Episodes

  • Donald Trump: le retour du protectionnisme à la Maison Blanche?
    Nov 7 2024
    Le milliardaire réélu président des États-Unis mardi 5 novembre a fait des tarifs douaniers le cœur de sa politique économique. Il menace cette fois de les augmenter considérablement, au risque de déclencher une guerre commerciale de grande ampleur aux risques imprévisibles. « Les taxes douanières sont la plus grande invention du monde », répète Donald Trump. Son premier mandat avait été marqué par de nouvelles taxes à l'importation sur l'acier, l'aluminium, les panneaux solaires et même les machines à laver. Cette fois il veut aller plus loin encore avec une nouvelle taxe douanière de 10 % sur tous les produits importés. Et il menace d’aller beaucoup plus loin encore. « Je vois vos usines partir en Chine ou au Mexique : ne les laissez pas vous prendre votre industrie automobile. Ils fabriquent ces énormes usines, et ils pensent qu’ils vont pouvoir fabriquer des dizaines de milliers de voitures et les vendre ici ? Je ne les laisserai pas faire », a-t-il promis en septembre dernier dans le Michigan. « Nous allons augmenter les taxes douanières de 200 %, leurs voitures vont devenir invendables aux États-Unis ! »Donald Trump s’adresse aux ouvriers de l’ancienne « ceinture de l’acier » du nord des États-Unis, devenue la « ceinture de la rouille ». Il prononce son discours à une centaine de kilomètres à peine de Detroit, capitale déchue de l’automobile mondiale devenue le symbole de la désindustrialisation. En revenant à l’étymologie du mot, le protectionnisme pour protéger les industries et les ouvriers américains, Donald Trump fait mouche. En 2020 Joe Biden avait emporté le Michigan avec plus de 150 000 voix d’avance. Cette fois c’est Donald Trump que les électeurs de ce swing-state ont choisi. Le milliardaire ne voit pas le protectionnisme que comme un bouclier, à ces yeux c’est aussi une arme et un moyen de pression. Pour lutter contre l’immigration ou le trafic de drogue, il menace par exemple le Mexique d’imposer de nouvelles taxes douanières arbitraires si Mexico ne contrôle pas mieux ses frontières. Le protectionnisme est aussi une arme dans la guerre d’influence à laquelle se livrent Washington et Pékin. Pendant son premier mandat Donald Trump avait augmenté les taxes sur certains produits chinois à 25 %.Trump menace la Chine mais aussi les alliés des États-UnisIl menace désormais de les augmenter à 60 %. Un chiffre qui n’est pas forcément à prendre au pied de la lettre, Donald Trump se vante de lancer parfois des chiffres au hasard comme outil de négociation, mais les termes du débat sont posés. Une mauvaise nouvelle pour l’économie chinoise qui peine toujours à se remettre de la pandémie et des difficultés de son marché immobilier. Pékin est en moins bonne posture face à Trump qu’elle ne l’était lors de son premier mandat. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche ne constituera pas pour autant une rupture dans les relations commerciales entre la Chine et les États-Unis. Joe Biden a eu beau se montrer très critique des mesures prises par Donald Trump, il n’est pas revenu sur les tarifs douaniers imposés par son prédécesseur sur 300 milliards de dollars de produits importés. Il en a même ajouté 18 milliards ciblés sur les technologies sensibles et notamment les semi-conducteurs.L’élection du milliardaire est en revanche regardée avec beaucoup d’appréhensions dans les capitales européennes. « Notre problème ce sont les autres pays qui profitent de nous », répétait Trump en campagne. « Le pire c’est que ceux qui nous traitent le plus mal, ce sont nos soi-disant alliés, je dis soi-disant parce qu’à bien des égards ce ne sont pas des alliés, ils abusent de nous. » Le message est clair, il s’adresse aux Européens mais aussi au Canada ou au Japon : il n’y aura pas de passe-droit. Là encore, il faut attendre de voir au-delà des coups de menton si ces menaces se traduisent concrètement en actes, mais on imagine mal, en cas de fortes augmentations des taxes douanières aux États-Unis, les pays concernés ne pas répliquer en augmentant à leur tour les taxes à l’importation sur les produits américains. À grande échelle, cela s’appelle une guerre commerciale.L'exemple des machines à laverAvec quelle conséquence pour l’économie mondiale ? Il est trop tôt pour le dire mais l’hypothèse donne des sueurs froides aux économistes. À plus court terme, le retour du protectionnisme risque de se traduire par une inflation généralisée. Quand l’administration Trump a augmenté les taxes à l’importation sur les machines à laver d’environ 10 % au début de son premier mandat, la mesure a eu en partie l’effet escompté, les fabricants ont investi aux États-Unis, ouvert des usines pour un total de 1800 emplois créés environ. Mais le prix des machines a lavé a augmenté de presque 100 dollars pour les consommateurs. Pire, ...
