Le prix Nobel d’économie 2023 a été décerné à Claudia Goldin Cette économiste de 77 ans, professeure d’économie à Harvard est récompensée pour ses études sur les inégalités entre les hommes et les femmes sur le marché du travail. Elle devient la première femme à être - seule - lauréate du Prix. Claudia Goldin ne se considère pas que comme économiste : « J’ai toujours voulu être détective, répond-elle au téléphone du jury du prix Nobel qui l’appelle peu après sa récompense. Je mène ce travail de détective dans des documents d’archives. Il fut un temps où nous n'avions pas cette énorme quantité de données à notre disposition : il fallait donc les exhumer. »Claudia Goldin va donc passer sa vie à éplucher les données et les statistiques dans les bibliothèques, dans les registres des banques et des entreprises et compile deux-cents ans d’histoire économique. Cette fouille minutieuse lui permet de dessiner une courbe de l’évolution de la participation des femmes au marché du travail sur deux siècles.L’économiste montre que la participation des Américaines au marché du travail n’évolue pas comme on pourrait le croire, de façon linéaire et continue dans le temps, mais plutôt selon les époques et les bouleversements économiques.Au début des années 1800, les femmes travaillaient par exemple massivement dans le secteur agricole. Ce n’est que plus tard, au moment de la révolution industrielle au XIXe siècle, qu’elles se retirent peu à peu de la vie active pour ensuite y revenir à partir des années 1960.Inégalités de salaires, discrimination à l’embaucheSes travaux permettent en lumière les inégalités en fonction des genres. Bien qu’une partie des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes s’expliquent par des différences d’éducation ou de choix professionnels, Claudia Goldin démontre que l’arrivée du premier enfant est un facteur déterminant d’accroissement des disparités salariales entre les hommes et les femmes.À la fin des années 1960, Claudia Goldin décrit aussi l’avènement d’une « révolution silencieuse » avec l’arrivée de la pilule aux États-Unis. Dès lors, explique la chercheuse, les Américaines n’hésitent plus à se lancer dans de longues études comme dans le droit ou la médecine. « Pour elle, la contraception donne aux femmes le moment de choisir quand elles vont avoir des enfants et donc des carrières qui nécessitent un certain investissement, note Cecilia Garcia-Peñalosa, directrice de recherche au CNRS et membre de l’École d’économie Aix-Marseille (AMSE). Claudia Goldin considère que c’est une liberté médicale mais qui donne aussi une liberté énorme aux femmes. »PionnièreNée à Brooklyn en 1946, Claudia Goldin se rêvait d’abord biologiste. Mais c’est à l’université qu’elle découvre l’économie. En 1990, elle deviendra d’ailleurs la première femme à la tête du département d’économie de l’université de Harvard.Ce lundi 9 octobre, Claudia Goldin est devenue la première femme, récompensée seule, depuis la création du Prix Nobel d’économie en 1968. Les deux précédentes lauréates, la Française Esther Duflo (2019) et l’Américaine Elinor Olstrom (2009) l’avaient partagé avec des hommes (Abhijit Banerjee et Michael Kremer pour la première, et Oliver Williamson pour la seconde).Pionnière, Claudia Goldin l’est aussi à travers ses recherches. Personne comme elle n’avait auparavant combiné histoire et théorie économique sous l’angle de l’étude de la place des femmes sur le marché du travail, ce qui fait d’elle un pilier de « l’économie de genre ».« Pour combattre les inégalités, mieux faut-il les comprendre, les mesurer et voir les dynamiques à l’œuvre, analyse Hélène Périvier, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et l’une des héritières de Claudia Goldin. La participation des femmes au marché du travail dans les pays riches et démocratiques, c'est le phénomène socio-économique majeur du XXe siècle. Donc travailler sur cette question-là, récompenser les travaux qui sont venus éclairer ces dynamiques, ça me semble être quelque chose de tout à fait positif. »Seuls 16% des économistes sont des femmesLundi, à l’annonce de son prix Nobel, Claudia Goldin a salué une récompense « très importante » mais rappelé qu’il « reste de grandes inégalités ». Exemple, au sein même de sa discipline, l’économie où les Américaines ne représentaient, d’après une étude de 2017, que 16% des effectifs. C’est ainsi pour tenter d’inverser la tendance qu’elle a créé un programme pour inciter les jeunes filles à se diriger vers un cursus économique.« Claudia Goldin, explique Hélène Perivier, a permis d’éclairer la situation des femmes sur le marché du travail aux États-Unis. C’est une...