées tardives arrivent régulièrement, en particulier au mois d’avril.À lire aussiDes printemps toujours plus précoces ? Comment les plantes déterminent leur date de floraisonCatastrophes agricolesLa fleur, ou même le fruit, a commencé à se développer, parce qu’il a fait plus chaud plus tôt, et le bourgeon, comme une enveloppe, n’est plus là pour la protéger. Résultat, en particulier pour l’agriculture, c’est souvent la catastrophe.Vignes et arbres fruitiers sont particulièrement exposés. Adieux pêches, abricots, cerises… Autant de fruits qu’on ne pourra pas manger. En avril 2021, une année particulièrement catastrophique, un épisode de gel tardif avait coûté, rien qu’en France, plus de 4 milliards d’euros.Pour s’en prémunir, les agriculteurs peuvent utiliser des bougies, la nuit, qui chauffent pour éviter le gel. C’est très photogénique, ça fait de belles images à la télé, mais ça coûte cher aux cultivateurs : 500 euros par hectare et par heure. Avec un bilan carbone très discutable.ParasitesLe bouleversement des saisons a une autre conséquence sur les plantes, avec un double phénomène à l’œuvre, qui concerne les parasites, sous l’effet des hivers plus doux.« La disparition des coups de froid successifs diminue la mortalité des parasites, et donc quand le printemps revient, ces parasites sont déjà présents et affaiblissent certains végétaux », explique Christophe Cassou.À plus forte raison quand ces plantes n’ont pas pu profiter d’un hiver entier. Le repos végétatif, induit par le froid, a été trop court. Les plantes s’épuisent, ont moins de force pour résister aux attaques. C’est un peu comme nous, humains : on est moins performant quand on ne dort pas assez.À lire aussiLes températures douces inquiètent les agriculteurs qui craignent un retour du gel au printemps
    Más Menos
    3 m
  • Pourquoi les climatosceptiques prospèrent-ils dans les médias?
    Apr 14 2025
    128 cas de désinformation climatique ont été détectés en trois mois sur les télés et les radios françaises, selon une étude réalisée par plusieurs associations. L'une d'entre elles, CNews, propriété de Vincent Bolloré, a même été sanctionnée, une première mondiale. La crise climatique est-elle aussi une crise médiatique ? C’est l’une des questions que pose en creux une étude sur la désinformation climatique en France publiée par trois ONG, QuotaClimat, Data for Good et Science Feedback. L’ensemble des médias audiovisuels français, télés et radios, ont été passés au crible par une intelligence artificielle, et le résultat est accablant : en trois mois, 128 cas de désinformation climatique ont été détectés. Ces cas problématiques se retrouvent très largement sur les médias privés (à 81%).À lire aussiQu'est-ce que l'amnésie environnementale?Le grand champion, c'est Sud Radio, qui en cumule un tiers, en invitant régulièrement des négationnistes du climat, comme un physicien à la retraite, François Gervais, qui nie le rôle du CO2 dans le réchauffement climatique, avec un argument déroutant : « Savez-vous combien on émet de CO2 en respirant, si tant est qu’on a encore le droit de respirer ? Pendant une vie, on émet 25 tonnes de CO2 en expirant. » « Ah oui, c’est intéressant », se contente de lui répondre l’animateur André Bercoff. Non, ce n’est pas intéressant, c’est juste absurde.Fake news« Le changement climatique, sa gravité, relèvent des faits, malheureusement, pas des opinions », rappelle Jean Savignon, chargé d’étude à QuotaClimat. La diffusion de fausses informations sur la crise climatique est un problème démocratique. « Que les angles éditoriaux des médias parlent plus à leur public, c’est une chose. Qu’on désinforme pour parler à un public, c’en est une autre. Et là, ça contrevient massivement au droit à l’information garanti par la Constitution. »À lire aussiLa désinformation climatique attisée par l'arrivée de Donald Trump au pouvoirNon content d’inviter des « dénialistes », comme on appelle aussi les négationnistes du changement climatique, certaines chaînes abritent des animateurs ouvertement climatosceptiques, à l’image de CNews et de sa « star » Pascal Praud. « Il est là, le réchauffement climatique : moins 3 degrés ce matin dans les Yvelines. Aucune valeur négative n’avait été observée en plus de 75 ans », lançait-il un matin d’hiver avec un ton qui se voulait ironique, mais confondant météo et climat. Une première mondiale pour CNewsEn matière de désinformation climatique, CNews et Sud Radio se distinguent. Sud Radio est régulièrement accusée de diffuser des propos complotistes, sur le Covid ou le climat. Quant à CNews, la chaîne de télé appartient à Vincent Bolloré à l'agenda politique assumé : favoriser l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir. Ce n’est pas un hasard si ces deux médias sont les deux plus mauvais élèves en matière d’information climatique. « Tous les deux ont été condamnés l’an dernier, rappelle Jean Savignon, de QuotaClimat. Sud Radio a deux mises en garde, et CNews a reçu une sanction financière pour désinformation climatique, ce qui était une première mondiale ! Il y a une stratégie de l’extrême droite qui a été théorisée : plutôt que de s’attaquer au changement climatique, on s’attaque à l’entièreté de ces messagers. » En témoigne par exemple une séquence diffusée en direct sur CNews en 2019, dans laquelle Pascal Praud avait invité la militante écologiste Claire Nouvian. « Je voudrais que vous vous calmiez, ce qui nous ferait plaisir », s’énerve l’animateur à l’adresse de Claire Nouvian. « Mais vous trouvez ça normal ? », répond l’intéressée avant d’être interrompue par la journaliste Elisabeth Lévy, chroniqueuse régulière de l’émission de Pascal Praud : « C’est vous qui êtes folle, là ! C’est vous qui êtes dingue ! », hurle-t-elle. L’insulte, argument ultime. RFI numéro 1Face à la crise climatique, y a la désinformation, et puis il y a le manque d'information. Alors que l'environnement est le deuxième sujet qui intéresse les Français dans les médias, après la santé, selon une étude publiée l’an dernier par l’Arcom, le régulateur des médias audiovisuels français, seulement 3,7% des programmes d’information était consacré en 2024 à la crise climatique, et même 2% pour les trois derniers mois étudiés. « C’est grave, réagit Jean Savignon. Parce que moins on est informé, plus on perméable, par la force des choses, à la désinformation. »Votre radio, RFI, se situe, elle, très largement au-dessus de la moyenne. Les sujets sur l'environnement occupent 6% des journaux et des tranches d'information. Numéro 1, tout simplement, et très loin devant.
    Más Menos
    4 m
  • Faut-il se réjouir d'un pétrole bon marché?
    Apr 10 2025

