Episodios

  • Michel Barnier: pour l’UE, alliance ne veut pas dire allégeance… à Trump
    Jul 11 2025

    L’ancien Premier ministre Michel Barnier, ex-commissaire européen, négociateur du Brexit, plusieurs fois ministre, nous livre sa vision d’une Europe sous tension. Il revient sur les grands moments et dossiers à l’occasion de la sortie de son livre « Ce que j’ai appris de vous » (Calmann-Lévy).

    La date butoir du 9 juillet pour de nouveaux droits de douane américains sur les produits européens a été repoussée au 1er août, laissant un sursis à la Commission européenne pour négocier un accord. Pour Michel Barnier, face à un Donald Trump « agressif » il faut la plus grande fermeté des Européens : « S'il nous attaque, nous répondrons. Ce sera perdant perdant (...) L’unité ne tombe pas du ciel. Il faut la construire au Conseil des ministres, à la Commission. L’importance du marché unique est la seule raison pour laquelle, et Monsieur Trump et d'ailleurs le président chinois nous respectent ».

    Michel Barnier considère que les États-Unis sont toujours nos alliés. Mais alliance ne veut pas dire allégeance : « voilà un président américain qui nous agresse commercialement et qui menace de laisser tomber l’Ukraine, un pays non membre de l’UE mais européen qui défend son intégrité. (Mais) M. Trump et l’administration actuelle ne seront pas toujours là », et les USA ont à long terme, avec l’UE, des intérêts stratégiques partagés comme la lutte contre le terrorisme ou le réchauffement climatique. Face aux mesures de rétorsion économiques de la Chine, Michel Barnier refuse l’appellation de guerre commerciale, mais appel à la plus grandes des vigilances : « ça ne peut pas être non plus la naïveté ».

    Alors que Londres et Bruxelles renouent un dialogue plus chaleureux, Michel Barnier, ancien négociateur du Brexit appelle à de nouvelles avancées, mais dans un cadre clair: « il n’y aura pas de beurre et l'argent du beurre en même temps » .

    Les institutions sous pression

    La présidente de la Commission européenne vient d’échapper à une motion de censure, et il pointe l’évolution de son institution : « il y a de moins en moins de collégialité et de plus en plus de gestion présidentielle ». Concernant la nouvelle enquête ouverte contre le Rassemblement national son ancien groupe ID au Parlement, l’ex-Premier ministre ironise : « l’extrême droite européenne, qui donne parfois des leçons de morale à tout le monde, doit respecter la loi ».

    L’ancien Premier Ministre juge que « la France pèse moins qu’avant en Europe ». Il l’attribue à sa dette, son manque de compétitivité, mais aussi à une surrèglementation nationale et européenne, notamment concernant le Pacte vert : « On ne résout pas la pollution contre les agriculteurs, les entreprises ou les citoyens. Il faut une écologie concrète, pas idéologique.» Malgré la chute de son gouvernement au bout de trois mois, après une motion de censure en décembre 2024, Michel Barnier participe « au débat dans ma famille politique dirigée par Bruno Retailleau, et j’en suis heureux. Je vais rester présent dans le débat politique. »

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  • Odile Renaud-Basso: «C’est notre rôle de prendre des risques en Ukraine et Cisjordanie»
    Jul 4 2025

    Cette semaine, nous recevons Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). L’institution bancaire a investi plus de 16 milliards en 2024, une année record.

    7 milliards pour reconstruire l’Ukraine

    La BERD est le principal investisseur institutionnel en Ukraine avec plus de 7 milliards prêtés depuis l’invasion du pays. « La France nous a apporté des garanties importantes pour nos activités en Ukraine qui permettent de réduire le risque pour la banque en tant que telle », explique-t-elle, « mais ça fait aussi partie d'un des mandats d'une banque publique de développement de soutenir des pays et le secteur privé dans des situations particulièrement difficiles ». Ces investissements « visent vraiment à financer l'économie réelle » et notamment le secteur de l’énergie où 2,5 milliards ont été investis. Ils contribuent également à l’effort de reconstruction des infrastructures détruites par les bombardements russes et au transport ferroviaire « parce que la logistique et le fonctionnement des chemins de fer est extrêmement important dans un pays en guerre ».

