La communauté hispanique est désormais la première minorité aux États-Unis. L’Arizona, un État historiquement conservateur, pourrait élire pour la première fois depuis 26 ans un président démocrate, notamment grâce au vote des Latinos qui représentent aujourd’hui un tiers de la population et un quart des électeurs potentiels. En 2016, ils avaient massivement voté pour la candidate démocrate Hillary Clinton. Mais la communauté hispanique est aussi caractérisée par son taux d’abstention. Il y a quatre ans, ils n’étaient que 46% à s’être déplacés aux urnes. Tout l’enjeu pour les démocrates est donc de mobiliser ce vivier d’électeurs. Les personnes en âge de voter, identifiées comme membres de la communauté hispanique, sont très courtisées, voire même un peu trop. « Je reçois des appels, des textos, des emails tous les jours. C’est la première fois que cela m’arrive en 24 ans aux États-Unis ! », explique Mario Romero, patron d’un restaurant de « sushis latinos », à Mesa, dans la banlieue de Phoenix. Lui dit voter pour Joe Biden, un candidat dont il « partage les valeurs ». Mais son fils de 18 ans s’apprête à voter pour Donald Trump.Pour convaincre les Latinos de se rendre aux urnes, un grand programme de porte-à-porte a été lancé, par Unite Here 11, la branche régionale du plus gros syndicat de l’hôtellerie-restauration. Rendez-vous est donné dans la banlieue ouest de Phoenix aux 70 personnes sont appelées à quadriller des quartiers ce jour-là. Tous ont perdu leur emploi en raison de la crise sanitaire et ont été embauchés par le syndicat le temps de la campagne électorale. Objectif : frapper à 800 000 portes avant le 3 novembre. Les moins de 35 ans sont la première cible de cette campagne : plus de 100 000 jeunes d’origine hispanique ont eu 18 ans depuis les élections de mi-mandat de 2018 et sont donc désormais en âge de voter en Arizona.« Beaucoup pensent que leur voix ne compte pas »Visière sur le front, Maggie Acosta, 55 ans, d’origine mexicaine, prend la température de tous les démarcheurs à leur arrivée. Ce qui l’a poussée à s’engager, c’est de se retrouver seule chez elle avec son fils malade du Covid-19, sans assurance santé. Elle n'en a plus depuis qu'elle a perdu son emploi dans un restaurant de l’aéroport de Phoenix. « Donald Trump nous a laissé tomber, il a très mal géré cette crise », explique-t-elle. Mais pas évident de convaincre les membres de sa communauté de se déplacer pour autant. « Souvent, ils ont peur des représailles », confie Maggie Acosta, lors de sa tournée de porte-à-porte. « D’autres pensent que leur voix ne va pas compter. C’est en allant parler aux gens, en face à face, qu’on pourra les convaincre et gagner ». Sur dix portes toquées, elle n’engagera finalement qu’une seule conversation. En moyenne, Maggie Acosta frappe à 80 portes par jour.Dina est aussi venue prêter main forte. Elle est Salvadorienne et vit aux États-Unis grâce au TPS, un statut de protection spécial menacé d’annulation par Donald Trump. Elle ne peut pas voter, mais sa fille, qui est née sur le sol américain, « défendra la famille ». « Elle a décidé elle-même pour qui elle allait voter et elle a pris la bonne décision. Elle voit que sa mère s’est battue pour vivre dans ce pays et qu’il ne faut pas qu’on nous sépare. Je me suis engagée auprès de Unite Here car j’en ai assez des familles séparées, des enfants mis en cellules à la frontière. Ça suffit », lance-t-elle.Compenser l’absence des démocrates sur le terrainSi ces syndicats et ces associations se mobilisent, c’est aussi pour compenser l’absence de la campagne officielle démocrate, trop peu visible. Le porte-à-porte a été banni pour cause de pandémie et Joe Biden ne s’est déplacé qu’une seule fois en Arizona avec sa colistière Kamala Harris, contre six fois pour Donald Trump. La campagne du président a aussi dépensé des millions de dollars en publicité télévisées en espagnol et ouvert trois bureaux dédiées à la communauté hispanique. « Nous avons aussi bien sûr continué le porte-à-porte. On leur a écrit des lettres, des cartes postales », détaille Rae Chornenky, la présidente du comité républicain du comté de Maricopa, qui concentre plus de 60% des électeurs. « On les sensibilise aussi à travers travers la foi, dans les lieux de cultes, et nous avons fait entrer des leaders religieux dans la direction de notre parti ». Pour l’équipe de campagne du président Trump, l’objectif n’est pas de remporter la majorité du vote latino. Rae Chornenky consent que cela soit infaisable. Mais même une légère augmentation des soutiens pourrait permettre de grignoter quelques voix précieuses, voire déterminantes dans cet État pivot.