    Quels sont les effets d'une baisse des prix de l'or noir sur la consommation et la production de pétrole ? La transition énergétique peut-elle être retardée par un pétrole pas cher ?

    Les bourses ont tremblé. Face à la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump, et aux menaces de récession économique, le prix du pétrole a entamé une chute hier, mercredi, interrompue quelques heures après par la décision du même Donald Trump de mettre en pause sur ses taxes douanières. D'un strict point de vue économique, en particulier pour les pays importateurs, la facture est évidemment moins lourde avec un pétrole moins cher. Mais ce qui nous intéresse ici, c'est l'avenir du pétrole, cette énergie fossile dont les économies ont bien du mal à se passer, alors même qu'il représente dans le monde environ 30% des émissions de CO2, le principal responsable du changement climatique.

    Si le pétrole est moins cher, en consomme-t-on davantage ? Quand le prix de l'essence atteint des sommets, on réfléchit peut-être deux fois à prendre sa voiture pour aller chercher son pain à 500 mètres... À l'inverse, si l'essence n'est pas chère, roule-t-on davantage ? Pollue-t-on davantage ? Non, pas forcément. « On ne va pas aller trois fois en vacances avec sa voiture parce que le pétrole est moins cher, estime Olivier Appert, du Centre énergie et climat de l'IFRI, l'Institut français des Relations internationales. L'impact d’une baisse des prix n’est pas immédiat puisque ce qui est raffiné et distribué, c'est du pétrole qui a été acheté il y a deux ou trois mois ».

    À lire aussiProjets gaziers et pétroliers: vers un «Drill, baby, drill» africain?