    En février 2025, une frappe russe a endommagé la structure enveloppant le réacteur accidenté de Tchernobyl, où se trouvent des débris radioactifs. Sa construction avait coûté plus d’un milliard et demi d’euros et avait été financé par la BERD et la communauté internationale. Les réparations du site sont estimées à plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’euros. « L'attaque du drone pose des questions de sécurité à long terme », alerte Odile Renaud-Basso, « avec des risques d'infiltration d'eau qui peuvent qui peuvent porter atteinte à la sécurisation de l'infrastructure ». La BERD est « très reconnaissante » à la France d’avoir apporté en mai une première aide de 10 millions d’euros pour « pouvoir commencer à prendre des mesures immédiates de court terme ». Odile Renaud-Basso prévient cependant que « ça va être un projet de longue haleine et on va avoir besoin de financements additionnels (…) Ça reste un sujet de préoccupation pour nous, de même que, d'une façon générale, la sécurité des infrastructures nucléaires en Ukraine, pour lequel on a apporté des financements importants dans le passé », souligne-t-elle.

    L’avenir est en Afrique…

    Depuis la création de la BERD, la banque a élargi ses activités à l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Ainsi, elle finance des projets en Cisjordanie « pour soutenir le secteur privé et l'activité des opérateurs économiques ». Elle estime que « ça fait partie de notre mission » de prendre des risques. « Évidemment, on mesure toujours le risque », ajoute-t-elle, mais « on bénéficie parfois de garanties », notamment de l'Union européenne ou des actionnaires bilatéraux de la BERD, pour continuer à travailler « dans des situations particulièrement difficiles ».

    En Afrique subsaharienne, où la BERD lance ses activités cette année, Odile Renaud-Basso insiste sur l’importance du secteur privé dans les stratégies de développement. Si le renforcement du secteur privé faisait partie du mandat historique de la BERD, elle constate que le succès de cette stratégie fait des émules et qu’« on voit, aujourd'hui de plus en plus de banques multilatérales d'ailleurs se tourner vers ce modèle et mesurer l'importance du secteur privé ». Selon elle, « compte tenu des enjeux démographiques, compte tenu du besoin de croissance économique et du besoin de transition économique, le rôle du secteur privé va être absolument essentiel ».