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  • Trump ou Harris: quels effets sur le dollar?
    Nov 5 2024
    Le billet vert a reculé sur les marchés à quelques heures des élections de ce mardi 5 novembre aux États-Unis, après des sondages un peu moins favorables à Donald Trump ces derniers jours. Le résultat du scrutin est particulièrement incertain. Si l’ancien président revient au pouvoir, quelles conséquences peut-on attendre pour le dollar ? Le dollar américain continue d'occuper une place centrale dans le monde, malgré la volonté des pays des Brics+ et de pays rivaux des États-Unis de s'en affranchir. Le billet vert est utilisé dans près de 40% des paiements internationaux. C’est encore de très loin la principale monnaie de facturation des exportations à l’échelle mondiale. Dans des pays où les habitants n'ont pas ou peu confiance dans leur monnaie, comme au Liban, en République démocratique du Congo ou encore au Venezuela, la devise américaine est une alternative parfois très recherchée.Enfin, les banques centrales à travers la planète continuent de privilégier le billet vert pour leurs réserves de change : elles stockent des dollars pour garantir la stabilité de leur propre monnaie nationale ou pour pallier un déséquilibre de leur balance des paiements (autrement dit : pour régler la facture des importations). Le dollar, c'est 60% des réserves de change mondiales.Ces chiffres ont un peu baissé ces dernières années, mais restent disproportionnés par rapport à la taille de l’économie américaine, qui pèse « seulement » un quart du PIB de la planète.Donald Trump partisan d'un dollar plus faibleL'ancien président américain Donald Trump, de nouveau candidat à la Maison Blanche, a répété plusieurs fois qu’il veut un dollar plus faible. « Nous avons un gros problème de monnaie », a-t-il répété en juillet à des journalistes de l'agence de presse Bloomberg. En réalité, son programme devrait plutôt tirer la monnaie américaine vers le haut. En effet, expulser massivement les migrants, ou encore imposer des droits de douane gigantesques sur les produits importés risque bien d'alimenter l’inflation et donc de pousser la Fed (la banque centrale américaine) à augmenter ses taux d’intérêts, ou à cesser de les réduire. Ce qui ferait grimper le dollar par rapport à d’autres monnaies, au moins à court terme.Kamala Harris, la continuité ?Les effets sur le dollar d'une éventuelle élection de Kamala Harris à la présidence des États-Unis semblent plus incertains. Plusieurs mesures qu’elle défend pourraient gonfler les prix, comme l’aide de 25 000 dollars qu'elle promet aux primo-accédants, les Américains souhaitant acheter un logement pour la première fois. Ses promesses envers les classes moyennes (réduire le prix des médicaments, supprimer les impôts sur les pourboires, entre autres) pourraient relancer la consommation. Mais les mesures qu'elle pourrait effectivement mettre en œuvre dépendront de la marge de manœuvre dont elle disposerait au Congrès, où le résultat s’annonce très serré. Pour l'instant, les analystes s’attendent plutôt à ce que la Fed ne change pas sa politique à court terme si Kamala Harris remportait la présidentielle ce mardi.La Réserve fédérale, face au reflux de l’inflation aux États-Unis, a laissé entendre qu’elle allait à nouveau baisser ses taux directeurs ce jeudi 7 novembre, ce qui pousserait plutôt le dollar à la baisse.Dollar fort, dollar faible : quelles conséquences mondiales ?Un dollar faible rend les produits américains moins chers pour le reste du monde et favorise donc les exportations états-uniennes. Au contraire, un dollar fort rend moins chers pour les Américains les produits qu’ils importent (sauf si Donald Trump est élu et applique sa promesse d'imposer des taxes sur les importations). En revanche, en particulier pour les pays en développement, un dollar fort tend à alourdir la facture des importations et à alimenter l’inflation au niveau local.
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  • Temu, le géant chinois du e-commerce dans le viseur de l'UE
    Nov 4 2024