    « Drill, baby, drill »

    Quand le prix de référence du baril a failli passer en dessous de 60 dollars, Donald Trump a-t-il vu ses rêves carbonés s’éloigner ? Le président fossile des États-Unis, qui vient par ailleurs de relancer la production de charbon dans son pays, a fait du pétrole et de l'huile de schiste l'un des étendards de sa campagne. « Drill, baby, drill » (« Fore, bébé, fore ») est un slogan martelé même après son élection, repris en chœur par ses partisans comme le refrain d'une chanson.

    Mais hier matin, en se levant, Donald Trump s'est peut-être rendu compte qu'il se tirait une balle dans le pied. « Le coût marginal de production est élevé aux États-Unis, de l'ordre de 50 dollars par baril, ce qui veut dire que si le prix baisse en dessous de 50 dollars le baril, les producteurs américains ont intérêt à arrêter la production, ce qui risque d'avoir un impact important sur les investissements des compagnies pétrolières américaines. Ce n’est pas tout à fait ce que souhaite Trump », souligne Olivier Appert. D'une manière générale, avec un pétrole moins cher, les pétroliers investissent moins. C'est un principe de base, observé chaque fois que les prix s'effondrent : la baisse des prix a un impact sur les investissements et la prospection.

    Un pétrole bon marché a-t-il enfin un effet sur la transition énergétique ?

    Si les énergies fossiles sont bon marché, on pourrait être tenté de moins investir dans les énergies renouvelables, solaire ou éolienne par exemple, parce qu'elles seraient moins compétitives. Mais en réalité, on n'est pas dans la même temporalité. Un krach pétrolier arrive subitement alors que, par exemple, la construction d’un parc d’éoliennes en France, peut prendre jusqu’à sept ans. D'ici là, du pétrole aura coulé sous les ponts, et sans doute encore beaucoup trop.

    À lire aussiPourquoi les géants pétroliers pourraient nuire aux ambitions de Donald Trump