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  • Gunther Krichbaum: «Nous avons, comme Européens, une responsabilité» au Moyen-Orient
    Jun 27 2025
    Cette semaine, nous recevons Gunther Krichbaum, ministre allemand délégué aux Affaires européennes. Alors que le Moyen-Orient s’embrase, les Européens semblent faire figure de spectateurs et ne réussissent pas à faire entendre leur voix en faveur d’une résolution diplomatique. Il rappelle cependant les efforts de l’Europe pour «créer plus de stabilité» car «c'est toute la région où nous avons, comme Européens, une responsabilité». Gunther Krichbaum «pense que personne ne peut vivre en paix» si le régime iranien se dote de l’arme nucléaire. Il rappelle les liens historiques d’amitié entre Allemagne et Israël. Le ministre fait part de son « empathie » envers la population de Gaza, mais «peut comprendre la position d’Israël», un pays entouré de voisins qui lui sont hostiles et qui veulent le voir «disparaître de la carte». Après les frappes israéliennes et américaines sur l’Iran, les dirigeants européens ont affiché leurs divergences. Alors que le chancelier allemand Friedrich Merz a salué ces bombardements, Emmanuel Macron a déclaré que Washington avait agi hors du cadre de la légalité. Gunther Krichbaum estime cependant que l’objectif de la France et l’Allemagne reste le même. «Nous avons une volonté ensemble, la France et l'Allemagne, de créer la paix maintenant», par la voie de la diplomatie. «C'est indispensable de commencer maintenant avec des négociations, parce que la guerre, ce n'est pas le futur», affirme-t-il. Les alliés de l’Otan viennent de s’engager à investir 5% de leur PIB dans leur défense. «Il est nécessaire d'investir plus dans notre propre sécurité, parce que cette sécurité est menacée par la Russie», réagit Gunther Krichbaum, et «il est nécessaire de soutenir l’Ukraine». Or, il considère que les investissements actuels ne permettent pas d’assurer ce soutien. Cette augmentation des dépenses de défense arrive dans un contexte économique difficile pour de nombreux pays européens, dont la France et l’Allemagne. Le ministre insiste cependant sur leur importance «parce que sans sécurité, je ne peux rien réaliser en Europe», ni croissance économique, ni «garantir la liberté des gens». Les Européens sont également obligés de pallier le désengagement américain en Ukraine. «Nous voulons que les États-Unis restent dans le bateau» mais «c'est aussi la vérité qu'ils veulent se concentrer plus sur la région de la Chine», constate-t-il. Alors que la Commission européenne a commencé à introduire une ébauche de préférence européenne pour les dépenses de défense, Berlin reste très dépendante des achats d’armements américains. Gunther Krichbaum aimerait que son pays puisse à terme acheter plus d’armes européennes mais, actuellement, «ce n’est pas possible et c’est la réalité». Il rappelle qu’Emmanuel Macron est un partisan de longue date d’une «autonomie stratégique» européenne et le ministre allemand partage cette vision. «Il est nécessaire d'augmenter l'indépendance de l'Europe concernant l'armement, concernant aussi l'infrastructure», insiste-t-il. Il faut s’attacher à «devenir plus efficace en Europe». En effet, les Européens ne peuvent plus compter sur le soutien américain car Donald Trump «change très vite d’opinion» et «c'est quelquefois difficile de créer une politique où on peut vraiment calculer ce qu'il veut faire» d’un jour à l’autre. L’UE ainsi que l’Angleterre, qui doit être étroitement associée aux discussions sur la sécurité du continent, doivent assumer le soutien à l’Ukraine. Gunther Krichbaum appelle à apporter à Kiev toute l’aide nécessaire afin que l’Ukraine puisse arriver en position de force lors des négociations de paix. «Autrement, la Russie va dicter les conditions et il est nécessaire d'éviter ça», met-il en garde.
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  • Philippe Etienne: «L’Iran est une menace pour l’Europe»
    Jun 20 2025