    En un an et demi, la plateforme Temu s’est imposée en Europe. La Commission européenne a ouvert une enquête contre les pratiques commerciales du géant du e-commerce. Bruxelles s’interroge sur la qualité des articles et ses méthodes de vente « addictives ». Des vêtements, des bijoux, des accessoires de décoration... Temu est le royaume en ligne des prix cassés. Des tarifs imbattables, des articles expédiés en quelques jours, et une livraison gratuite : la plateforme chinoise d'e-commerce fait un carton en Europe avec 92 millions d’utilisateurs chaque mois.Le 31 octobre, la Commission européenne a ouvert une enquête contre les pratiques commerciales de Temu. Bruxelles soupçonne à la plateforme en ligne de ne pas en faire assez pour lutter contre la vente de produits dangereux ou illicites. Des associations de consommateurs ont par exemple recensé des jouets pour bébés avec de petites pièces qui peuvent être avalées. D’autres articles, qui comportent des notices disponibles uniquement en chinois ou des produits cosmétiques sans la liste des ingrédients, ne sont pas conformes aux normes européennes. Certains ont été retirés du site, avant de réapparaitre un peu plus tard.À écouter aussiLes géants du commerce en ligne Shein et Temu dans le collimateur de l’UE« Pousser le consommateur à acheter »Bruxelles s'interroge aussi sur les méthodes de vente « addictives » de Temu. « Il y a deux grandes catégories de pratiques qui se détachent, relève Marie-Amandine Stevenin présidente de l’association de consommateurs UFC Que Choisir qui a alerté dès le mois de mai la Commission européenne avec le dépôt d’une plainte au côté de seize autres associations de consommateurs. Il y a d’abord le système des recommandations. Le consommateur est souvent tracé en fonction des achats, et lorsqu’il clique sur le détail, il a des recommandations. On ne sait pas quel est l’algorithme qui va gérer ces recommandations. »Les associations alertent également sur les « dark patterns ». « Ce sont ces interfaces trompeuses où on vous affiche, "attention, ce produit ne sera plus disponible dans 12 jours, 4 heures et 26 minutes", détaille la présidente de l’UFC Que Choisir. Ces interfaces sont utilisées pour amener le consommateur à acheter bien plus vite que si elles n’avaient pas été mises en place. »La Commission européenne qui soupçonne Temu de contrevenir au nouveau règlement de l’UE sur les services en ligne, le DSA (Digital Services Act) réclame des explications. Si les réponses de la plateforme ne sont pas satisfaisantes, elle s’expose à une amende : l'équivalent de 6 % de son chiffre d’affaires mondial.À lire aussiChine: des vendeurs protestent contre les sanctions imposées par la plate-forme Temu« Effet d’aubaine pour le consommateur »Temu est une émanation d’un des géants du commerce en Chine, le groupe Pinduoduo (PDD Holdings). La plateforme, arrivée en Europe en avril 2023, a investi des sommes colossales sur le marketing digital pour se faire connaître, mais son principal argument de vente réside dans ses tarifs très bas. « Quand vous voyez des prix qui écrasent tous les concurrents, avec parfois des récompenses à l’achat de produits et une livraison gratuite : c’est un effet d’aubaine pour les consommateurs, explique Franck Rosenthal, expert en marketing du commerce. Ça ne peut que marcher très fort. »Pour proposer ces prix cassés, la plateforme s’appuie sur les commandes groupées réalisées par sa maison mère PDD Holdings, mais cherche aussi à réduire au maximum les intermédiaires. « Le modèle, c’est d’aller au plus court, de mettre l’usine en rapport quasi-direct avec le consommateur, détaille Franck Rosenthal. Temu va prendre une marge très, très faible, ça va faire la différence parce que ce sont des prix qu’on ne peut pas proposer en Europe, parce que nous n’avons pas les mêmes coûts de production, pas les mêmes taxes ni les mêmes normes. »Avec des prix très bas et des marges très faibles, Temu ne gagne pas d'argent. D’après une étude du magazine américain Wired, elle perdrait même aux États-Unis environ 30 dollars par commande.« Le modèle économique interroge, poursuit Franck Rosenthal, mais les équipes de Temu misent sur 2026 ou 2027 pour être bénéficiaire. D'autres géants du e-commerce comme Amazon ont mis quinze à vingt ans avant de gagner de l'argent. On ne sait pas comment Temu peut inverser la tendance en si peu de temps. »En attendant, la plateforme se construit une énorme base de clients et capitalise sur la revente des données de ces millions d’utilisateurs.À lire aussiChine: le patron de Temu, Huang Zheng, devient l’homme le plus riche du pays
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  • Lutte contre les monopoles: l'héritage de Joe Biden menacé par les élections
    Nov 1 2024