    Más Menos
    3 m
  • Pourquoi faut-il irriguer les cultures en Afrique?
    Apr 9 2025
    Un forum sur l'irrigation innovante se tient à Dakar jusqu'à la fin de la semaine. L'occasion de faire le point sur des méthodes modernes ou ancestrales sur l'utilisation de l'eau en agriculture. Des chefs d’État et de gouvernement sont attendus aujourd’hui à Dakar pour le Forum sur l’irrigation qui se tient toute la semaine dans la capitale sénégalaise, 12 ans après la Déclaration de Dakar, adoptée par les pays du Sahel, et son objectif ambitieux d’atteindre 1 million d’hectares irrigués. L’irrigation de l’agriculture est une nécessité – et pas qu’en Afrique d’ailleurs. Il y a 10 000 ans, le Sahara était tout vert, l’eau ne manquait pas. Aujourd'hui, même si on est loin des sécheresses des années 1970 et 1980, l’accès à l’eau et sa gestion demeurent des questions majeures, alors que l’agriculture fait travailler plus de la moitié de la population active sur tout le continent africain.L'irrigation s'impose notamment en raison de la qualité des sols, et de périodes de sécheresse qui peuvent intervenir même pendant la saison des pluies. « Au sein d'une saison des pluies, on peut avoir plusieurs semaines de sécheresse totale, constate Bruno Barbier, agro-économiste au Cirad, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. Ensuite, il y a aussi le fait que les sols en Afrique ne retiennent pas très bien l'eau. Ce sont souvent des sols indurés en surface et l'eau tend à ruisseler sur ces sols plutôt qu'à s'infiltrer ».Pompes et goutte à goutteL'irrigation d'immenses terres agricoles sur des milliers d'hectares, développée après les indépendances, est un peu passée de mode. Les solutions durables et résilientes évoquées au Forum de Dakar ciblent notamment les petits paysans, puisque 70% de la nourriture en Afrique est produite sur de petites exploitations. Les pompes solaires ont le vent en poupe. Elles coûtent de moins en moins cher (made in China évidemment), et pour contourner la frilosité des banques, peu prêteuses, des systèmes d’avance sont mis en place directement entre les petits agriculteurs et les fournisseurs.Une fois l’eau pompée, de nombreux paysans continuent d'arroser à la main, a remarqué Bruno Barbier, qui travaille en Afrique depuis 40 ans : « L'arrosage à la main parmi les petits paysans, c'est encore la règle. Ils ont souvent l'impression d'économiser l'eau ». Le goutte à goutte, pourtant, est plus économe en eau, et plus efficace car l'eau pénètre lentement jusqu'aux racines. Mais le goutte à goutte a aussi des inconvénients : cher à l’achat, il ne dure pas longtemps. « Beaucoup de paysans abandonnent assez rapidement parce qu’il y a les problèmes de bouchage des petits orifices, précise Bruno Barbier. Les eaux qu'on utilise sont souvent chargés en fer, parfois en calcaire, aussi en argile. Ça bouche les trous. Il faut un entretien, et souvent le matériel au bout de trois ans n'est plus utilisable ». C’est un peu le même problème que rencontrent les bandes aspersantes, une autre solution efficace et économe en eau.Le zaï, méthode ancestraleEt puis face à toutes ces techniques modernes d'irrigation, il y a une méthode ancestrale qui a fait ses preuves : le zaï, très utilisé au Burkina Faso où un homme, Yacouba Sawadogo, l’avait popularisé. « Ça consiste simplement, je dis simplement mais c'est quand même assez dur à mettre en place, ça consiste à creuser un trou d'une dizaine de centimètres de profondeur et d'une trentaine de centimètres de diamètre. Dans ce trou, on dépose du compost. Et à la saison des pluies, on sème », expliquait dans l’émission C’est pas du vent Seydou Kaboré, le directeur de la Ferme pilote de Guié, à une soixantaine de kilomètres de Ouagadougou. La pluie est ainsi capturée. Avec des rendements excellents : jusqu'à trois fois plus de récoltes pour le mil ou le sorgho.L’agriculteur bénéficie aussi d’un allié précieux, un tout petit animal qui a pourtant mauvaise réputation : les termites. « Les paysans ont tendance à détruire les termitières, parce qu’elles prennent de l'espace. Mais les termites ont le même rôle que les vers de terre en Europe par exemple, ils malaxent la terre, ils dégradent la matière organique, la rendant assimilable », décrit le Franco-Burkinabé Damien Deville, auteur d'une biographie de Yacouba Sawadogo, L'homme qui arrêta le désert. Dernier avantage du zaï : il permet aussi de capter 50% de CO2 de plus qu'une culture classique. Bon pour l’agriculture, le zaï est aussi bon pour le climat.
    Más Menos
    4 m
  • Éoliennes ou oiseaux, faut-il choisir?
    Apr 8 2025