    « Les Européens ont toujours été très fermes » face à l’Iran Alors que l’escalade militaire se poursuit entre Israël, nous recevons l’ambassadeur de France Philippe Etienne qui a été en poste à Washington, Moscou, Berlin et auprès de l'UE. Israël a frappé l'Iran afin d’éradiquer le programme nucléaire du pays qui représente une menace pour sa survie, selon le gouvernement israélien. De nombreux hauts gradés iraniens ont été également tués dans ces premières attaques. Depuis, les bombardements israéliens se poursuivent, tout comme les tirs de réplique de l’Iran. Philippe Etienne souligne la dangerosité de l’Iran qui représente une « menace pour l'environnement régional, notamment pour Israël » et « même en balistique, une menace pour l'Europe ». Il rappelle que si « les Européens ont toujours été très fermes, notamment la France » face à l’Iran, ils sont également « à l'origine du traitement diplomatique » du nucléaire iranien sous l’impulsion du groupe E3 (Allemagne, France et Royaume-Uni) dès le début des années 2000. L’ambassadeur estime que les Européens ne sont pas à blâmer après l’échec de la voie diplomatique. « Ce n'est pas nous qui avons échoué, c'est l'Iran et aussi les États-Unis qui sont sortis de l’accord », affirme-t-il. Lors du premier mandat de Donald Trump, les États-Unis s’étaient retirés de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, concrétisant ainsi une promesse de campagne du président américain. « Toutes les forces de Vladimir Poutine sont concentrées » sur l’Ukraine Moscou qui n’avait déjà pas réussi à éviter l’effondrement du régime de Bachar al-Assad en Syrie, échoue une nouvelle fois à soutenir un de ses alliés, l’Iran, dans le conflit qui l’oppose à Israël. « C’est un affaiblissement incontestablement de la Russie dans cette grande région stratégique », selon Philippe Etienne, qui y voit un recentrage des priorités de Vladimir Poutine. « L'essentiel aujourd'hui et toutes ses forces sont concentrées sur cet essentiel, c'est l'Ukraine », estime-t-il. Le président russe profite du fait que l’attention des Occidentaux se tourne vers le Moyen-Orient « donc, il faut convaincre cette administration américaine de maintenir malgré tout, sur certains plans, une attitude qui nous aide, nous les Européens, à soutenir l'Ukraine, qu'il s'agisse de soutien financier, mais surtout de soutien militaire, de soutien en équipement militaire, de force de réassurance comme la coalition des volontaires européens y travaille ». « Il faut une préférence européenne » pour les achats d’armements Les Européens augmentent leur soutien à l’Ukraine pour pallier le désengagement de Washington et « peuvent dans une certaine mesure, se substituer aux Américains », selon Philippe Etienne. Cependant, en termes de capacité de production d’armes, « nous sommes dans une phase de transition qui va d'ailleurs, dans un terme plus ou moins rapproché, permettre à l'Europe, dans les cas comme celui de l'Ukraine aujourd'hui, d'être plus autonome mais ça, ça ne va pas se passer du jour au lendemain ». La Commission européenne vient de présenter son cinquième paquet Omnibus de simplification et consacre celui-ci spécifiquement à la défense européenne. Il permettrait de mobiliser près de 650 milliards d’euros, en autorisant les pays membres à augmenter leurs dépenses de défense sans déclencher de procédure de déficit excessif. La Commission va également mettre 150 milliards à disposition des États membres sous forme de prêts pour investir dans leur défense, avec des conditions limitant l’achat d’armements extérieurs à l'UE, à ses partenaires européens de l'EEE-AELE et à l'Ukraine. Philippe Etienne se déclare en faveur de cette règle car « il faut une préférence européenne, parce que sinon l'industrie européenne ne va pas réussir à se développer quand les Européens sont capables de produire à coût raisonnable des matériels ». « C'est cela qu'il faut que les armées européennes achètent », ajoute-t-il.
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  • Marcos Perestrello: «Les Américains n'ont pas réduit leur engagement envers l'OTAN»
    Jun 13 2025
    Cette semaine, nous recevons Marcos Perestrello, président de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Face aux diverses menaces militaires et conflits en cours, il insiste sur la nécessité d’augmenter le budget de défense des pays membres de l’Alliance atlantique. L’Assemblée parlementaire de l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord) est un hémicycle qui réunit 281 parlementaires issus des 32 pays membres de l’alliance. Elle leur permet de se rencontrer afin de débattre de problèmes de sécurité d'intérêt commun. Selon son président, le Portugais Marcos Perestrello, «l'OTAN est une organisation défensive qui veut défendre un mode de vie démocratique.» «Il faut faire tous les efforts pour conduire à la désescalade» Alors qu’Israël a mené une première série de frappes contre des cibles militaires et nucléaires en Iran, Marcos Perestrello, tout comme le secrétaire général de l'OTAN Mark Rutte, appelle à la désescalade : «Il faut absolument faire tous les efforts pour conduire à la désescalade entre Israël et l'Iran. L'Iran