    Après quatre décennies de « laisser-faire », le mandat de l'actuel locataire de la Maison Blanche a marqué un tournant dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles des mégacorporations. Une rupture incarnée par le choix de Lina Khan, une juriste combative, pour diriger la puissante commission fédérale du commerce. Un héritage menacé sous la pression de Wall Street, même en cas de victoire de Kamala Harris. Il aura beaucoup été question pendant la campagne présidentielle qui s’achève d’immigration, du droit à l’avortement, de politique étrangère ou de pouvoir d’achat. Lors de cette campagne aussi courte qu’elle a été âpre, Donald Trump et Kamala Harris ont beaucoup moins parlé de ce qu’ils entendaient faire pour lutter contre les pratiques monopolistiques. La position de l’État fédéral vis-à-vis des mégacorporations, et notamment des géants de la tech, fait pourtant l’objet d’une guerre d’influence farouche dans l’entourage des candidats.Pour comprendre, il faut remonter plus de 40 ans en arrière, jusqu’à Ronald Reagan. Celui-ci a été le premier, avant Donald Trump, à adopter le slogan « Make America great again ». Le quarantième président des États-Unis était un néolibéral convaincu, partisan du « laisser-faire ». « Les neuf mots les plus terrifiants de la langue anglaise sont "je fais partie du gouvernement et je suis là pour aider"», répétait-il. Pour lui, l’État devait en faire le moins possible pour ne pas perturber le sacro-saint marché.Si ses successeurs sont revenus au fil des ans sur certains aspects de sa politique économique, aucune administration, aucun locataire de la Maison Blanche, n’est intervenu quand les grandes entreprises fusionnaient ou achetaient leurs rivales jusqu'à former d'énormes mastodontes. Pas même les démocrates Bill Clinton ou Barak Obama, Aucun, jusqu'à Joe Biden. « Cela fait 40 ans qu'on laisse les multinationales amasser de plus en plus de pouvoir. Et qu'a-t-on obtenu en retour ?, interrogeait le président américain en 2021. Moins de croissance, moins d'investissement et moins de petites entreprises. »Une jeune et brillante juriste bataillant contre des brevets « bidon »Décidé à brider les mégacorporations, Joe Biden choisit une jeune et brillante juriste pour diriger la Federal Trade Commission (FTC) : Lina Khan. À Yale, sa thèse sur les pratiques monopolistiques d’Amazon avait fait sensation. À 32 ans, elle réveille la commission fédérale du commerce et n’hésite pas à activer tous les leviers à sa disposition pour s’attaquer aux géants de la tech comme aux « Big Pharma ». Elle cite souvent l’exemple des inhalateurs, pour les personnes souffrant d’asthme. En France, ils coûtent l’équivalent de 7 dollars. Aux États-Unis, la facture pour les malades pouvait grimper jusqu’à 500 dollars.« On s'est rendu compte que les entreprises avaient déposé des brevets qui n'avaient rien à voir avec le médicament ou sa composition, par exemple sur le bouchon des inhalateurs », raconte-t-elle d’interview en interview. Des brevets « bidon » qui permettent aux entreprises de prolonger leur mainmise sur le marché de manière totalement artificielle. La FTC envoie plusieurs mises en demeure aux entreprises concernées, qui rétractent leurs brevets les unes après les autres. Dans les semaines qui suivent, le prix des inhalateurs redescend comme par magie à 35 dollars.À lire aussiEtats-Unis: Lina Khan, la juriste qui fait peur aux géants de la TechLa « personne la plus détestée de Wall Street »Tous ses combats ne se terminent pas par des victoires. Les 1 200 fonctionnaires de la FTC ne font pas toujours le poids face aux armées d’avocats et de juristes aux services des mégacorporations auxquelles elle s’attaque. En 2023, au terme d’une longue procédure, elle échoue par exemple à empêcher Microsoft de racheter le studio de jeux-vidéos Activision Blizzard.Mais elle a réussi son pari : la FTC est à nouveau une institution respectée et crainte. Lina Khan obtient le surnom de « personne la plus détestée de Wall Street ». Un titre qu’elle porte comme un badge d’honneur. « De la même manière que la Constitution garantit l’équilibre des pouvoirs sur le plan politique, il faut des règles sur la concentration des entreprises, martèle-t-elle. On ne veut pas plus d’un despote commercial qu’on ne veut d’un autocrate au pouvoir. »Sous son mandat, la FTC prête une attention particulière aux « Big 5 » - Google, Amazon, Meta, Amazon et Apple -, et notamment aux développements autour de l’intelligence artificielle. « Les entreprises essayent de subjuguer le législateur en disant "oh ces technologies sont tellement nouvelles, il vaut mieux ne pas intervenir", et c'est ce qu'on a fait il y a 20 ans avec l'émergence des réseaux sociaux et on en paye le prix aujourd'hui. »...
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  • Budget 2025: la rigueur est-elle souhaitable pour l'économie?
    Oct 31 2024