    Un parc éolien du sud de la France, responsable de la mort de dizaines de faucons menacés, est mis à l'arrêt par la justice. Une décision historique, qui témoigne de la contradiction entre transition énergétique et protection de la biodiversité. C'est un tout petit rapace qui vient de mettre à l'arrêt un grand parc d'éoliennes dans le sud de la France : le faucon crécerellette, victime des pales des 31 éoliennes installées à une vingtaine de kilomètres de Montpellier. Il s'agit d'un oiseau protégé, sur la liste rouge des espèces menacées en France, à ne pas confondre avec le faucon crécerelle, un peu plus gros et qui se porte bien – on en voit même à Paris.Pour la première fois, la justice française a condamné au pénal les exploitants d'un parc éolien pour leur responsabilité dans la mort de 160 oiseaux et chauve-souris (le chiffre officiel retenu par le tribunal de Montpellier, même si France Nature Environnement, qui avait porté plainte, estime qu’ils sont deux fois plus nombreux). Et donc, parmi les victimes des éoliennes, plusieurs dizaines de faucons crécerellette. La victoire est historique pour les défenseurs des oiseaux. La dizaine d’exploitants du parc éolien est condamnée à 2,5 millions d’euros d’amende au total, et surtout le tribunal a ordonné l'arrêt des éoliennes, pendant 4 mois, une bonne nouvelle pour ces faucons, des oiseaux migrateurs : c'est au mois d'avril qu'ils arrivent d'Afrique, pour nicher jusqu'à la fin de l'été.Sept oiseaux tués par éolienneLes éoliennes, qui produisent de l’énergie propre (et celles du parc d’Aumelas fournit de l’électricité à 60 000 personnes), sont des tueuses d'oiseaux. La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) estime dans un rapport publié en 2022 qu'une éolienne tue en moyenne 7 oiseaux par an. Sachant qu'il y a plus de 10 000 éoliennes en France, on arrive à 70 000 oiseaux tués par an. Et les rapaces, comme le faucon, paient un lourd tribut, avec 25% des décès. Ils ont tendance à tourner autour des éoliennes, leur terrain de chasse.« Généralement autour des éoliennes, on défriche, on libère le terrain autour, et les micros mammifères au sol sont très visibles. C'est extrêmement pratique pour les rapaces qui les chassent », explique Geoffroy Marx, l'auteur de ce rapport de la LPO.Les oiseaux ont plein de qualités, mais ils ont du mal à distinguer les pales des éoliennes, parce qu'elles sont blanches, pour se confondre avec le ciel pour ne pas gâcher la vue des humains. « Les oiseaux détectent assez mal le contraste, poursuit Geoffroy Marx. En fait les éoliennes se détachent assez peu du ciel à travers la vision de l'oiseau. Certains chercheurs suggèrent de peindre par exemple une des pales en noir. Mais cela n’a pas encore fait ses preuves, ce n’est encore qu’une hypothèse de travail ». D’autres solutions qu’un coup de peinture existent.Les éoliennes sont en principe équipées de système de détection des oiseaux.« Généralement, ils fonctionnent avec des caméras qui détectent les oiseaux qui s'approchent. Le logiciel déclenche soit un signal acoustique, soit provoque l'arrêt des machines. Malheureusement aujourd'hui ça n’a pas encore fait vraiment la preuve de son efficacité », précise Geoffroy Marx. Quand les caméras détectent les oiseaux, c'est généralement trop tard.Cohabitation nécessaireIl faut pourtant que les éoliennes et les oiseaux cohabitent, alors que le tribunal de Montpellier doit se prononcer ce mercredi sur un autre parc éolien de la région, responsable de la mort d‘un aigle royal. Il n'y a pas le choix. Éoliennes ou oiseaux, on a besoin des deux. Mais cette affaire illustre parfaitement les contradictions qu'il existe parfois entre la protection de la biodiversité et la transition énergétique nécessaire pour lutter contre la crise climatique. « Finalement, c'est un compromis qu'il faut trouver, concède Geoffroy Marx, en charge du programme énergies renouvelables et biodiversité à la LPO. Il faut aussi de la place pour produire de l'énergie. On en aura tous besoin demain, donc il faut réussir à concilier les deux ».Dernière illustration de cette contradiction : Greta Thunberg, la jeune militante du climat, qui prend le voilier pour aller en Amérique, manifestait il y a un an et demi contre des éoliennes illégales en Norvège, implantées sur les terres du peuple Sami. Leurs rennes d’élevage ne peuvent plus aller pâturer à cause des éoliennes. Mais là au moins, l’espèce de cervidés n’est pas menacée de disparition, même si on finit par les manger.À lire aussiNorvège: Greta Thunberg apporte son soutien aux Samis contre un parc d’éoliennes
    Más Menos
    4 m
  • Pourquoi la nature fait-elle du bien à la santé des humains?
    Apr 7 2025

