Pour sonder les relations de Jean-Michel Basquiat au continent africain, revenons d’abord sur la trajectoire de l’artiste : retour à son enfance new-yorkaise, et à son adolescence rebelle et vagabonde dans le bas Manhattan, où la scène underground est en ébullition. C’est dans cet écosystème chaotique et fécond que s’affirme Basquiat, d’abord par ses tags énigmatiques sur les murs, puis ses représentations du chaos urbain. Il s’essaie même à la musique.

Avec Vincent Bessières, commissaire de l’exposition Basquiat Soundtracks (Philharmonie de Paris, avril à juillet 2023), et Ernest Duku, artiste peintre ivoirien.

Seul Noir à percer dans le monde très blanc et fermé de l’art contemporain new-yorkais, Jean-Michel Basquiat décide dans nombre de ses toiles de rendre hommage aux figures noires que sont les boxeurs et les jazzmen, comme s’il se reconstruisait une généalogie, racontant une autre histoire de l’Amérique. Aux sources de cette histoire, l’Afrique, à laquelle certains de ses aïeux ont été arrachés. Les griots, les masques, les gravures rupestres s’invitent dans son œuvre.

Avec le peintre Ernest Duku, et Vincent Bessières, commissaire de l’exposition Basquiat Soundtracks (Philharmonie de Paris, avril à juillet 2023).

En 1986, le peintre Jean-Michel Basquiat a enfin l’occasion de se rendre en Afrique. Son marchand organise pour lui une exposition à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Elle a lieu au Centre culturel fançais, et donne l’occasion à Basquiat de parcourir le pays, et d’avoir un répit hors de la vie chaotique de New York. Ce voyage le marque, et l’appelle à revenir.

Avec Georges Courrèges (ancien directeur du Centre culturel français d’Abidjan), Kaidin (artiste plasticienne qui a accompagné Basquiat à Korhogo), Mimi Errol (galeriste et critique d’art) et le peintre Jacobleu, qui dirige la galerie d’art « Le Basquiat », à Abidjan.

Après Abidjan, c’est à Paris en 1988 que Jean-Michel Basquiat rencontre les Ivoiriens Auguste Mimi Errol et Ouattara Watts, alors installés en France. Ils l’invitent à revenir chez eux, et se préparent à l’accueillir, espérant qu’ils pourront aussi le guérir de sa dépendance à la drogue. Mais il décède quelques mois plus tard, avant d’avoir pu les rejoindre en Côte d’Ivoire, où sa liberté artistique a tout de même ouvert la voie à bien des peintres.

Avec Mathilde Moro (plasticienne du mouvement Vohou-vohou), Georges Courrèges (ancien directeur du Centre culturel français d’Abidjan), Mimi Errol (galeriste et critique d’art), Peintre Obou, les élèves de primaire de la commune d’Abobo (Abidjan), et le peintre Ernest Duku.

Quel écho suscitent les œuvres de Jean-Michel Basquiat chez les artistes en devenir qui étudient à l’école des Beaux-Arts d’Abidjan ? Ce dernier épisode nous plonge dans la classe du peintre Pascal Konan, alors qu’il donne un cours d’introduction à la vie et l’œuvre de Basquiat.

Avec le peintre Pascal Konan et ses élèves, et le jeune peintre Chapo.

Le 12 août 1988, Jean-Michel Basquiat est retrouvé mort dans son appartement de New York. Overdose. Dans ses affaires, racontent ses amis, un billet d’avion pour Abidjan. Le plus célèbre des peintres noirs eut la trajectoire d’une comète qui, en moins de dix ans, enflamma le monde de l’art moderne de New York à Paris en passant par… Abidjan.

C’est en Côte d’Ivoire que le tout jeune homme né à Brooklyn d’un père haïtien fit son seul voyage en Afrique. Ce continent le fascinait. Un grand nombre de ses toiles y font d'ailleurs référence. Le fameux voyage initiatique – à l’occasion d’une exposition au Centre culturel français d'Abidjan – aura lieu en 1986. Pour Jean-Michel Basquiat, il aura énormément compté, au point que le jeune homme rêvait d’y retourner. D’autant qu’il a rencontré à Paris des Ivoiriens qui l’invitent à revenir et partent sur place préparer sa venue. D’où le billet d’avion qu’on aurait retrouvé dans ses affaires, et qu’il n’aura jamais pu utiliser.

C’est de cette mort, brutale et pourtant attendue, que part notre quête. Avec un billet d’avion énigmatique, comme la promesse d’un nouveau chapitre qui ne s’écrira jamais. Mais ce qui est certain, c’est que ce billet (est-il réel ? mythique ?) est emblématique de l’appétit de Basquiat pour l’Afrique. Une histoire qui s’écrit dès ses débuts, de ses origines haïtiennes à son admiration pour les figures de la fierté noire, de sa fascination pour les griots, les fétiches et les anciens rois africains… Basquiat : un ticket pour l’Afrique est une enquête rétrospective qui renoue les fils qui reliaient le génie de Brooklyn au continent dont il disait toujours porter avec lui « la mémoire culturelle ».

De Paris à Abidjan en passant par New York, le podcast original Basquiat : un ticket pour l’Afrique mène ses auditeurs dans les méandres de la part africaine de l’artiste, en donnant la parole à ceux qui l’ont connu, accompagné en Afrique, ou aux artistes d’Afrique que son travail a marqué. Notre série se termine ainsi à l'école des Beaux-Arts d’Abidjan, avec de jeunes artistes qui découvrent le travail de Basquiat.