    Le projet de loi de finance 2025 est examiné à l’Assemblée nationale depuis une dizaine de jours en France. 60 milliards d'euros d’économies prévues par le gouvernement avec l’augmentation de certains impôts, et des coupes notamment dans la Sécurité Sociale, et pour les collectivités locales. Les effets économiques de cette austérité budgétaire proposée.

    Les efforts demandés par le gouvernement Barnier pourraient diviser par deux la croissance en 2025, d’après les économistes de l'OFCE, l'observatoire français des conjonctures économiques. Autre effet prévu : la destruction de 130 000 emplois. Ironie du sort, ce budget pourrait rendre plus difficile la réduction des déficits. « L'austérité appelle l'austérité », résume Simon-Pierre Sengayrac, directeur de l'observatoire de l'économie à la fondation Jean Jaurès. « On ne réduit pas les déficits en faisant de l'austérité, ça c'est la vérité générale que l’on est censé avoir tous compris depuis la crise des dettes souveraines qu'ont connu les pays du sud de l'Europe dans les années 2010. Lorsque la croissance est plus faible, les rentrées fiscales sont plus faibles et donc on se retrouve avec un problème "accentué" l'année suivante ».

    À lire aussiFrance: examen du budget 2025 à l’Assemblée nationale, le gouvernement Barnier à l’épreuve

    Réajustements : une question de rythme

    Le défi du gouvernement : trouver des leviers de réduction de déficit qui ne touchent pas trop la croissance future. D'où ces hausses ciblés d'impôts sur les plus aisés et la révision de certaines niches fiscales. La question qui se pose également : c'est le rythme de ce réajustement budgétaire. Le nouveau cadre de l'Union européenne n'impose pas d'aller aussi loin que ces 60 milliards d'euros d'économie. Les exemples du Portugal et de la Grèce au début des années 2010 sont restés dans les esprits. Si on va trop vite, trop fort dans les coupes budgétaires, impossible de réduire l'endettement. Il est désormais autorisé d'étaler sur sept années ces réajustements budgétaires. Si l'on suit les textes européens, un effort de « seulement » 20 milliards d'euros d'économie serait réalisable, explique Simon Pierre Sengayrac : « Cet effort de 20 milliards, que ce soit en recette comme en dépense, est beaucoup plus facile à atteindre. Évidemment, c'est un effort sur 2025 qu'il faudrait faire à nouveau en 2026. Mais les marches sont beaucoup plus faciles à enjamber que l'énorme effort de 60 milliards qui est proposé par le gouvernement Barnier ».