    Où il est question d'ornithérapie et de sylvothérapie : comment les oiseaux et les arbres agissent positivement sur le stress, le moral des femmes et des hommes.

    En cette Journée mondiale de la santé, voici une petite expérience à laquelle vous pouvez vous livrer chez vous, ou mieux, dans la nature : écouter des oiseaux chanter. Au bout de quelques minutes, il y a de fortes chances que vous vous sentiez mieux, plus détendu, moins stressé. Vous venez de faire de l’ornithérapie : du soin par les oiseaux. Ornithérapie est le titre d’un livre qui sort ces jours-ci en France, aux éditions Albin Michel, écrit par Elise Rousseau et Philippe Dubois, ingénieur écologue et ornithologue, qu’on a rencontré au Parc Montsouris à Paris – il y avait du soleil et les oiseaux chantaient. L’ornithérapie, nous-dit-il, repose sur les des bases scientifiques : « Des études anglo-saxonnes ont montré par exemple que quelques minutes seulement d'écoute attentive des oiseaux pouvaient faire baisser notre taux de cortisol, qui est l'hormone du stress, et nous permettre d'éliminer ou en tout cas de diminuer fortement les pensées négatives, le stress… Et cela pendant plusieurs heures. À tel point que dans certains endroits de Grande-Bretagne et des États-Unis, il y a maintenant des médecins qui prescrivent à leurs patients des sorties dehors pour aller écouter les oiseaux ».

    À lire aussiL’appel de la forêt, un antidote au stress

    Quand la nature nous fait du bien… Outre l’ornithérapie, il y a la sylvothérapie, la thérapie par les arbres, inventée au Japon, ce pays où la nature et les saisons rythment la vie de ses habitants. On fait des bains de forêt, on peut même embrasser le tronc d'un arbre, en prenant toutefois garde aux champignons qui se trouvent dans l’écorce, ou aux frelons qui peuvent s’y cacher. Des études l’ont montré : la sylvothérapie détend, déstresse. D’une manière générale, le vert fait du bien. Dans un hôpital, des malades du cancer installés dans une chambre avec vue sur des arbres ont eu un meilleur taux de guérison. Mais évidemment, rien ne remplace les médicaments (dont plus de la moitié d’ailleurs viennent de la nature et sont fabriqués avec des molécules issues de plantes qu’on trouve sur terre ou dans la mer).

    Aux origines de l'humanité

    Pourquoi la nature nous fait du bien ? Il faut peut-être remonter à nos origines, quand nos très lointains ancêtres vivaient dans la nature. À l'échelle de l'humanité, la vie en ville, c'est très marginal, et ce n’est pas naturel... « Je pense qu’on est dans un monde qui est devenu très citadin, puisque la majorité des humains vivent en ville, et qu'on ne peut pas se couper de ce côté “primitif”, effectivement, de la nature, estime Philippe Dubois. Là j'entends un rouge-gorge, j'entends le pinson, j'entends une mésange charbonnière… Tous ces oiseaux me parlent, je ne peux pas leur répondre, mais simplement ces cris autour de moi m'apaisent, me font du bien ».

    Un célèbre biologiste américain, Edward Wilson, a théorisé ce besoin de nature lié à notre passé lointain : la biophilie. Mais ce concept ne fait pas l’unanimité, parce qu’il réduit l'être humain à ses gènes, en oubliant les influences culturelles – la culture au sens large : les manières de penser et d’agir issues de son environnement social. L’historienne des sciences, Valérie Chansigaud, « ne conteste pas les bienfaits de la nature » mais tient à nuancer le concept de biophilie : « Sous l'antiquité grecque ou latine, aucun auteur ne trouve la nature merveilleuse. La mer et la montagne sont des lieux d'angoisse, des lieux menaçants. La belle nature, c'est la nature cultivée, les vergers, les champs, mais pas la nature dite sauvage. Autrement dit, on est toujours conditionné par l'héritage culturel que l'on a et dont on ne se rend pas forcément compte ».

    À lire aussiFaut-il «prescrire» la nature pour soigner des problèmes de santé mentale?