n'est pas un pays ami, c'est un pays qui est près de la Russie et qui la soutient dans la guerre contre l'Ukraine. [...] L’Iran est une menace pour la sécurité régionale», alerte-t-il. «La décision d'Israël d'attaquer le programme nucléaire iranien est une décision unilatérale, qui a été prise pendant des négociations entre les États-Unis et l'Iran,» poursuit Marcos Perestrello, ajoutant que l’administration américaine a expliqué être prévenue mais pas impliquée dans l'attaque. «Il faut avoir des capacités fortes et crédibles» Face aux diverses menaces militaires et conflits en cours, l'OTAN souhaite que les pays membres s'engagent à consacrer 3,5% de leur PIB pour les dépenses militaires et 1,5% pour toutes celles liées à la sécurité, soit un total de 5%. L’augmentation est ambitieuse alors que la moyenne actuelle des dépenses liées à la défense est de 2%. «Il faut avoir du temps pour atteindre ces objectifs,» reconnaît le président de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. «Il faut être conscient que pour avoir une défense et une dissuasion forte et crédible, il faut également avoir des capacités fortes et crédibles. Il faut faire des investissements. Augmenter leurs dépenses, c'est ce que les Américains demandent de l'Europe et du Canada. De ce point de vue, ils ont en partie raison parce qu'il faut avoir une alliance plus équilibrée et plus juste dans laquelle tous les membres font des contributions proportionnelles à leurs capacités économiques et militaires. C’est une demande des Américains qu’il est difficile de contester dans un cadre de justice et d'égalité entre les États.» «Nous voulons une vraie capacité industrielle européenne» Marcos Perestrello appelle au renforcement de la défense européenne et de la capacité de production d'armement : «Il faut développer une capacité industrielle européenne effective qui sera capable de répondre à toutes les volontés des États. [...] Si nous voulons une vraie capacité industrielle européenne, elle doit être européenne et non pas espagnole, française, portugaise ou allemande. Elle doit être européenne, en impliquant des entreprises de tous les pays.» «L'OTAN défend un moyen de vie démocratique» Face à la recrudescence des attaques hybrides comme les cyberattaques, la désinformation en ligne ou le sabotage de câbles dans la mer Baltique, l’OTAN a un rôle clé à jouer. Selon Marcos Perestrello, l’augmentation de l’investissement dans la défense ne doit pas seulement s’appliquer au «domaine militaire mais aussi au domaine civil et à la sécurité civile.» «La désinformation est responsable de l’augmentation considérable du discours antidémocratique dans l'espace européen. Il faut la combattre aussi.» Au Portugal, le parti d'extrême droite Chega a réalisé une percée historique lors des élections législatives de mai 2025 en obtenant 20% des voix, soit 60 sièges au Parlement. Il devient ainsi la première force d'opposition, devant le parti socialiste. Selon Marcos Perestrello, également député socialiste portugais et ancien secrétaire d'État à la Défense nationale et aux Affaires maritimes, il se passe dans son pays «la même chose qu’il se passe dans le reste de l'Europe». «Cela a pris un peu plus de temps pour arriver ici. Mais il y a également eu une certaine désinformation [...] pour contrôler les réseaux sociaux. L’objectif de cette force est toujours de créer de l'instabilité pour arriver au pouvoir. Ils ne seront jamais, je suis convaincu de cela, une force capable de contribuer à la stabilisation du gouvernement.»
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  • Manon Aubry: «Nous sommes proches de l'arrivée du fascisme partout en Europe»
    Jun 6 2025
    Cette semaine, nous recevons Manon Aubry, députée européenne et co-présidente du groupe de La Gauche au Parlement européen. Elle revient sur la directive sur le devoir de vigilance, commente le détricotage du Pacte vert, la montée de l’extrême droite en Europe et appelle à des mesures strictes contre Israël face au drame humanitaire à Gaza. L’eurodéputée, membre du parti de gauche La France insoumise en France, a beaucoup planché sur la directive européenne dite CS3D sur le devoir de vigilance des grandes entreprises qui opèrent en Europe. Elle leur impose, grâce à un arsenal de sanctions, des règles en matière de respect de l’environnement et des droits humains tout au long de leur chaîne de production même chez leurs sous-traitants. «Cette directive est plus qu'en danger»Le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Friedrich Merz s’opposent désormais à sa mise en