    L’avertissement des agences de notation

    Le gouvernement Barnier insiste sur les efforts à faire immédiatement pour rassurer les marchés, Bruxelles et les investisseurs. Même si la dette française reste un investissement solide et profitable, c'est un budget pour garder le contrôle, disait Michel Barnier devant la représentation nationale. « C'est un budget de souveraineté. Si nous laissons filer cette dette et la crise qui ira avec, nous perdrons notre souveraineté. Le gouvernement n'a pas envie et n'acceptera jamais que l'avenir de nos enfants soit décidé à Washington, à New York ou à Pékin ».

    New York où sont basées les trois plus importantes agences de notation, met tout de même la pression. Pas de dégradation de la note de la dette souveraine pour l'instant, mais vendredi dernier Moody's y a ajouté une perspective négative. Le message est clair, il n'y aura pas la place pour une troisième année consécutive de dérapages budgétaires.

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  • La Chine pourrait être le prochain pays à poser le pied sur la Lune en devançant les États-Unis
    Oct 30 2024
    Ce mercredi 30 octobre, la Chine a envoyé trois astronautes – deux hommes et une femme – dans sa station spatiale, située en orbite terrestre basse. Leur mission, Shenzhou-19, prévue pour durer plus de six mois, représente une nouvelle étape du programme spatial chinois, dont l'un des objectifs est de poser un pied sur la Lune à horizon 2030, avant que les États-Unis et leurs alliés y retournent. Officiellement, la Chine dépense l'équivalent de 15 milliards de dollars par an dans ses programmes spatiaux. Officieusement, les observateurs du secteur estiment qu'en prenant en compte notamment les programmes spatiaux à visée militaire, les dépenses spatiales chinoises oscilleraient plutôt entre 20 et 25 milliards de dollars. Loin devant l'Europe, mais encore derrière les États-Unis.Ce mercredi, trois astronautes – deux hommes et une femme – ont décollé depuis Jiuquan, dans le nord-ouest de la Chine, vers la station spatiale Tiangong. Leur mission, prévue pour durer un peu plus de six mois, est une nouvelle étape dans la stratégie spatiale de Pékin.Tester des briques imitant le sol lunaireMême si ce n'est pas le principal objectif de la mission Shenzhou-19, pendant leur séjour dans l'espace, les trois astronautes chinois vont en profiter pour tester des briques fabriquées avec des matériaux qui imitent le sol lunaire. Il s'agit d'étudier si le sol de la planète peut être utilisé pour fabriquer une base sur place, sans avoir besoin d'apporter tous les matériaux depuis la Terre, ce qui serait long et cher. La Chine espère poser un pied sur la Lune avant 2030 et y construire une station avant 2035.Viser la Lune, agacer les États-UnisL'intérêt des deux grandes puissances pour la Lune s’explique avant tout par des motivations géopolitiques. La Chine veut prouver qu'elle est capable d'y envoyer des astronautes et, par la même occasion, défier son rival américain. Les États-Unis, eux, perçoivent plutôt la Lune comme une étape intermédiaire vers Mars. Mais le calendrier de la Nasa a été repoussé à plusieurs reprises en raison de difficultés techniques rencontrées par la fusée Starship de SpaceX, qui doit effectuer le voyage.Si les États-Unis restent nettement en avance d'un point de vue technologique, le prochain humain à poser un pied sur la Lune pourrait donc parler mandarin, affirme Stefan Barensky, rédacteur en chef du magazine Aerospatium : « Il y a très peu de chance que les Chinois ne se posent pas sur la Lune vers 2030, voire avant. Les Américains essaient de mettre en place des technologies beaucoup plus avancées. Mais les Chinois, en jouant sur des technologies [moins ambitieuses technologiquement] qu'ils maîtrisent progressivement ont un calendrier a priori beaucoup plus fiable. » Premier arrivé, premier servi ?Quelle que soit la première mission à aboutir, l'exploitation des ressources naturelles de la Lune et la répartition du territoire seront des enjeux particulièrement sensibles. L'eau, qui existe à l'état solide sur la planète, pourrait être utilisée pour les astronautes dans une station habitée pour cultiver quelques aliments ou bien pour produire du carburant avec l'hydrogène et l'oxygène qu'elle contient. La planète abrite aussi du fer ou encore du titane, qui pourraient servir à faire des pièces pour les fusées, par exemple pour une réparation. L'enjeu n'est pas tant d'exploiter ces ressources pour les ramener sur Terre, mais plutôt de les utiliser pour éviter d'apporter certains objets ou ressources depuis la Terre, chaque trajet étant long à préparer et très coûteux. Les fusées disposent d'un espace limité : chaque gramme ou chaque kilo économisé est précieux.L'installation de bases sur la Lune soulève aussi des questions de territorialité. Selon un accord de l’ONU de 1967, aucun pays ne peut en revendiquer la propriété, même partielle. Mais certains pays cherchent à réformer ou contourner ce principe : « Les États-Unis ou le Luxembourg estiment que, certes, on ne peut pas s’approprier le terrain, mais qu’il est possible de revendiquer ce que l’on extrait », souligne Stefan Barensky.Dans cette course, le pôle Sud lunaire, avec ses réserves en eau et son ensoleillement continu (utile pour produire de l'énergie solaire), constitue un emplacement stratégique pour implanter une base. Le premier arrivé aura plus de choix que le second.