    Más Menos
    4 m
  • Pourquoi l'OFB, la police de l'environnement en France, est une cible?
    Apr 3 2025
    La justice a ouvert une enquête après la diffusion d'une vidéo simulant le meurtre d'un agent de l'Office français de la biodiversité par un agriculteur. L'OFB, régulièrement visé par des attaques, semble le bouc-émissaire facile de la crise du monde agricole. C'est une vidéo presque passée inaperçue la semaine dernière en France. Et pourtant, c’est une simulation de meurtre, du meurtre d’un agent de l’OFB, l'Office français de la biodiversité, par un agriculteur. « Tu veux la prendre, la pelle dans ta gueule ? », menace l'agriculteur. Dans l'image suivante, on découvre le policier de l'environnement enterré dans un champ. Cette vidéo, produite par le syndicat Les Jeunes Agriculteurs du département de la Manche, a vite été retirée des réseaux sociaux par ses auteurs, qui ont plaidé l'humour – c'est vrai que c'est drôle (non).À lire aussiL'Office français de la biodiversité dans l'œil du cyclone face à la colère des agriculteursLa justice a ouvert une enquête pour « outrages et actes d'intimidations vis-à-vis d'agents dépositaires de l'autorité publique ». Mais dans la classe politique, après cette nouvelle attaque contre l'OFB, il y a eu très peu de condamnations. « Ce qui est peut-être aussi choquant que ces appels au meurtre, c'est l'absence de réaction politique, juge la cheffe du parti Les Écologistes, Marine Tondelier, l'une des rares à s'être exprimées après la révélation de la vidéo. On peut même dire qu'il y a une incitation politique à s'en prendre aux agents de l'OFB. Je pense qu’aucun corps de fonctionnaires de ce pays n'a été comme ça, livré en pâture par un Premier ministre dans son discours de politique générale. »« Une arme à la ceinture »C'était en janvier dernier. Dans son discours d'une heure et demie devant l'Assemblée nationale, François Bayrou avait consacré deux minutes à la crise climatique avant de cibler la police de l’environnement : « Quand les inspecteurs de la biodiversité viennent inspecter les fossés ou les points d'eau avec une arme à la ceinture dans une ferme déjà mise à cran par la crise, c'est une humiliation. Et c'est donc une faute », déclarait le Premier ministre sous les applaudissements de la droite et de l'extrême droite. Mais s'il y a faute, c'est celle du Premier ministre qui l'a finalement reconnue en envoyant une lettre d’excuses à l’OFB. Ces quelques mois, une quarantaine de cas d'agressions ou de dégradations ont été recensées.L'OFB est né de la fusion en 2020 de l'Agence française de la biodiversité et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage qui assurait alors des missions de police de l'environnement. Les agents de l'OFB sont donc des policiers (avec des pouvoirs de police administrative et judiciaire), et c'est la raison pour laquelle ils portent « une arme à la ceinture ». « Il est tout à fait légitime que nous soyons armés face à des personnes également armées, notamment les chasseurs. C'est un métier qui peut être dangereux. Nous avons déjà eu des décès dans nos fonctions. Nous avons une stèle avec plus de 80 noms d'agents qui sont morts en service », précise Concha Agero, directrice adjointe de l’OFB pour la région Provence-Alpes-Côte-d' Azur et la Corse.Bouc-émissaireFaut-il s'étonner que dans ce contexte de tensions entretenu par des agriculteurs, une vidéo au contenu si violent ait suscité une telle indifférence ? La même vidéo sur le meurtre d'un agent de la police nationale aurait fait la une des journaux et provoqué des débats enflammés sur les chaînes d’informations. « C'est comme si l'OFB n'était pas une vraie police parce qu'il y a biodiversité dans le titre. Et donc comme ça concerne l'environnement, ce n’est pas une autorité sérieuse, décrypte Marine Tondelier. On conteste cela chez les écologistes, on protège tous les fonctionnaires. Je rappelle d'ailleurs que s'ils font des choses qui ne plaisent pas aux agriculteurs, ils le font sous l'autorité de l'État. Donc, si ce sont les lois qui ne vont pas, il faut changer les lois. Mais je pense que ces lois sont indispensables et sont même vitales. »À lire aussiFrance: les agents de la biodiversité, en grève, réclament soutien et sécuritéLes fonctionnaires de l’OFB ne sont d’ailleurs pas que des policiers. Il n’y a pas que de la répression. Il y a aussi de la prévention, ainsi que « des missions de connaissances. Nous sommes chargés du suivi de certains écosystèmes, de certaines espèces. L'OFB gère aussi des espaces naturels protégés », précise Concha Agero. L’OFB protège l’environnement et ses agents sont des vigies de la nature.Mais face aux attaques répétées du monde agricole (et politique), l'OFB apparaît peut-être comme le bouc-émissaire d’une contestation générale des normes environnementales. « Ce n'est pas forcément envers nous, pense Concha ...
    Más Menos
    4 m
adbl_web_global_use_to_activate_webcro768_stickypopup