Élisée Reclus, géographe et militant anarchiste français de la fin du XIXème siècle, a été un précurseur de la géographie sociale. Communard, végétarien et féministe, écrivain prolifique, perpétuel exilé et grand voyageur, l’auteur de la « Nouvelle géographie universelle » a posé les bases de l’écologie politique. Élisée Reclus est né le 15 mars 1830 à Sainte-Foy-la-Grande, en France, dans une famille protestante, le quatrième de quatorze enfants. Son père est pasteur et voudrait qu’Élisée suive la même voie. Mais après un passage chez les Frères Moraves en Prusse, il suit, avec son frère Elie, des études à la faculté de théologie de Montauban, dont les deux garçons seront exclus à la suite d’une fugue.C’est le premier voyage du jeune Élisée, qui perd la foi mais est séduit par les idéaux socialistes de son époque. Le jeune homme choisit finalement de partir étudier la géographie à Berlin avec Carl Ritter, l’un des fondateurs de la géographie moderne.Citoyen de la terreEn 1851, les frères Reclus sont de retour en France. Engagés politiquement pour la République, ils manifestent contre le coup d’État de Napoléon III, à la suite de quoi, menacés d’être arrêtés par la police, ils décident de s’enfuir en Angleterre.De Londres, où il vit dans la pauvreté, Élisée part en Irlande, puis aux États-Unis. Là, révolté par l’esclavage, il quitte pour l’Amérique du Sud et s’installe comme planteur en Colombie, mais il tombe malade et c’est un échec.Le jeune homme retourne en France en 1857.Sitôt rentré, Élisée Reclus reprend le militantisme, publie régulièrement dans les revues socialistes et anarchistes, et en 1864, les frères Reclus adhèrent à l’Association internationale des travailleurs – AIT, première internationale –.Pendant la Commune de Paris, en 1871, Élisée s’engage comme volontaire contre le gouvernement de Thiers et est fait prisonnier. Condamné au bannissement après 11 mois de prison, Élisée et sa famille s’installent en Suisse en 1872.Exilé politique pendant toute sa vie, Élisée Reclus s’est nourri de son exil : « C’est un citoyen de la terre, il avait des connaissances savantes extrêmement étendues, mais aussi directes, par tous les gens qu’il a croisés et la nature qu’il a observée », raconte l’historienne des sciences et de l’environnement Valérie Chansigaud.Écrivain foisonnantEntré à la Société de géographie en 1858, Élisée Reclus est désormais un géographe reconnu. À partir de 1859, il écrit des articles très appréciés pour la Revue des Deux Mondes et voyage dans toute l’Europe. Le géographe est fasciné par la beauté de la nature qu’il traverse, par les liens qu’entretiennent les humains avec leur environnement, et il écrit, raconte et dessine des cartes au fil de ses voyages.Élisée Reclus publie son premier livre en 1861, Voyage à la Sierra Nevada de Sainte-Marthe, où il raconte son aventure colombienne, et en 1868, c’est au tour de La Terre, un traité de géographie générale qui décrit la vie du globe et constitue le premier volume de la trilogie qui sera composée de la Nouvelle géographie universelle et L’Homme et la terre – 27 volumes au total –.En 1875, la Nouvelle géographie universelle commence à paraître en feuilleton, et reçoit un véritable succès public : « C’est un des premiers grands ouvrages de géographie où les pays d’Europe n’ont pas la place dominante, où les continents et les régions sont présentés à leur juste place. C’était excitant de découvrir le monde synthétisé de façon brillante par un très grand géographe », déclare Valérie Chansigaud.Géographie, écologie et anarchismeChez Reclus, la géographie et l’anarchisme sont inséparables, analyse Valérie Chansigaud : « Ce qui l’intéresse c’est comment les humains, les sociétés s’organisent avec leur environnement naturel. C’est un penseur avant tout de la liberté, et la géographie est un bon cadre pour penser la liberté parce que la liberté s’inscrit toujours dans un territoire. »L’écologie n’existe pas encore, mais le géographe observe les transformations de l’environnement engendrées par le développement humain, l’agriculture industrielle et le capitalisme.Reclus n’est pas pour la préservation d’une nature sans humains mais la qualité de vie dépend de nos choix de société. Dans L’Homme et la terre, il écrit : « L’Homme vraiment civilisé aide la terre au lieu de s’acharner brutalement contre elle ; il apprend aussi comme artiste, à donner aux paysages qui l’entourent plus de grâce, de charme ou de majesté. Devenu la conscience de la terre, l’homme digne de sa mission assume par cela même une part de responsabilité dans l’harmonie et la beauté de la nature environnante. »Une philosophie de la natureÀ l’aide de ses vastes ...