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  • Lutte contre le blanchiment d’argent: le Sénégal de nouveau parmi les bons élèves
    Oct 29 2024
    Le Groupe d'actions financières a retiré, le 25 octobre 2024, le Sénégal de sa liste « grise » pour ses « efforts significatifs » dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Un bol d’air pour l'économie ? Trois ans après avoir été placé sur liste « grise », le Sénégal n'est plus sous la « surveillance renforcée » du Groupe d'actions financières (Gafi). En 2021, Dakar avait été épinglé pour des « défaillances stratégiques » dans ses régimes de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.L'organisme avait pointé des manquements dans des pans entiers de l'économie, de la construction à l'immobilier en passant par les casinos, notaires, avocats... Les entreprises et professions de ces secteurs étaient accusées de ne pas en faire assez pour dénoncer les opérations suspectes de fonds, et donc indirectement de favoriser le blanchiment d'argent.À l'époque, le Gafi avait préconisé la mise en œuvre de 49 recommandations. Trois ans plus tard, toutes ont transposé dans les textes sénégalais, avec notamment l'adoption en février 2024 d'une nouvelle loi sur le sujet. « L'esprit de cette loi est de combler les carences de la précédente législation pour se conformer aux recommandations du Gafi », détaille Moussa Sylla, spécialiste de la lutte contre le blanchiment d'argent.Les mesures permettent entre autres de mieux tracer les fonds suspects en limitant les recours aux prête-noms et prévoient des sanctions renforcées et ciblées – y compris pénales – contre les banques ou les institutions qui ne respecteraient pas leurs obligations.À lire aussiAntonio David (FMI): «Les mesures prises en Afrique vont considérablement réduire l'inflation»Recouvrement des biens illégalement acquis« Dès 2021, le Sénégal a voulu donner des gages sur sa volonté de lutter contre les sources illégales de financements, note Moussa Sylla. Cela passe notamment par la création en avril 2022 de l'Office national des recouvrements des avoirs criminels (Onrac). Dorénavant, les fonds des personnes soupçonnées de faire du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme peuvent être récupérés et vendus aux enchères. C'est tout simplement ôter la possibilité aux criminels de profiter de leurs biens illégalement acquis. » Autre point, l'État a mis l'accent sur la formation et la sensibilisation des personnes chargées de faire appliquer la loi. Avec des résultats concrets : d'après la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif), les « ​​​​​​​déclarations d'activités suspectes » ont bondi de 145% en 2023.Retrouver la confiance des investisseurs« La sortie du Sénégal de cette ''liste grise'' est un élément extrêmement important en termes d'image, analyse Magaye Gaye, économiste et ex-cadre de la Banque ouest-africaine de développement et du Fonds africain de garantie et de coopération économique (Fagace). Cela permet de dire qu'on ne veut plus avoir mauvaise presse auprès des investisseurs et des bailleurs de fonds internationaux. » Les trois années de « ​​​​​​​surveillance renforcée » du Gafi ont en effet érodé la confiance des investisseurs. Une source au Centif, citée par le journal Le Monde, évoque un déclin du capital investissement de 6 à 7% depuis 2021.« Cette décision vient également contrebalancer les épisodes malheureux de dégradation de la note souveraine par les agences de notations, ajoute l'économiste (début octobre, Moody's abaissait la note du Sénégal à B1 et plaçait le pays « sous surveillance », NDLR). Elle réconforte enfin les nouvelles autorités qui prônent un discours de vérité auprès des instances internationales à l'heure où le pays a besoin de beaucoup de financements pour faire face à ses besoins sociaux et économiques. » La semaine dernière, le ministre des Finances, Cheikh Diba, confiait que le Sénégal cherchait à négocier un nouvel accord avec le Fonds monétaire international (FMI), le dernier remontant à 2023.À trois semaines des élections législatives, prévues le 17 novembre prochain, le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko pourraient également profiter de l'annonce du Gafi pour étoffer leur premier bilan, même si la décision du Gafi résulte aussi des efforts engagés par leurs prédécesseurs.À lire aussiLe Sénégal cherche un nouvel accord avec le FMI
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  • Face à la baisse des revenus pétroliers, l'Arabie saoudite prudente sur ses dépenses
    Oct 28 2024