application. «Cette directive est plus qu'en danger aujourd'hui», alerte Manon Aubry. «C’est le fruit de cinq ans de longues négociations. […] Vous adoptez un texte démocratiquement et avant même qu'il soit mis en vigueur, moins d'un an après, il est complètement mis à terre par le poids des lobbys, relayés par Emmanuel Macron, la droite et l'extrême droite au Parlement européen, mais aussi par la complicité des socialistes,» selon elle. «Nous sommes en train d'assister à une nouvelle alliance»En termes de protection de l’environnement, des ONG et certains partis accusent également la Commission européenne de détricoter le «Pacte vert» mis en place lors de sa précédente mandature. «Nous avons complètement changé de dynamique entre ces deux mandats», estime Manon Aubry. «Au Parlement européen, comme dans l'ensemble des institutions européennes, nous sommes en train d'assister à une nouvelle alliance. C'est l'alliance de la droite et de l'extrême droite […] Cela se traduit par une offensive sans précédent vis-à-vis de toutes les normes environnementales qui existent sur la scène européenne», poursuit-elle. Elle fustige l’inaction du groupe socialiste au Parlement européen, deuxième groupe de l'hémicycle en termes de nombre de députés : «J'en veux terriblement à une partie de la gauche et notamment aux socialistes […] C'est un groupe qui a pour tradition de travailler avec les libéraux et la droite dans le cadre de ce qu'on appelle le bloc majoritaire. Mais la réalité, c'est qu'à aucun moment, les socialistes n'ont mis en place une stratégie pour défaire cette alliance de la droite et de l'extrême droite.» «Réveillez-vous avant qu'il ne soit trop tard»Face à la montée de l’extrême droite en Europe, elle appelle à un sursaut : «Nous sommes à minuit moins le quart avant l'arrivée du fascisme partout en Europe. Le fascisme est déjà là en Italie, en Hongrie, en Pologne, dans de nombreux États européens. Les socialistes vont regarder le train passer. Je dis à mes amis socialistes : «Réveillez-vous avant qu'il ne soit trop tard, parce qu’il est probablement déjà un peu trop tard», estime la co-présidente du groupe «La Gauche» au Parlement européen. En Hongrie, la droite ultra-conservatrice de Viktor Orban a enfreint le droit européen en interdisant, par une loi de 2021, la «promotion» de l'homosexualité et de la transidentité auprès des mineurs. Le Premier ministre hongrois tente également d’adopter une loi visant à bannir la marche des fiertés prévue dans son pays le 28 juin. La marche n’a toutefois pas été officiellement interdite à ce stade. Un événement auquel compte participer Manon Aubry : «Je conduirai une délégation de mon groupe, d'une dizaine de députés du groupe de la gauche qui viendront de partout en Europe. […] L'objectif, c'est de dire à Viktor Orban qu’on a le droit d'être qui on est. On a le droit d'aimer qui l'on veut. Cette offensive sans précédent de la part d'un gouvernement européen vis-à-vis des droits LGBT est en réalité, une offensive contre les droits les plus fondamentaux,» estime la députée de gauche. «Nous ne faisons pas que stagner, nous retournons en arrière»Autre pays où la droite ultra-conservatrice a remporté la présidence, la Pologne, avec Karol Nawrocki, soutenu par le parti nationaliste Droit et Justice (PiS). Il s’oppose au gouvernement pro-européen de son Premier ministre Donald Tusk qui souhaitait légaliser les unions entre couples du même sexe et le droit à l'avortement. «Nous ne faisons pas que stagner, nous retournons en arrière,» commente Manon Aubry au sujet de l’avenir de la Pologne. «Donald Tusk qui a été élu en Pologne sur la promesse de légaliser le droit à l'avortement […] n'a rien fait», dénonce-t-elle. Si elle reconnaît que le Premier ministre polonais est en situation de cohabitation avec un président proche du parti nationaliste, elle estime qu’il «aurait pu lancer la ...
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  • Edi Rama: «Notre relation avec la Turquie n’est pas en compétition avec notre alliance avec l’UE»
    May 30 2025
    Cette semaine, nous recevons Edi Rama, Premier ministre albanais. Adhésion à l’UE, lutte contre la corruption en Albanie et contre l’influence russe dans les Balkans, il liste les défis à mener par son gouvernement. Le 11 mai dernier, le socialiste Edi Rama a remporté les élections législatives en Albanie. Cet ancien pays communiste de 2,4 millions d’habitants a vu son Premier ministre réélu pour un quatrième mandat après dix ans au pouvoir.« Les Albanais aiment l'Europe, ils veulent l'Europe »L’un de ses principaux thèmes de campagne a été l’adhésion de son pays à l’Union européenne [UE] d’ici 2030. « Les Albanais aiment l'Europe, ils veulent l'Europe. L'histoire nous a montré qu’il n’y a rien de mieux que l'Union européenne », explique le Premier ministre. Selon lui, elle représente « un espace de paix et de sécurité ». « Les nouvelles générations en Europe ont un peu perdu ce sens et ce lien avec l'histoire. Pour nous, cela est encore très fort et cela nous donne de la clairvoyance sur l'importance de l'Union européenne », poursuit-il.Edi Rama et son parti ont décroché 83 sièges de députés sur les 140, ce qui représente une large majorité au Parlement. L’élection était scrutée de près par l’UE afin de s’assurer du bon fonctionnement des institutions du pays. La Commission européenne note que ces élections ont été, comme souvent en Albanie, hautement polarisées, avec un langage de campagne très violent entre les deux grands partis historiques. « Il y a des interprétations différentes. Je trouve que c'est plus violent en France par exemple, où il y a eu pendant ces dernières années une sorte de fracture dans la société, dans la politique. La politique au Royaume-Uni est très violente. Il y a des choses qui se disent au sein de la House of Commons [chambre basse du Parlement] que nous n'aurions pas imaginé pouvoir être dites. Ce n'est pas une nouveauté », se défend le Premier ministre albanais.« L'Albanie est alignée avec l'UE dans sa politique étrangère »En termes de positions géostratégiques, l’Albanie s’aligne sur Bruxelles, notamment en ce qui concerne le soutien ferme à l’Ukraine et la dénonciation de la Russie. « L'Albanie est toujours alignée avec l'Union européenne dans sa politique étrangère et dans notre processus de négociation pour finalement adhérer à l'UE », confirme le Premier ministre. « Notre position a toujours été claire et nette, mais je pense que dans le même temps, l'UE doit faire de son mieux pour réussir à se réinventer dans le nouveau contexte créé spécialement par l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche et en général face aux nouveaux pouvoirs émergents dans la politique internationale. »« En Albanie, il n’y a pas d'influence russe »Vladimir Poutine cherche à étendre son influence dans la région des Balkans. Le président serbe Aleksandar Vucic, par exemple, a été le seul dirigeant parmi les candidats à l'adhésion à l'UE à avoir participé le 9 mai à Moscou aux commémorations à l'invitation du président russe. L’Albanie, quant à elle, est plus proche de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. Des puissances russes et turques qui semblent mener une lutte d’influence dans les Balkans. Une idée que contraste le Premier ministre albanais : « C'est un peu les stéréotypes faciles des Occidentaux. Non, ce n’est pas comme ça. […] La Serbie est entre l'Europe et la Russie et l'influence du président russe est importante. En Albanie ou au Monténégro, ce n’est pas la même chose. En Albanie, il n’y a pas d'influence russe. […] Ce n’est pas une région où la Russie a une influence énorme. L’endroit où la Russie peut créer de la rupture c’est en Serbie et en Republika Srpska [république serbe de Bosnie] en Bosnie-Herzégovine. » Quant à la relation de son pays avec la Turquie, il la qualifie de « relation traditionnelle et fraternelle depuis très longtemps » : « C'est une relation qui n’est aucunement en compétition avec notre alliance avec l'Union européenne », précise-t-il. « C'est la raison pour laquelle nous avons rejoint le chemin de l'UE »Dans un rapport publié le 30 octobre dernier, la Commission européenne note les progrès et les priorités des pays candidats à l’entrée dans l’UE. Au sujet de l’Albanie, elle s’inquiète de voir une corruption encore trop présente dans ses institutions, bien qu’elle reconnaisse des progrès. Les trois premiers mandats d’Edi Rama ont été marqués par des scandales liés à la corruption. « Je n'ai rien à répondre », explique Edi Rama interrogé sur le sujet. « C'est l'état de fait. C'est exactement la raison pour laquelle nous avons rejoint le chemin de l'Union européenne. C'est le seul chemin pour transformer un pays comme le nôtre ou comme un pays balkanique en un État de droit. L’UE est ...
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  • Stéphane Séjourné : «Il faut de la simplification et donner des flexibilités aux entreprises»
    May 23 2025