    L'Arabie saoudite prudente sur son budget 2025. Les revenus pétroliers sont plus faibles que prévus, la prévision de croissance pour 2024 a été revu à la baisse. Le premier exportateur mondial de pétrole brut a donc redimensionné certains projets.

    On est encore loin de l'austérité sévère et inflexible. Les investissements sont toujours énormes en Arabie saoudite. Le budget est même en augmentation avec des déficits assumés jusqu'à 2027, mais on observe un recalibrage avec des dépenses publiques en diminution et certains projets revus à la baisse. Exemple : la ville futuriste « The Line » qui devait pouvoir accueillir 1,5 million de personnes. Le projet a été révisé : cette ville linéaire en plein désert ne pourra loger que 300 000 habitants.

    Comment expliquer cette prudence ?

    Le message porté par ce pré-budget, c'est que l'argent illimité n'existe pas, même dans une pétromonarchie du Golfe. C'est un effet mécanique : quand les revenus pétroliers ne sont pas à la hauteur, l'Arabie Saoudite fait le dos rond. « Vous avez une économie qui dépend encore à peu près 40 % du secteur pétrolier, explique Laure De Nervo, économiste au crédit agricole spécialisée sur le Moyen-Orient, là, il y a eu plusieurs annonces de coupe de production. D'abord en avril 2023, puis les annonces de coupe de novembre 2023 devaient être levées ce mois-ci, mais cela a été reporté et devrait avoir lieu qu'à partir de décembre si ce n’est pas encore reporté. Mécaniquement, vous avez un quatrième semestre qui va être impacté par cela ».

    Les investissements directs étrangers pas encore au niveau

    L'Arabie Saoudite, notamment le prince héritier Mohammed Ben Salmane, ont cette volonté de diversifier l'économie avec le programme Vision 2030 lancé il y a huit ans. Faire moins de pétrole, et développer le tourisme, l'industrie, les nouvelles technologies.

    À mi-parcours, il semble y avoir une nécessité de revoir les priorités. D'autant que du côté des investissements directs étrangers, on est loin de l'ambition affichée. De l'objectif de 100 milliards de dollars en 2030, ils atteignaient difficilement les 12,5 milliards l'année dernière.

    « Ils ont un déficit d'image qui est assez important, je pense qu'il y a des défis financiers il y a des fluctuations économiques assez importantes au niveau du prix du pétrole il y a aussi un contexte géopolitique qui n'échappe à personne qui crée beaucoup d'incertitudes : les élections aux États-Unis dans quelques semaines aussi qui vont être importantes, assure Foued Kefif est fondateur du cabinet de conseil Middle X à Riyad. Tout cela fait en sorte qu'il y a il y a de l'incertitude et peut-être moins d'investissements que prévu néanmoins le marché est ultra-dynamique. »

    Diversification en bonne voie

    Pas de ralentissement, juste une mise au point financière avant les Jeux asiatiques d'hiver dans cinq ans et surtout l'exposition universelle 2030. Par ailleurs, la croissance hors pétrole est dynamique, le taux de chômage baisse ; la dette est encore faible, de quoi stimuler l'investissement.

    La seule épine dans le pied, c'est que le pays est toujours dépendant de ses hydrocarbures. La transition vers une économie plus diversifiée sera longue, coûteuse et c'est un comble, la réussite de cette transition dépend aujourd'hui des revenus pétroliers.

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