    Cette semaine, nous recevons Stéphane Séjourné, vice-président exécutif chargé de la prospérité et de la stratégie industrielle à la Commission européenne. Simplification administrative et négociation des droits de douane, il présente les mesures pour relancer la compétitivité des Vingt-Sept et nous parle du défi démocratique en Roumanie et Pologne. La Commission européenne a dévoilé sa nouvelle «stratégie pour le marché unique» européen ayant pour objectif de lever les barrières internes et d’inciter les entreprises européennes à investir sur le continent. «Le contexte international fait du marché intérieur une valeur refuge pour les entreprises européennes. Or, elles sont plus facilement internationalisées qu’européanisées», explique Stéphane Séjourné, vice-président exécutif chargé de la prospérité et de la stratégie industrielle à la Commission européenne et également ancien député européen du groupe Renew. Selon lui, les barrières réglementaires empêchent certaines entreprises européennes de se développer dans d’autres pays européens.«Il faut de la flexibilit黫Nous avons mis en place des dispositifs pour simplifier et harmoniser l'ensemble des règlements. Il y aura un objectif, y compris celui d’un 28ᵉ régime pour les entreprises qui veulent opérer sur le marché européen», détaille-t-il. Face aux tensions commerciales actuelles entre l’Union européenne (UE) et la Chine ou avec les États-Unis, Stéphane Séjourné appelle à «réduire nos dépendances» envers ces pays. «Le marché européen de 450 millions de consommateurs doit [...] offrir des perspectives de croissance pour nos entreprises européennes et notamment pour les entreprises françaises.»Cette stratégie prévoit notamment d’exempter les petites et moyennes entreprises d'être inscrites au portail de la gestion des émissions carbones. Les ONG environnementales dénoncent une dérégulation déguisée qui irait à l’encontre des engagements pris par les Vingt-Sept en faveur de la protection du climat. «Nous avons décidé de garder les standards que nous avions fixés lors de la dernière mandature, c’est-à-dire la décarbonation de notre économie d’ici 2050. [...] L'objectif est intangible», se défend Stéphane Séjourné. «Nous sommes pragmatiques dans le contexte international qui a changé le contexte d'incertitude économique au sein du marché intérieur et donc de notre propre économie européenne. Il faut donner des flexibilités. Cela ne veut pas dire déréguler notre système, mais c'est retirer le papier, harmoniser les règles, pousser les États membres à justement faire des convergences fiscales et administratives sur un certain nombre de secteurs», tempère le commissaire européen. Face au climat d'incertitude économique, il insiste sur la nécessité d’être flexible : «Si vous rendez fixe le chemin, vous perdez toute marge de discussion et de négociation, et notamment d'adaptabilité économique».«Il faut défendre l'intérêt européen au fur et à mesure des soubresauts de l'administration Trump»Donald Trump a brandi de nouvelles menaces sur les droits de douane en ciblant l'UE, visée par une surtaxe de 50% sur ses produits exportés aux États-Unis. Depuis le début des discussions, les Vingt-Sept sont partagés entre une réponse forte basée sur des représailles douanières et sur une volonté de continuer la négociation. «Pendant cette période, il ne faut pas de doctrine. Il ne faut pas choisir une option ou une autre. Je pense qu'il faut défendre l'intérêt européen au fur et à mesure des soubresauts de l'administration Trump et du contexte international», explique Stéphane Séjourné. «Je prône de ne surtout rien noter de définitif dans les propositions que nous pouvons faire tant que nous n'avons pas une proposition américaine sur la table», détaille-t-il. Selon lui, certains secteurs de production nécessiteront une «réciprocité complète» en termes de droits de douane appliqués aux produits américains, comme l’aéronautique : «S’il y a 10 % sur Airbus, il faut qu’il y ait 10 % sur Boeing». Dans d’autres secteurs, la réciprocité n’est pas dans l’intérêt de l’UE selon lui. «L'Europe a bien entrepris cette négociation. Elle a été moins vocale que les Américains, mais également unie dans la période», affirme le vice-président exécutif à la Commission. «Une partie de la réglementation pourrait affaiblir la demande de véhicules» En Europe, le marché de l’automobile représente 13 millions de travailleurs directs et indirects. Une industrie automobile européenne que Stéphane Séjourné estime «en danger de mort» notamment à cause de l’imposition de nouveaux droits de douane américains, de mauvais choix stratégiques et d’un excès de normes européennes. «Il y a un risque commercial fort puisque nous exportons des véhicules. Des...
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